SOKOLKA : La Pologne a fait état vendredi de nouvelles tentatives de passage de frontière depuis le Belarus, le président de ce pays indiquant qu'il "était absolument possible" que ses soldats ont aidé des migrants de passer dans l'UE, niant cependant les avoir invité dans son pays.
L'Occident accuse le Belarus d'avoir orchestré la crise pour se venger des sanctions européennes, faisant venir les migrants et les conduisant à la frontière avec la promesse d'un passage facile dans l'UE.
Le Bélarus a rejeté ces accusations, critiquant l'UE de ne pas vouloir accepter les migrants.
"Nous sommes des Slaves. Nous avons du cœur. Nos troupes savent que les migrants vont en Allemagne (...) Peut-être que quelqu'un les a aidés", a déclaré Alexandre Loukachenko dans un entretiens à la BBC. "Mais je ne les ai pas invités ici".
Selon les garde-frontières polonais, deux nouvelles tentatives de passage de la frontière, limite orientale de l'UE, ont eu lieu au cours des dernières 24 heures - l'une impliquant 500 migrants, dont certains ont lancé des pierres et des bombes lacrymogènes.
Quarante-cinq migrants ont été interpellés, selon Varsovie.
L'agence d'état bélarusse Belta a indiqué jeudi soir que 2 000 migrants avaient quitté le campement de fortune installé près de la frontière et, face à des conditions météorologiques se dégradant, passé la nuit dans un centre logistique à proximité.
Belta a publié des images des migrants couchés sur des matelas, indiquant que "pour nombre d'entre eux, il s'agissait d'une première nuit au chaud".
Des centaines d'Irakiens qui n'avaient pas réussi à entrer dans l'UE sont rentrés chez eux jeudi avec le premier vol de rapatriement organisé par Bagdad.
Selon le Kremlin, M. Loukachenko et son principal allié, le président russe Vladimir Poutine, se sont entretenus par téléphone vendredi et ont souligné "l'importance de l'instauration d'une coopération entre Minsk et l'UE".
L'Ukraine, qui borde à la fois le Bélarus et la Pologne, a déclaré, quant à elle, qu'elle se préparait "systématiquement et minutieusement" au cas où la crise se déplacerait sur son territoire.
"Nous n'excluons pas la possibilité que la Russie décide d'envoyer délibérément un grand nombre de migrants illégaux via le Bélarus vers notre territoire", a déclaré le ministre ukrainien de l'Intérieur Denys Monastyrsky.
Il a assuré que la situation à la frontière ukrainienne était actuellement sous contrôle, mais a averti que les migrants qui décident de traverser seront repoussés avec tous les moyens nécessaires, y compris des armes à feu.
«Les refoulements doivent cesser»
La commissaire aux droits de l'Homme du Conseil de l'Europe, Dunja Mijatovic, a qualifié la situation humanitaire le long de la frontière d'"alarmante" et a exigé la fin des refoulements de migrants de la Pologne vers le Bélarus.
"J'ai personnellement entendu les récits épouvantables de souffrances extrêmes de personnes désespérées (...) qui ont passé des semaines, voire des mois dans des conditions sordides et extrêmes dans les bois froids et humides à cause de ces refoulements", a-t-elle déclaré. "Tous les refoulements doivent cesser immédiatement."
Elle a également appelé la Pologne à autoriser les militants des droits humains et les médias "un accès immédiat et sans entrave à toutes les zones le long de la frontière".
Le régime de Minsk a affirmé jeudi que 7 000 migrants se trouvaient sur son territoire, se disant prêt à "rapatrier" 5 000 d'entre eux, et soutenant que l'UE allait créer "un couloir humanitaire" vers l'Allemagne pour environ 2 000 autres.
Berlin a aussitôt démenti cette information.
Malgré les rapatriements, la Pologne estime que la pression à la frontière se poursuit, le ministère de la Défense notant que les tentatives de traversée via la rivière de Bug s'étaient multipliées ces derniers jours.
Des tentatives «plus agressives»
Selon la porte-parole des garde-frontières polonais Anna Michalska, quatre soldats ont été légèrement blessés durant les tentatives de traversée et s'il y a moins de tentatives que durant le dernier, elles "sont devenues plus agressives".
Vendredi, le ministre polonais de la Défense Mariusz Blaszczak a tweeté que Varsovie était "heureuse d'accepter la proposition de l'Estonie" d'envoyer 100 soldats à la frontière.
L'UE et les États-Unis ont annoncé cette semaine de nouvelles sanctions contre le régime bélarusse, qui a écrasé l'opposition et les médias indépendants depuis une élection présidentielle contestée l'année dernière.
"Cette tentative de militariser la migration doit cesser", a de son côté déclaré le secrétaire d'État américain Antony Blinken, dénonçant "une terrible injustice" pour les migrants transformés en "pions".