Combats, diplomatie et mosaïque ethnique: l'avenir de l'Ethiopie en suspens

Un combattant du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF) surveille un poste de contrôle à la périphérie de la ville de Hawzen, dans la région du Tigré, dans le nord de l'Éthiopie, le 7 mai 2021. (Photo, AP)
Un combattant du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF) surveille un poste de contrôle à la périphérie de la ville de Hawzen, dans la région du Tigré, dans le nord de l'Éthiopie, le 7 mai 2021. (Photo, AP)
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Publié le Vendredi 12 novembre 2021

Combats, diplomatie et mosaïque ethnique: l'avenir de l'Ethiopie en suspens

  • Les rebelles du TPLF, qui ont fait alliance notamment avec un groupe armé de l'ethnie oromo l'OLA n'excluent pas de marcher sur la capitale pour faire chuter le Premier ministre Abiy Ahmed
  • Le gouvernement dément, lui, toute menace sur Addis Abeba et se dit en position de gagner cette «guerre existentielle» pour le pays

NAIROBI : L'opération de "maintien de l'ordre" lancée il y a un an au Tigré, dans l'extrême nord de l'Ethiopie, est devenue un conflit d'envergure qui se rapproche désormais de la capitale, menaçant la stabilité du pays tout entier.


Les rebelles du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF), qui ont fait alliance notamment avec un groupe armé de l'ethnie oromo (l'OLA), affirment se trouver à environ 300 kilomètres d'Addis Abeba et n'excluent pas de marcher sur la capitale pour faire chuter le Premier ministre Abiy Ahmed.


Le gouvernement dément, lui, toute menace sur la ville et se dit en position de gagner cette "guerre existentielle" pour le pays.

Addis Abeba peut-elle tomber ?

Après s'être emparés du carrefour stratégique de Dessie-Kombolcha, dans la région de l'Amhara, les rebelles du TPLF affirment avoir progressé vers le sud et rejoint des combattants de l'OLA, avec qui ils approchent d'Ataye, à 270 kilomètres au nord de la capitale.


Le gouvernement dénonce une "propagande" rebelle destinée à créer un "faux sentiment d'insécurité".


"Il y a des batailles", déclarait vendredi la porte-parole du Premier ministre, Billene Seyoum: "Les mouvements d'avancée et recul (entre chaque camp) vont être une partie importante de cet engagement jusqu'à l'expulsion du TPLF des régions qu'il occupe".


Les rebelles disent avancer également vers l'est en direction de Mile, ville située sur la route menant à Djibouti, cruciale pour l'approvisionnement de la capitale.


La prise de cet axe permettrait aux rebelles d'ouvrir un accès pour l'aide humanitaire vers le Tigré tout en asphyxiant Addis Abeba.


"A Mile, ils coupent la route et Addis tomberait très vite en panne d'essence", souligne René Lefort, historien spécialiste de l'Ethiopie.


Selon lui, "la stratégie (rebelle) semble être d'étrangler Addis plutôt que de la prendre". 


D'autant que l'OLA contrôle des territoires en Oromia, région qui enclave Addis Abeba, et peut également couper certaines routes vers la capitale.


Marcher sur Addis Abeba comportent des incertitudes.


Les rebelles devraient trouver sur leur chemin des milices amhara qui ont acheminé en masse des troupes vers les zones de combats pour assurer "la survie" de leur ethnie.


Et dans la capitale, les autorités ont appelé les habitants à s'armer. Le TPLF estime que la population ne lui est pas majoritairement hostile. Mais dimanche, le gouvernement y a réuni des dizaines de milliers de personnes jurant de repousser les "terroristes".

Des négociations sont-elles possibles ?

"On ne sait pas s'il s'agit d'un bluff ou d'une déclaration d'intention, mais la menace (de marcher sur Addis Abeba) et les avancées concrètes sur le terrain ont soudainement fait bouger les négociations" au point mort depuis un an, souligne Awet Weldemichael, spécialiste de la Corne de l'Afrique à l'Université canadienne de Queen's.


Depuis une semaine, la communauté internationale redouble d'efforts. 


L'émissaire américain pour la Corne de l'Afrique, Jeffrey Feltman, est en Ethiopie, comme son homologue de l'Union africaine, Olusegun Obasanjo, qui s'est rendu à Mekele, la capitale tigréenne.


M. Obasanjo et le secrétaire d'Etat américain Anthony Blinken ont évoqué une "fenêtre" à exploiter.


"Des négociations sont inévitables", estime Awet Weldemichael, en soulignant: "Le fait qu'Obasanjo ait été autorisé à se rendre à Mekele depuis Addis, ce que le gouvernement fédéral avait jusqu'à présent empêché, constitue une avancée majeure".


