PARIS : "Ça n'a aucun sens de décourager les Français" de recycler, s'agace auprès de l'AFP Sophie Génier, directrice du service recyclage chez Citeo, après la diffusion de l'émission "Déchets : la grande illusion" sur France 2.
Citeo qui coordonne la collecte et le recyclage des déchets ménagers en France a du mal à digérer la mise en cause de son efficacité par l'émission Cash Investigation, et enjoint les Français à "continuer de trier" pour améliorer et accélérer le recyclage.
"Le geste de tri est la condition indispensable pour recycler au maximum ce qui peut l'être et accélérer les efforts des entreprises vers la recyclabilité des emballages et leur écoconception", a souligné Citeo vendredi dans un communiqué au lendemain de la diffusion de cette émission de télévision sur France 2.
Citeo, organisme soutenu par les pouvoirs publics, gère et coordonne la collecte et le recyclage des ordures ménagères en France en lien avec collectivités locales et entreprises privées.
Le documentaire "Déchets : la grande illusion" a mis en avant les lacunes du recyclage en France, avec chiffres, analyses, témoignages et images marquantes à l'appui.
L'organisme Citeo admet que le taux de recyclage effectif des emballages plastiques ne s'élève encore en France qu'à 29% de ceux qui sont collectés. Soit tout juste six points de plus en six ans (23% en 2015) alors qu'il est beaucoup plus élevé dans les pays voisins comme l'Allemagne.
Mais "ça n'a aucun sens de décourager les Français", regrette Mme Génier dans un entretien à l'AFP au cours duquel elle se dit "en total désaccord" avec l'émission.
Cash Investigation mettait notamment en cause "l'extension du geste de tri" (c'est-à-dire le tri systématique de tous les plastiques dans la poubelle jaune) demandée à environ la moitié des Français, alors que beaucoup de ces plastiques ne sont dans les faits pas encore recyclés.
Si le recyclage est lent à se mettre en place pour certaines molécules plastiques, c'est essentiellement en raison de la complexité de l'opération et du montant des investissements à réaliser aussi bien dans les centres de tri que chez les recycleurs, affirme Mme Génier.
"Mais c'est avant tout par le geste de tri que l'on peut récupérer les matières" ajoute-t-elle, en prenant l'exemple des pots de yaourt, quasiment pas recyclés en France comme dénoncé par l'émission.
"Pour monter une filière industrielle de recyclage des pots de yaourt en polystyrène (PS), il faut parvenir à une +masse+ à recycler, un +gisement+" explique-t-elle, sinon les industriels risquent d'hésiter à investir.
Océans de plastique
Le consortium PS25, composé d'industriels de l'agroalimentaire notamment, doit prendre une décision fin 2021 pour lancer d'ici à 2025 une filière sur le recyclage du polystyrène.
Au total, sur 1,2 million de tonnes d'emballages plastiques mis sur le marché chaque année en France (bouteilles, pots de yaourts, barquettes, films plastiques..), 65% sont recyclables, ajoute la responsable.
Meilleures élèves de la classe, les bouteilles en plastique PET, dont le taux de recyclage s'élève à 58% en France.
"Même cela veut dire que 42% d'entre elles échappent au dispositif, car elles ne sont pas triées en amont par les consommateurs dans les poubelles prévues à cet effet", les poubelles jaunes, pointe Mme Génier.
L'urgence de l'accélération du processus de tri et de recyclage des déchets plastiques est mise en évidence par de nombreux scientifiques dénonçant les océans de plastique qui envahissent la planète et menacent la biodiversité.
Selon une étude parue en juillet dans la revue Nature sustainability, seulement dix produits en plastique représentent 75% de l'ensemble des déchets dans les océans.
Les sacs à usage unique, bouteilles, contenants, couverts et emballages alimentaires représentent près de la moitié des déchets provenant de l'homme.
Pour arriver à ces conclusions, les chercheurs ont analysé une combinaison de 12 millions de points de données provenant de 36 bases de données à travers la planète. L'analyse comprenait des éléments de plus de 3 cm et identifiables, à l'exclusion des fragments et des microplastiques.