David Djaïz: plaidoyer pour un plan Marshall du lien social

Paradoxalement, la pandémie de Covid-19 qui a paralysé la France pendant des mois offre au pays la possibilité d’un nouveau départ, tout comme pendant la période d’après-guerre, «c’est un choc historique de la même ampleur». (Photo, AFP)
Paradoxalement, la pandémie de Covid-19 qui a paralysé la France pendant des mois offre au pays la possibilité d’un nouveau départ, tout comme pendant la période d’après-guerre, «c’est un choc historique de la même ampleur». (Photo, AFP)
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Publié le Mercredi 10 novembre 2021

David Djaïz: plaidoyer pour un plan Marshall du lien social

  • La pandémie qui a paralysé la France pendant des mois offre au pays la possibilité d’un nouveau départ, tout comme pendant la période d’après-guerre
  • «Le plan Marshall du lien social, c’est recréer les services publics, rouvrir les cafés, les lieux publics en général, ainsi que tous les endroits où l’on peut casser la solitude des individus», explique l’essayiste

PARIS: À tout juste 30 ans, David Djaïz est haut fonctionnaire, essayiste, enseignant, énarque et normalien, mais par-dessus tout, c’est un optimiste acharné, comme en témoignent ses derniers ouvrages.

Dans La guerre civile n’aura pas lieu, publié en 2017, il prône une politique française de «l’amitié civique», pour permettre à la France de se souder après les attentats meurtriers du terroriste Mohammed Merah.

Son deuxième ouvrage, Slow Démocratie, paru deux ans plus tard, appelle à arracher la nation démocratique aux mains des identitaires et des anti-Européens, et élabore une feuille de route pour équilibrer la mondialisation.

Dans Le nouveau modèle français publié récemment aux éditions Allary, ce trentenaire au visage poupin se penche sur la France qu’il veut réparer. Car la France va mal, le constat n’échappe à personne en cette période de précampagne présidentielle.

La carte politique du pays est plus que jamais brouillée, les partis sont dans un état d’émiettement généralisé, et le divorce entre eux et les électeurs est consommé. Le pays traverse selon Djaïz, rencontré par Arab News en français, une phase de «désinvestissement civique des Français» et une «montée des populismes les plus excluants».

Cet état de fait est bien sûr grave et consternant, mais l’essayiste refuse de l’accepter comme une fatalité. «La France est une nation dotée de toutes sortes de ressources, elle ne peut donc pas se résigner au déclin», explique-t-il.
 

«Nous n’avons plus de modèle français», or, sans modèle, «une nation est sans boussole» et est condamnée «au délitement social et aux dissensions intestines», souligne David Djaïz.

Arlette Khoury

Son intelligence bouillonnante lui interdit de se laisser emporter par le déclinisme ambiant. Il commence par poser un diagnostic sans appel: «Nous n’avons plus de modèle français», or, sans modèle, «une nation est sans boussole», elle est condamnée «au délitement social et aux dissensions intestines».

Pour y remédier, l’essayiste pioche dans l’histoire récente du pays, plus précisément dans la période d’après-guerre, qui a vu naître un modèle résultant d’un accord entre les forces productives et celles issues de la résistance. On l’a d’ailleurs appelé «le compromis du Conseil national de la résistance».

Ce compromis a consisté en un gigantesque effort de rattrapage du retard industriel accumulé par la France durant les années de guerre, et a reposé sur les forces productives en échange de plus de droits économiques et sociaux. En d’autres termes, il a permis de nationaliser les grandes entreprises dans les secteurs de l’énergie et de l’industrie, ainsi que de créer en contrepartie les comités d’entreprises et la Sécurité sociale.

L’intérêt de revenir à ce processus affirme Djaïz, est d’observer comment «dans une France brimée, démoralisée par la défaite de 1940, on est arrivé, malgré les divergences et les conflits, à trouver des points d’accord permettant de pouvoir refonder la société». Pendant vingt ou trente ans, ce modèle a projeté la France dans une période de stabilité politique économique… la France de l’expansion.

Puis le modèle a commencé à rentrer dans une phase de décomposition après le mandat de l’ancien président Georges Pompidou, plus précisément dans les années 1970 et le choc pétrolier.

La France, soutient Djaïz, s’était alors «encastrée dans des circuits économiques la dépassant et engendrant une perte de compétitivité des entreprises, une baisse de l’industrialisation». Le modèle s’est déséquilibré: la «jambe sociale» a continué à progresser, mais la «jambe économique» s’est profondément enlisée, menant le pays à sa situation actuelle. Tout comme au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, constate-t-il, «nous sommes à un stade où nous sommes orphelins d’un modèle de société. Or, c’est ce modèle qui peut réconcilier les Français entre eux».

Comme en 1945

Paradoxalement, la pandémie de Covid-19 qui a paralysé la France pendant des mois offre au pays la possibilité d’un nouveau départ, tout comme pendant la période d’après-guerre, «c’est un choc historique de la même ampleur».
 