Des obstacles majeurs demeurent, selon plusieurs diplomates au fait des discussions.


Le TPLF demande comme préalable que l'aide humanitaire arrive au Tigré. Le gouvernement fédéral réclame, lui, un retrait des rebelles de l'Amhara et de l'Afar, exclu par le TPLF. 

Quel avenir politique ?

Le pouvoir éthiopien, basé sur le principe d'un "fédéralisme ethnique", est ébranlé.


Si Addis Abeba venait à chuter, il y a "un risque de vide du pouvoir où tous les types de violences peuvent surgir: banditisme, règlements de compte ou, beaucoup plus grave, des confrontations ethniques entre Oromo et Amhara, entre Tigréens et Amhara", souligne René Lefort.


Avec sa mosaïque de 80 peuples et ethnies, "l'Ethiopie est dans une situation de proto-Yougoslavie", estime Gérard Prunier, ancien chercheur au CNRS aujourd'hui consultant indépendant, en référence à l'explosion de la fédération yougoslave au début des années 1990.


Le TPLF, qui assure ne pas vouloir reprendre le pouvoir qu'il a tenu d'une main de fer entre 1991 et 2018, et l'OLA ont officialisé une alliance avec sept autre groupes -certains peu connus- issus de diverses régions ou ethnies du pays.


Le porte-parole du TPLF, Getachew Reda, s'est dit prêt à accueillir d'autres organisations souhaitant "créer un environnement propice à un nouveau régime".


Pour Gérard Prunier, cette coalition "bricole quelque chose qui pourrait constituer un cadre de gouvernance acceptable pour l'ensemble de l'Ethiopie. Mais pour l'instant, ça n'est pas solide, il n'y a rien derrière".


Inde: l'opposition fustige Modi et ses propos anti-musulmans

Le Premier ministre indien et chef du parti au pouvoir Bharatiya Janata (BJP), Narendra Modi (Photo, AFP).
Le Premier ministre indien et chef du parti au pouvoir Bharatiya Janata (BJP), Narendra Modi (Photo, AFP).
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  • M. Modi a offert au parti nationaliste hindou Bharatiya Janata (BJP) deux victoires écrasantes en 2014 et 2019
  • Les analystes politiques l'ont donné vainqueur avant même les élections générales qui ont débuté le 19 avril

NEW DELHI: L'opposition indienne a accusé jeudi le Premier ministre Narendra Modi de tenir des propos stigmatisant les musulmans et alimentant, en plein processus électoral, les tensions sectaires dans la plus grande démocratie du monde, constitutionnellement laïque.

M. Modi déploie "son jeu habituel consistant à diviser les hindous et les musulmans", a déclaré jeudi P. Chidambaram, ancien ministre des Finances et membre influent du Congrès, principal parti d'opposition,

"Le monde observe et analyse les déclarations du Premier ministre indien, qui ne sont pas à la gloire de l'Inde", a-t-il ajouté.

M. Modi a offert au parti nationaliste hindou Bharatiya Janata (BJP) deux victoires écrasantes en 2014 et 2019 en jouant sur la fibre religieuse de l'électorat hindou.

Agé de 73 ans et encore très populaire dans l'ensemble du pays, le Premier ministre brigue un troisième mandat à la tête du pays.

Les analystes politiques l'ont donné vainqueur avant même les élections générales qui ont débuté le 19 avril et se déroulent en sept phases jusqu'au 1er juin.

M. Modi a présenté mardi sa candidature au siège de député de Varanasi (Bénarès), cité sacrée de l'hindouisme, dans l'Etat de l'Uttar Pradesh (nord), qu'il occupe depuis une décennie.

L'opposition et les défenseurs des droits accusent M. Modi de favoriser les hindous, majoritaires dans le pays, au détriment d'importantes minorités, dont 210 millions d'Indiens musulmans, inquiètes pour leur avenir.

M. Modi a récemment suscité l'indignation dans les rangs de l'opposition en accusant le Congrès de vouloir distribuer la "richesse nationale" aux "infiltrés", "à ceux qui ont le plus d'enfants", désignant ainsi la communauté musulmane.

L'opposition a saisi les autorités électorales qui n'ont pas sanctionné le Premier ministre. L'Inde est constitutionnellement laïque et son code électoral interdit toute campagne fondée sur des "sentiments communautaires".

Dans un entretien mardi sur la chaîne d'information continue News18, le chef du gouvernement s'est défendu d'alimenter et d'exploiter tout clivage entre hindous et musulmans.

