PARIS: Le couple Fillon de retour à la barre: le procès en appel de l'ancien Premier ministre, de sa femme et de son ex-suppléant s'est ouvert lundi en début d'après-midi à Paris dans l'affaire des soupçons d'emplois fictifs de Penelope Fillon, avec de techniques débats de procédure.
Costume bleu nuit, visage indéchiffrable derrière un masque noir, celui qui fut le chef du gouvernement entre 2007 et 2012, aujourd'hui âgé de 67 ans, est arrivé peu avant 13H30 dans la salle d'audience de la cour d'appel, toute en lambris et boiseries dorées.
A ses côtés, Penelope Fillon, 66 ans, pull noir, cheveux argent et masque bleu, ainsi que Marc Joulaud, 54 ans, dont la silhouette dépasse d'une tête le couple Fillon.
Le 29 juin 2020, l'ex-locataire de Matignon a été condamné pour détournement de fonds publics notamment à cinq ans d'emprisonnement dont trois avec sursis et deux ferme, 375 000 euros d'amende et dix ans d'inéligibilité.
Son épouse a été sanctionnée de trois ans d'emprisonnement avec sursis, 375 000 euros d'amende et deux ans d'inéligibilité, quand M. Joulaud s'est vu infliger la même peine d'emprisonnement, 20 000 euros d'amende avec sursis et cinq ans d'inéligibilité.
"J'ai décidé de faire appel car je ne me reconnais pas dans le jugement", a déclaré à la barre Mme Fillon, interrogée par la cour. Lors du premier procès, "je me suis sentie ridiculisée, même parfois humiliée, j'étais tétanisée au point de ne pas pouvoir m'exprimer comme je l'aurais voulu. (...) Cette fois-ci, j'aimerais vous convaincre", a-t-elle ajouté.
"Je conteste ce jugement", a simplement lâché à son tour M. Fillon, annonçant qu'il souhaitait faire plus tard une "déclaration liminaire".
Désormais retraité, il a consacré ces derniers mois à préparer ce procès, a assuré quelques jours avant l'audience son avocat Me Antonin Lévy, pour qui l'enjeu est que son "innocence" et "celle de son épouse soient enfin reconnues".
La défense a ensuite soulevé deux questions prioritaires de constitutionnalité (QPC), déjà plaidées en première instance, relatives à la prescription et au délit de détournement de fonds publics. Après une courte délibération, la cour d'appel a indiqué qu'elle trancherait sur ces questions le 14 décembre.
En milieu d'après-midi, la défense de M. Fillon plaidait, pour la première fois, la nullité de l'essentiel de la procédure.
Prestations «fictives»
En plein débat pour l'investiture chez Les Républicains en vue du prochain scrutin présidentiel, la justice se replonge jusqu'au 30 novembre dans ce dossier qui avait fait l'effet d'une bombe lors de la campagne pour l'Elysée en 2017.
Une enquête avait été ouverte dès les premières révélations du Canard enchaîné le 24 janvier 2017. François Fillon, candidat de la droite conservatrice, chantre de l'intégrité et favori des sondages, avait été mis examen à six semaines du premier tour dont il était finalement sorti éliminé.
Pendant trois semaines, l'ancien député de la Sarthe devra à nouveau s'expliquer sur l'emploi de son épouse comme assistante parlementaire entre 1998 et 2013, grâce à trois contrats signés par lui et par celui qui était alors son suppléant, Marc Joulaud.
Des prestations rémunérées 613 000 euros nets (plus d'un million d'euros bruts) "fictives ou surévaluées" selon l'accusation qui considère que les activités de Penelope Fillon relevaient du "rôle social" d'une "conjointe d'homme politique" mais pas d'une collaboratrice. Le travail de Penelope Fillon était certes "discret", majoritairement oral mais "essentiel", a toujours clamé son mari.
Le couple est aussi jugé pour l'emploi de ses deux enfants en tant qu'assistants parlementaires de leur père sénateur entre 2005 et 2007 (100 000 euros bruts), ainsi que pour le lucratif contrat de Penelope Fillon comme "conseillère littéraire" en 2012 et 2013 à la Revue des deux mondes, propriété de Marc Ladreit de Lacharrière - 135 000 euros bruts.
François Fillon est enfin poursuivi pour avoir omis de déclarer un prêt de M. Ladreit de Lacharrière à hauteur de 50 000 euros à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP).
En septembre 2021, la presse a révélé qu'une seconde enquête visant François Fillon avait été ouverte en 2017, concernant les conditions d'emploi d'un autre assistant parlementaire, l'écrivain Maël Renouard, entre 2013 et 2015. Cette enquête est toujours en cours.