La France traverse en ce moment une «crise nationale très aigüe» et pour avoir quelque chose à dire en Europe, être à l’aise dans la mondialisation, «elle doit tout d’abord résoudre cette crise».

Arlette Khoury

La pandémie s’est révélée être une crise de l’interdépendance, qui nous a fait prendre conscience «que nous sommes tous liés et dépendants les uns des autres. Ainsi, le nouveau modèle à inventer doit tenir compte du fait «que toutes les crises qui nous affectent sont des crises planétaires, mais que nous n’avons pas une bonne gouvernance mondiale pour y faire face. Ce qui nous amène à devoir compenser en augmentant le niveau de consensus national pour lui permettre de faire face à ces crises», assène-t-il. Le nouveau modèle, comme en 1945, doit posséder à la fois une «jambe historique et sociale».

La «jambe historique», explique-t-il, c’est l’idée «que la catastrophe est possible, mais que nous pouvons l’éviter». La «jambe sociale» est ce que qu’il appelle l’économie du bien-être, qui incite à repenser le modèle global de production. Car, contrairement à 1945, l’enjeu n’est pas de rattraper un retard économique en se focalisant sur l’industrie lourde, mais de reconstruire des pôles d’excellence dans les énergies propres, la mobilité douce, l’urbanisme durable, la santé et l’éducation…

Il s’agit d’une économie profondément ancrée dans les territoires décarbonés, centrée autant sur l’humain que la consommation. En parallèle, il faudra développer un nouveau «solidarisme» consistant à tisser des liens concrets entre individus dans les territoires.

«Je plaide dans le livre pour un plan Marshall du lien social», affirme Djaïz. «Il s’agit de recréer les services publics, rouvrir les cafés, les lieux publics en général, ainsi que tous les endroits où l’on peut créer du lien et casser la solitude des individus. Si ce travail-là n’est pas entrepris, nous allons être ballotés de crise en crise sans avoir de véritable maîtrise sur notre existence collective», concède-t-il.

La France traverse en ce moment une «crise nationale très aigüe» et pour porter sa voix en Europe, être à l’aise dans la mondialisation, «elle doit tout d’abord résoudre cette crise».

Le plaidoyer de Djaïz est convaincant par sa clarté et ses propos fluides et enthousiastes, mais reste toutefois une question cruciale: qui peut aujourd’hui porter un tel projet? En toute humilité, l’essayiste admet que «pour l’instant, personne dans la classe politique ne semble avoir compris la nécessité de créer un vaste rassemblement autour de principes fédérateurs».
 

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Le gouvernement annule 3 milliards d'euros de crédits dans le cadre de l'effort budgétaire

La ministre française en charge des comptes publics Amélie de Montchalin (G) et le ministre français de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique Eric Lombard tiennent une conférence de presse après une réunion hebdomadaire du cabinet au palais présidentiel de l'Elysée à Paris, le 16 avril 2025. (Photo Ludovic MARIN / AFP)
La ministre française en charge des comptes publics Amélie de Montchalin (G) et le ministre français de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique Eric Lombard tiennent une conférence de presse après une réunion hebdomadaire du cabinet au palais présidentiel de l'Elysée à Paris, le 16 avril 2025. (Photo Ludovic MARIN / AFP)
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  • La ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, avait alors expliqué que ces 5 milliards d'euros devaient permettre de respecter les objectifs de déficit public cette année, dans un contexte de croissance moindre.
  • « Ces 5 milliards d'euros que nous allons soit annuler, soit reporter, soit réorienter, c'est notre réponse à un monde instable. C'est la manière de faire face quoi qu'il arrive à ce monde instable », avait-elle déclaré.

PARIS : Le gouvernement a acté dans le Journal officiel des annulations de crédits à hauteur de 3,1 milliards, dans le cadre de l'effort supplémentaire de 5 milliards d'euros déjà annoncé par Bercy début avril.

La ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, avait alors expliqué que ces 5 milliards d'euros devaient permettre de respecter les objectifs de déficit public cette année, dans un contexte de croissance moindre.

« Ces 5 milliards d'euros que nous allons soit annuler, soit reporter, soit réorienter, c'est notre réponse à un monde instable. C'est la manière de faire face quoi qu'il arrive à ce monde instable », avait-elle déclaré.

Une partie de cette somme a été concrétisée par le décret publié au Journal officiel.

« Afin de prévenir une détérioration de l'équilibre budgétaire sur le budget de l'État », selon le Journal officiel, « le présent décret porte des annulations de crédits à hauteur de 3,1 milliards d'euros en autorisations d'engagement ». 

« Cet effort porte essentiellement sur les crédits hors masse salariale mis en réserve en début d'année », est-il précisé, « ces annulations ne devraient ainsi pas remettre en cause de façon significative la capacité d'exécution des politiques publiques, selon les termes de la loi de finances initiale pour 2025 ».