Discrimination 

"Le jour où je commencerai à parler des hindous-musulmans sera celui où je perdrai ma capacité à mener une vie publique", a-t-il affirmé en hindi.

Le lendemain, en plein rassemblement électoral, Narendra Modi accusait le Congrès d'orchestrer un "jihad par le vote" pour que les musulmans se prononcent contre lui.

Au début de la semaine, Madhavi Latha, actrice et candidate du BJP à Hyderabad (sud), s'est autorisée, dans un bureau de vote, à vérifier que la carte électorale de musulmanes correspondait à leur identité, exigeant qu'elles ôtent leur voile.

La police de la ville a ouvert une enquête sur l'incident.

Au total, 968 millions d'Indiens sont appelés à élire les 543 membres de la chambre basse, soit plus que la population totale des Etats-Unis, de l'Union européenne et de la Russie réunis.


L'axe Pékin-Moscou, facteur de «stabilité» et de «paix» selon Xi et Poutine

Le président russe Vladimir Poutine et le président chinois Xi Jinping assistent à un concert marquant le 75e anniversaire de l'établissement des relations diplomatiques entre la Russie et la Chine (Photo, AFP).
Le président russe Vladimir Poutine et le président chinois Xi Jinping assistent à un concert marquant le 75e anniversaire de l'établissement des relations diplomatiques entre la Russie et la Chine (Photo, AFP).
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  • Tout juste de retour d'une tournée en Europe, Xi Jinping y a défendu le droit de maintenir avec son voisin russe des liens économiques normaux
  • Vladimir Poutine est arrivé jeudi matin à Pékin pour une visite de deux jours, son premier voyage à l'étranger depuis sa réélection en mars et son deuxième en Chine en un peu plus de six mois

PEKIN: Xi Jinping et Vladimir Poutine ont défendu jeudi l'axe Pékin-Moscou comme un facteur de "stabilité" et de "paix" dans le monde, le dirigeant russe espérant un soutien accru de la Chine à sa guerre en Ukraine.

La relation Chine-Russie "est non seulement dans l'intérêt fondamental des deux pays et des deux peuples, mais elle est également propice à la paix", a estimé Xi Jinping, lors d'une rencontre avec son homologue à Pékin.

Et "la Chine est prête à travailler avec la Russie pour (...) soutenir l'équité et la justice dans le monde". "La relation Chine-Russie aujourd'hui a été durement acquise et les deux parties doivent la chérir et la nourrir", a-t-il ajouté.

Cette relation est "un facteur de stabilité sur la scène internationale", a assuré de son côté Vladimir Poutine, selon le Kremlin. Elle "n'est pas opportuniste et elle n'est dirigée contre personne".

"Ensemble, nous soutenons les principes de justice et un ordre démocratique mondial reflétant les réalités multipolaires et fondé sur la loi internationale", a-t-il déclaré.

Après leur entretien bilatéral, les deux hommes ont signé un communiqué commun pour approfondir le "partenariat stratégique global" sino-russe, selon l'agence officielle Chine nouvelle.

«Reconnaissant»

Vladimir Poutine est arrivé jeudi matin à Pékin pour une visite de deux jours, son premier voyage à l'étranger depuis sa réélection en mars et son deuxième en Chine en un peu plus de six mois.

Quelques heures plus tôt, il s'était félicité des avancées de l'armée russe en Ukraine.

Dans leur communiqué commun jeudi, Pékin et Moscou jugent "nécessaire" d'éviter toute décision contribuant "à la prolongation des hostilités et à une nouvelle escalade du conflit".

Une formulation qui semble viser Européens et Américains, la Chine et la Russie affirmant régulièrement que ce sont les livraisons d'armes occidentales à l'Ukraine qui font durer la guerre.

Le géant asiatique est une planche de salut économique cruciale pour la Russie, en proie aux lourdes sanctions occidentales.

Tout juste de retour d'une tournée en Europe, Xi Jinping y a défendu le droit de maintenir avec son voisin russe des liens économiques normaux. La Chine bénéficie notamment d'importations d'énergie russe bon marché.

S'exprimant devant la presse au côté de Xi Jinping, Vladimir Poutine s'est dit jeudi "reconnaissant" envers la Chine pour ses "initiatives" de paix dans la crise ukrainienne, selon les agences russes.

La Chine appelle régulièrement au respect de l'intégrité territoriale de tous les pays (sous-entendu Ukraine comprise) mais exhorte aussi à prendre en considération les préoccupations de sécurité de la Russie.

