BEYROUTH: Le jury du prix Albert-Londres, considéré comme la récompense la plus prestigieuse du journalisme francophone, a remis, mardi 15 novembre, sa 83e distinction dans la catégorie «presse écrite» à la journaliste franco-libanaise Caroline Hayek, lors d’une cérémonie organisée à la Bibliothèque nationale de France (BnF), à Paris.
Roselyne Bachelot, ministre de la Culture, a remis le prix à Hayek dans le Grand auditorium de la BnF.
Caroline Hayek, journaliste au quotidien libanais L’Orient-Le Jour (L’OLJ), a reçu ce prix pour ses reportages dans lesquels elle a réussi à mettre en lumière la vie au Liban après la double explosion du 4 août 2020 au port de Beyrouth, un drame qui a causé la mort d’au moins 214 personnes. «Promenade dans un Beyrouth en déliquescence», «Les premiers jours du reste de leur vie» ou encore «Ils ont fui la guerre en Syrie… ils sont morts dans les explosions de Beyrouth» sont des reportages qui ont valu à la journaliste la reconnaissance du jury.
L'association Albert Londres salue cette série d’articles «aux titres évocateurs qui emmène le lecteur au bout de l'humanité».
La récompense reçue par Caroline Hayek, qui travaille à L’OLJ depuis 2014, met également à l'honneur le quotidien libanais francophone lancé en 1924, «ouvert sur les enjeux du monde et soucieux de faire comprendre ce qui se passe au coin de la rue Hamra».
«Les journaux sont en train de mourir au Liban et L’OLJ fait tout pour résister. Pour toute la rédaction, [ce prix] est encourageant; cela nous donne de l'espoir», a déclaré Caroline Hayek.
Pour Fifi Abou Dib, journaliste, auteure et chroniqueuse à L’OLJ, ce prix «est important pour L'OLJ qui se bat pour survivre et se faire entendre, alors que tristement la plupart des grands journaux ont fermé, notamment le Daily Star la semaine dernière».
«Il est important aussi de rappeler que Caroline reçoit ce prix comme une voix libre du Moyen-Orient, et que l'angle d'une de ses enquêtes autour de la double explosion du 4 août était la communauté des migrants syriens dont 40 sont morts à cause de la corruption au Liban alors qu'ils avaient fui la guerre», a-t-elle ajouté.
De son côté, le directeur de L’OLJ, M. Michel Helou, considère que «remettre L'Albert-Londres à un journal libanais, c'est consacrer l'universalité de la langue française qui pour nous est aussi une langue libanaise».
Le 37e prix de l'audiovisuel, qui récompense le meilleur reportage audiovisuel, a été attribué, quant à lui, aux journalistes indépendants Alex Gohari et Léo Mattei pour leur film On the line, les expulsés de l’Amérique, produit par Brotherfilms et diffusé sur France 2 et Public Sénat.
La photojournaliste indépendante Emilienne Malfatto, qui a débuté sa carrière au quotidien colombien El Espectador puis à l'agence France-Presse, a reçu le 5e prix du livre pour Les Serpents viendront pour toi, publié aux éditions Les Arènes Reporters.
Dans cet ouvrage, la journaliste, qui a vécu plusieurs années en Colombie, enquête sur le meurtre d'une mère colombienne de six enfants commis dans l'indifférence générale. Elle y relate le fléau des assassinats de syndicalistes, de responsables associatifs ou de simples citoyens qui ne cherchaient qu'à faire valoir leurs droits.
«Notre métier n'est pas de faire plaisir, non plus que de faire du tort. Il est de porter la plume dans la plaie», disait Albert Londres (1884-1932). Créé en 1933 en hommage au journaliste français, père du grand reportage moderne, le prix est doté de 3 000 euros pour chacun des lauréats qui doivent avoir moins de 41 ans. Ce prix du journalisme français distingue chaque année trois jeunes reporters dans les catégories «presse écrite», «audiovisuel» et «édition».
Le palmarès 2021 du prix est marqué par la thématique de l'injustice, «matière première des reportages soumis au jury», que «le journalisme transforme en colère», souligne l'association Albert Londres dans un communiqué.
(Avec AFP)