SOFIA , Bulgarie: Les Bulgares votent dimanche pour les troisièmes législatives de l'année, partagés entre lassitude et mince espérance d'un avenir meilleur, tandis que la pandémie de Covid-19 fait des ravages dans le pays le moins vacciné de l'UE.
Les bureaux ont ouvert à 07H00 locale (05H00 GMT) et fermeront à 20H00 (18H00 GMT), quand des estimations de sortie des urnes seront dévoilées.
"Nous devons tous voter mais j'ai peur que ce soit en vain", confiait Milena Stoyanova, une retraitée de 62 ans, samedi dans les rues de la capitale Sofia, résumant le scepticisme général, même si d'autres disaient leur "espoir" d'un "avenir meilleur".
Après l'échec des deux précédents scrutins, en avril puis juillet 2021, faute d'accord de coalition entre les partis, cette fois sera-t-elle la bonne?
"J'espère que les chefs politiques ont retenu la leçon et que cela va les pousser à négocier", commente pour l'AFP Antony Todorov, professeur à la Nouvelle Université bulgare.
La formation d'un exécutif est "de l'importance la plus vitale", plaide Kiril Petkov, ancien ministre de l'Economie et l'une des stars du scrutin, à l'unisson des autres partis.
«Sentiment de chaos»
"On ne peut pas ne pas avoir un gouvernement", lance Boriana Dimitrova, directrice de l'institut de sondages Alpha Research, invoquant en premier lieu la nécessité de gérer au plus vite la crise sanitaire.
Car le cabinet intérimaire apparaît impuissant face à la dégradation de la situation.
Les hôpitaux sont débordés et près de 200 personnes meurent chaque jour du coronavirus, dans ce pays des Balkans où moins d'un quart des 6,9 millions d'habitants est complètement vacciné. Le taux de mortalité y est un des plus élevés au monde.
"Dans la société, il y a le sentiment d'une situation chaotique", souligne M. Todorov.
Le parti conservateur Gerb de l'ex-Premier ministre Boïko Borissov "en joue d'ailleurs très bien", placardant dans la ville des affiches électorales "Contre le désordre".
C'est ce message et son "assise locale" s'appuyant sur le "clientélisme" qui expliquent sans doute sa première place dans les sondages (avec 24% des voix), selon le politologue.
Mais M. Borissov, accusé de corruption par des détracteurs, est désormais jugé "infréquentable" et de l'avis des experts, il est peu probable que sa formation parvienne à revenir au pouvoir.
Soif de changement
Il y a une soif "d'alternance", assure Mme Dimitrova. "Les gens sont donc enclins à voter pour les partis du changement qu'ils jugent capables de former un gouvernement".
Au sein d'un Parlement qui s'annonce de nouveau "fragmenté", alors que pas moins de 27 partis se présentent aux élections, les enquêtes d'opinion placent en bonne position deux nouveaux venus, qui détonnent dans le paysage politique bulgare: M. Petkov et son acolyte Assen Vassilev, rencontré sur les bancs d'Harvard.
Ces entrepreneurs quadragénaires ont bousculé la course en lançant en septembre un mouvement centriste, "Continuons le changement". Leur objectif: "éradiquer la corruption", dans ce pays dernier du classement au sein de l'UE.
Les estimations les placent au coude-à-coude avec les socialistes, avec 16% des suffrages.
Les deux hommes se sont dits prêts au "compromis" pour mettre fin à cette crise politique inédite depuis la fin du régime communiste.
"Ils sont très enthousiastes" mais ont peu d'expérience, prévient Mme Dimitrova, qui pronostique une coalition "instable" du fait des divergences parmi les partis du changement.
Parallèlement aux législatives, les Bulgares élisent aussi dimanche leur président.
Roumen Radev, candidat à sa succession, fait figure de favori même s'il lui faudra sans doute attendre le second tour prévu le 21 novembre pour s'imposer face au recteur de l'université de Sofia Anastas Gerdjikov, appuyé par Gerb.
Novice en politique quand il a gagné en 2016 avec le soutien des socialistes, cet ancien pilote de chasse et chef des forces armées est "devenu une figure symbolisant l'opposition à Boïko Borissov" et aux pratiques de corruption, rappelle Antony Todorov.
A la veille des élections, M. Radev a exhorté les Bulgares à se déplacer en nombre aux urnes. "La mafia compte sur l'apathie de la société", a-t-il averti.