SOFIA: Les Bulgares, de retour aux urnes dimanche, devraient sauf surprise renouveler leur confiance à leur président, devenu une figure clef du mouvement anti-corruption dans ce pays, le plus pauvre de l'UE.
Le scrutin se déroule en pleine vague meurtrière de la pandémie de Covid-19. Moins de 25% des 6,9 millions d'habitants sont complètement vaccinés, la mortalité y est une des plus élevées au monde et les vétustes hôpitaux sont débordés.
Dans cette république parlementaire des Balkans, c'est le gouvernement qui définit la politique, le président ayant un rôle essentiellement protocolaire.
Mais Roumen Radev, novice quand il a gagné en 2016, a donné à la fonction une autre ampleur et s'est imposé au fil des ans comme un personnage incontournable du jeu politique.
Arrivé en tête du premier tour le 14 novembre avec plus de 49% des voix, cet ancien pilote de chasse et ex-chef des forces armées de 58 ans espère, s'il est réélu, achever sa mission de "changement".
«Président du changement»
"Prenons notre destin en main, ne laissons pas les autres saper notre avenir", a-t-il déclaré dimanche en votant.
Une semaine après les législatives qui ont donné la victoire à un jeune parti anti-corruption, il s'agit de transformer l'essai, selon Kiril Petkov, qui brigue le poste de Premier ministre.
"Le choix du président influera sur tout le développement de la Bulgarie", a-t-il insisté, après avoir appelé cette semaine à voter pour celui "qui a commencé le changement".
A l'été 2020, M. Radev s'était clairement rangé du côté des manifestants réclamant la démission du Premier ministre conservateur Boïko Borissov.
Puis, après les élections du 4 avril qui ont scellé la chute de son ennemi juré mais débouché sur une impasse politique, le général s'est de nouveau retrouvé en pleine lumière.
Il a choisi de nouveaux visages pour composer le gouvernement intérimaire, lequel a acquis une large popularité pour avoir mis au jour des pratiques de corruption de l'ère Borissov.
Apathie
Et ce sont deux ex-ministres de cette équipe qui ont remporté le scrutin législatif à la tête de leur nouvelle formation, "Continuons le changement".
M. Petkov et son acolyte, Assen Vassilev, ont entamé cette semaine les tractations pour sortir d'une crise inédite depuis la fin du régime communiste.
Dans la capitale Sofia, des électeurs confiaient leur désir d'un "nouveau départ".
"Tout va de travers. Je veux que cela change pour mes enfants, petits-enfants et anciens élèves", a confié à l'AFP une professeure à la retraite, Dobrinka Nakova, descendue dans la rue l'an dernier.
Mais la plupart des Bulgares étaient peu enthousiastes après déjà trois élections cette année: selon la Commission électorale, le taux de participation était de 24% à 16H00 (14H00 GMT), en net retrait comparé à 2016.
«Ne pas diviser la nation»
Salué par beaucoup pour son rôle dans la marginalisation de Boïko Borissov après une décennie au pouvoir, Roumen Radev est accusé par ses détracteurs d'outrepasser ses fonctions et de "prendre parti".
"Le rôle du président est d'unir la nation, non de la diviser", a lancé son adversaire du second tour Anastas Guerdjikov, qui avait recueilli moins de 23% dimanche dernier.
Le recteur de l'université de Sofia, lui aussi âgé de 58 ans, se présente avec le soutien de Gerb, le parti de M. Borissov. Il peut aussi compter sur le parti de la minorité turque MDL.
M. Guerdjikov a également attaqué son rival sur ses supposées sympathies pro-russes, qui lui avaient valu le sobriquet de "général rouge".
"La Russie ne peut pas être notre modèle de développement, mais ne peut être notre ennemie non plus", a répondu ce président proche des socialistes.
Le politologue Evgueni Daynov appelle à ne pas se tromper de débat. La priorité, y compris de la droite, doit être de barrer la route au candidat appuyé par Gerb/MDL, deux mouvements jugés indissociables de la corruption qui gangrène le pays, estime-t-il. "C'est une question de survie nationale".
Les bureaux de vote ferment à 20H00 (18H00 GMT), quand seront dévoilées les premières estimations de sortie des urnes.