Ligne rouge 

"Les deux parties sont d'accord sur le fait qu'une solution politique à la crise en Ukraine est la voie à suivre", a déclaré M. Xi face à la presse.

"La Chine espère que la paix et la stabilité seront rapidement rétablies sur le continent européen et continuera à jouer un rôle constructif à cette fin", a-t-il promis.

Par ailleurs, Vladimir Poutine a jugé "nuisible" toute alliance politique et militaire "fermée" en Asie-Pacifique, où son partenaire chinois est en concurrence avec les Etats-Unis, qui coopèrent avec l'Australie et le Royaume-Uni pour contrer l'influence de Pékin.

Le président russe a également rencontré jeudi après-midi le Premier ministre Li Qiang, lequel a déclaré que Pékin souhaitait "continuer à approfondir la coopération dans divers domaines" avec Moscou.

Ces liens sino-russes étroits sont vus avec une suspicion croissante en Occident.

Washington a fixé une ligne rouge à Pékin - ne pas fournir directement d'armes à Moscou - et dit n'avoir à ce jour pas eu la preuve du contraire.

Mais les Etats-Unis estiment que le soutien économique chinois permet tout de même à la Russie de renforcer sa production de missiles, de drones et de chars.

Banques prudentes 

Les échanges commerciaux sino-russes ont explosé depuis l'invasion de l'Ukraine, dépassant les 220 milliards d'euros en 2023, selon les douanes chinoises.

Les exportations chinoises vers le voisin russe ont toutefois baissé en mars et en avril, après la menace de sanctions américaines.

Car un décret signé en décembre par le président américain Joe Biden autorise désormais des sanctions secondaires contre les banques étrangères liées à la machine de guerre russe. Le Trésor américain peut les exclure du système financier mondial, fondé sur le dollar.

Plusieurs banques chinoises ont ainsi interrompu ou réduit leurs transactions avec leurs clients russes, selon huit ressortissants des deux pays impliqués dans le commerce bilatéral.

La Chine cherche parallèlement à renouer ses liens avec les Etats-Unis et devrait limiter le renforcement de sa coopération avec la Russie, selon des analystes.

Moscou et Pékin ont toutefois signé jeudi plusieurs accords commerciaux.

Vendredi, Vladimir Poutine doit se rendre à Harbin (nord-est) pour visiter une foire dédiée au commerce et aux investissements.


Le Premier ministre slovaque dans un état stable mais toujours «très grave»

Le Premier ministre slovaque Robert Fico transporté d'un hélicoptère par des médecins et ses agents de sécurité à l'hôpital de Banska Bystrica, en Slovaquie, où il doit être soigné, le 15 mai 2024. (Photo de AFP)
Le Premier ministre slovaque Robert Fico transporté d'un hélicoptère par des médecins et ses agents de sécurité à l'hôpital de Banska Bystrica, en Slovaquie, où il doit être soigné, le 15 mai 2024. (Photo de AFP)
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  • Le dirigeant de 59 ans a subi mercredi «une opération de cinq heures», a précisé la directrice de l'établissement Miriam Lapunikova
  • Selon le vice-Premier ministre, il s'agit d'«une attaque politique» à laquelle il faudra «réagir en conséquence»

BANSCA BYSTRICA: Le Premier ministre slovaque Robert Fico se trouve jeudi matin dans un état stable mais toujours "très grave", après avoir été blessé par balle la veille, a déclaré le vice-Premier ministre Robert Kalinak.

"Cette nuit, les médecins ont réussi à stabiliser l'état du patient", a déclaré M. Kalinak, qui est également ministre de la Défense. "Malheureusement, l'état reste très grave, car ses blessures sont compliquées", a-t-il ajouté lors d'un point de presse devant l'hôpital Roosevelt de Banska Bystrica (centre).

Le dirigeant de 59 ans a subi mercredi "une opération de cinq heures", a précisé la directrice de l'établissement Miriam Lapunikova, confirmant qu'il est toujours dans un état "vraiment très grave" et va rester en soins intensifs.

Robert Fico a été touché par balle "plusieurs fois", selon sa page officielle Facebook, mercredi en début d'après-midi après une réunion de cabinet à Handlova, dans le centre de la Slovaquie. L'attentat a suscité une vive émotion dans le pays d'Europe centrale et une vague de condamnations internationales.

Selon M. Kalinak, il s'agit d'"une attaque politique" à laquelle il faudra "réagir en conséquence".

La police a arrêté l'assaillant présumé, un homme de 71 ans identifié par les médias slovaques comme un écrivain local. Aucune information n'a été donnée à ce stade sur ses motivations.