NEW YORK: En temps normal, cette semaine serait celle où les dirigeants mondiaux se rendent à Manhattan et, armés de discours, motivants ou clichés, prennent la relève de l'Assemblée générale des Nations unies (AGNU).
L'événement est appelé la «Coupe du monde de la diplomatie» et a souvent mis des gens en lumière.
Ici, un jour, le défunt dirigeant libyen Mouammar Kadhafi a lancé une longue tirade incohérente contre le Conseil de sécurité de l'ONU.
Et depuis «le ventre de l'empire», cette arène au cœur de New York, le défunt révolutionnaire marxiste argentin Che Guevara a dénoncé «l'agresseur impérial».
Année après année, l'AGNU a été le territoire où les combats diplomatiques sont gagnés et perdus, et où des centaines de résolutions sont présentées.
Alors qu'elle célèbre l’anniversaire de sa naissance en 1945 des ruines de la Première Guerre mondiale, l'ONU convoque pour la première fois les dirigeants mondiaux de façon virtuelle, compte tenu de la pandémie de coronavirus.
Le monde entier regardera leurs vidéos préenregistrées, au milieu d'appels urgents pour agir et trouver des solutions dans un monde en crise.
Les idéaux restent les mêmes que ceux sur lesquels l'ONU a été bâtie il y a soixante-quinze ans: un monde meilleur axé sur le climat, la santé, la lutte contre la pauvreté et les inégalités, la justice, les droits humains et l'égalité des sexes.
Mais alors qu'il envisageait la convocation de la 75e AGNU et son débat général concret, le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a averti que tout ce que l'organisation défendait et ce pour quoi elle travaillait était en danger.
«Les enjeux ne pouvaient être plus importants», a-t-il déclaré après le moment de silence et de prière qui a précédé l’ouverture de la 75e session.
«Notre monde se rapproche de la plus sombre des échéances – un million de vies perdues (Covid-19). Le virus est la première menace mondiale pour la sécurité aujourd'hui.»
Mais la pandémie n'est pas le seul problème auquel le monde est confronté. Le racisme, l'intolérance, les conflits armés et la faim demeurent des défis mondiaux.
La demande de Guterres en mars en faveur d’un cessez-le-feu mondial a été largement ignorée. «Les spoliateurs sont actifs, la méfiance est profonde. Nous devons persévérer», a-t-il déclaré.
«La paix n'est jamais acquise. C’est une aspiration qui est aussi forte que notre conviction, et aussi durable que notre espoir», a-t-il ajouté.
«Cela peut prendre des décennies, voire des siècles, pour construire des sociétés pacifiques et stables. Mais la paix peut être gâchée en un instant par des politiques et des approches irresponsables et conflictuelles.»
Il a instamment demandé un cessez-le-feu, des mesures visant à établir la confiance, et la reprise du processus politique au Yémen.
Concernant la Libye, il a exhorté les parties à mettre en œuvre les engagements pris lors de la conférence de Berlin en janvier 2020.
Enfin, Guterres a réaffirmé le soutien international à la stabilité et aux institutions étatiques du Liban, et a appelé à la formation rapide d’un gouvernement qui réponde aux aspirations du peuple.
Il a déclaré qu'il était important de ne pas abandonner le processus de paix au Moyen-Orient. Ainsi, pour lui, le renforcement de la confiance est la seule solution au différend en Méditerranée orientale entre la Turquie et la Grèce.
Comme de nombreux responsables de l'ONU l'ont souligné ces derniers jours, ce n'est pas seulement pour des questions de cessez-le-feu que l'organisation lutte.
Les objectifs de développement durable – 17 objectifs des Nations unies d’élimination des inégalités, de la pauvreté, de la discrimination sexuelle et de l'analphabétisme d'ici à 2030 – sont également en péril. Même avant la pandémie, ces objectifs étaient «véritablement hors piste», selon un groupe de surveillance.
«La reprise doit faire progresser l'égalité des sexes et un multilatéralisme effectif, a déclaré Guterres. Le Programme de développement durable à l'horizon 2030 est conçu pour s'attaquer aux fragilités et aux lacunes mêmes que la pandémie a révélées. En son cœur se trouve une simple promesse: mettre fin à la pauvreté et ne laisser personne de côté. Et cela signifie placer les femmes au centre des prises de décision.»
L'agenda 2030 «exige également une transition rapide et juste vers des économies inclusives, sobres en carbone et résilientes», a-t-il ajouté.
«Les gens pensent grand – à propos de la transformation de l'économie mondiale, de l'accélération de la transition vers le zéro carbone, de la garantie d'une couverture sanitaire universelle, de la fin de l'injustice raciale et de l’assurance de prises de décision plus ouvertes et inclusives. Et les gens expriment également un désir intense de coopération internationale et de solidarité mondiale; ils rejettent les approches nationalistes isolées et les appels populistes qui divisent. Le moment est venu de répondre à ces aspirations et de réaliser ces objectifs.»