PARIS: "Protecteur" mais "radical", "jupitérien" tout en étant "disruptif", à la fois social-démocrate et centre droit, mesures choc ou d'accompagnement: la majorité s'interroge sur le projet présidentiel du probable futur candidat Macron, un difficile en-même-temps qui ravive de vieilles lignes de fractures.
En louant la "valeur travail" et en appelant à des "décisions claires", notamment le report de l'âge de départ à la retraite, le chef de l'Etat a semblé lancer sa campagne de réélection, lors de son allocution télévisée du 9 novembre, au risque assumé de nourrir les critiques en droitisation.
"Mais depuis quand le travail, c'est de droite?", s'étrangle un ministre revendiqué chrétien-démocrate mais qui se dit "soucieux de parler au centre gauche", et selon qui le discours de la semaine dernière renforçait surtout "la stature" du président, indispensable pour espérer se faire réélire en avril 2022.
En macronie, l'éternelle opposition branche droite versus branche gauche s'est en fait adoucie, la seconde se montrant rassurée que l'exécutif eût renoncé à une surenchère droitière sur les thèmes régaliens, "une course à l'échalote à laquelle on sortirait toujours perdant", selon un haut responsable du MoDem.
Mais certains clivages demeurent: d'abord, les tenants de la "protection", ou "société du care", c'est-à-dire du soin, naguère théorisée par Martine Aubry et qui trouve aujourd'hui écho dans la proposition de "grande Sécurité sociale" souhaitée par le ministre de la Santé Olivier Véran, qui consisterait à nationaliser pour partie les complémentaires santé.
"Il faut essayer d'avoir un discours plus 'CFDT-iste', dans l'optique de récupérer une partie de l'électorat qui a voté Macron en 2017", appuie un ministre issu du PS.
"La grande Sécu ? A qui ça parle ?", persifle au contraire un ministre, quand l'un des dirigeants de La République en marche s'interroge sur "l'intérêt politique" d'une telle mesure.
Un membre du gouvernement, bien que lui-aussi ex-PS, se fait davantage cruel: "Si le spectre politique, c'est: +qui va le mieux protéger les Français?+, c'est lamentable", se désole-t-il. Il appelle à célébrer plutôt "les ingénieurs et les start-up" pour "retrouver une campagne positive tournée vers l'avenir, comme en 2017", et à s'appuyer sur le plan France 2030 aux investissements massifs dans les nouvelles technologies.
« Mesures démago »
Pour l'instant sans candidat, et donc sans programme, LREM cherche pour sa part à détecter les "signaux faibles" de la société, à coup de porte-à-porte et questionnaires, qui avaient fait le succès de la "grande marche" d'il y a cinq ans de laquelle était ressortie la question des violences intra-familiales.
Selon le patron du parti, Stanislas Guerini, les problématiques de santé mentale, de prix du logement ou d'usurpation d'identité émergent. Le patron des députés LREM Christophe Castaner phosphore quant à lui sur les nouvelles attaques numériques qui pèseraient notamment sur les systèmes bancaires.
Pas assez disruptif? "Il faut pousser les curseurs: on n'est pas centriste, on est radicaux, sur les deux flancs", estime un député qui entend ressusciter des réflexions de 2017, telles la nationalisation d'Areva ou l'accession à la propriété de logements sociaux.
Le thème de l'éducation est également brandi, y compris en privé par le Premier ministre Jean Castex, où l'on plaide pour une grande autonomie des établissements du secondaire, à l'image de l'expérimentation proposée par Emmanuel Macron à Marseille.
Un chef de parti partenaire de la majorité milite pour interdire tout nouveau bâti tant que toutes les friches n'auront pas été réhabilitées, manière de reprendre la main sur les thèmes écologiques.
"Les mesures choc, démago, 'wahou', les gens n'y croient plus...", s'inquiète toutefois une figure montante de la macronie.
"Il faut aussi qu'on explore deux-trois sujets: l'écologie, la question démocratique au sens large, l'Europe: tout ça, ça coche des cases de réassurance et de protection", martèle un poids-lourd du gouvernement, "mais pas plus".
Il s'agira également, convient chacun, de décliner "un récit", "de parler de la France". Avec un double objectif: retrouver la "France unie" théorisée par François Mitterrand lors de sa campagne victorieuse de réélection en 1988 et mieux contrer les populistes, Eric Zemmour en tête.