Parmi les annulations de crédits, sont concernées la mission « écologie, développement et mobilité durable » (549,6 millions d'euros), la mission « économie » (517,7 millions d'euros), la mission « recherche et enseignement supérieur » (493,3 millions d'euros) ou encore la mission « agriculture, alimentation et affaires rurales » (140 millions d'euros).

« La dégradation récente des perspectives macroéconomiques conduit à anticiper de moindres recettes publiques, en lien notamment avec une révision à la baisse de la prévision de croissance à 0,7 %. Ces risques sont également renforcés par le contexte géopolitique incertain », souligne le décret.

« Dans ce cadre, un effort supplémentaire de maîtrise de la dépense est nécessaire pour respecter la trajectoire de redressement des comptes publics sur laquelle le gouvernement s'est engagé », ajoute le décret. 


France: prières et recueillement pour le pape François à Paris et Marseille

Des fidèles participent à un défilé aux flambeaux et à un service de prière après la mort du pape François, devant le sanctuaire Notre-Dame à Lourdes, dans le sud de la France, le 21 avril 2025. (AFP)
Des fidèles participent à un défilé aux flambeaux et à un service de prière après la mort du pape François, devant le sanctuaire Notre-Dame à Lourdes, dans le sud de la France, le 21 avril 2025. (AFP)
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  •  De nombreux fidèles se sont à nouveau déplacés vendredi pour le pape François, lors d'une messe à Notre-Dame à Paris puis d'une veillée de prières à Notre-Dame de la Garde à Marseille dans le sud de la France
  • A Paris, le Premier ministre français François Bayrou a assisté à la messe dans la cathédrale, chef d'oeuvre de l'art gothique récemment rénové après l'incendie de 2019

PARIS: De nombreux fidèles se sont à nouveau déplacés vendredi pour le pape François, lors d'une messe à Notre-Dame à Paris puis d'une veillée de prières à Notre-Dame de la Garde à Marseille dans le sud de la France, à la veille de ses funérailles au Vatican.

A Paris, le Premier ministre français François Bayrou a assisté à la messe dans la cathédrale, chef d'oeuvre de l'art gothique récemment rénové après l'incendie de 2019.

"J'ai vu les foules de la place Saint-Pierre et du parvis (de Notre-Dame) depuis lundi. Je me réjouis beaucoup de l'attachement des catholiques, du peuple d'une façon générale, à cette personnalité qui nous a marqués et a fait bouger les lignes dans l'Eglise et dans la société", a salué Mgr Laurent Ulrich, archevêque de Paris, auprès de journalistes.

"La transformation des coeurs humains a pu s'opérer sous son aura", a poursuivi le prélat, qui a présidé la messe solennelle "d'action de grâce et pour le repos de l'âme du Saint Père" décédé lundi à Rome.

Une heure avant l'office, une queue de plusieurs centaines de mètres composée de fidèles attendait déjà de pouvoir entrer dans l'édifice.

"Les institutions françaises ont le devoir d'être présentes chaque fois qu'une partie importante du peuple français est bouleversée, touchée, est en deuil", a estimé M. Bayrou, à l'issue de cette cérémonie, estimant que le pape François "était une figure que beaucoup de Français ressentaient comme de bonté, de générosité et du côté des plus faibles et des plus fragiles".

A Marseille, une centaine de personnes ont participé à une veillée de prière à la basilique Notre-Dame de la Garde, la "Bonne mère", symbole de la deuxième ville de France, juchée sur une colline face au soleil couchant.

Le pape François s'était rendu dans cette basilique néo-byzantine aux murs recouverts d'ex-votos lors d'un déplacement à Marseille en septembre 2023. Il y avait dénoncé le sort des migrants en Méditerranée, martelant son message de secours et d'accueil.

- "Valeurs d'humanité" -

A Marseille, la veillée a débuté par une procession sur l'esplanade de la basilique, jusqu'au mémorial aux marins et migrants disparus en mer. Ce même monument devant lequel le jésuite argentin avait souhaité "prier pour les morts en mer, particulièrement les migrants", a rappelé à l'AFP le recteur de la basilique, le père Olivier Spinosa.

"Nous ne pouvons plus assister aux tragédies des naufrages provoqués par des trafics odieux et le fanatisme de l'indifférence", avait lancé le pape à cet endroit, assurant que "les personnes qui risquent de se noyer, lorsqu'elles sont abandonnées sur les flots, doivent être secourues".

"C'est un devoir d'humanité, c'est un devoir de civilisation", avait-il insisté.

"Marseille est cosmopolite, le pape aimait cela, et il avait demandé à ce que la Méditerranée ne soit pas un cimetière", s'est remémoré Robert Olivieri, 73 ans, qui avait assisté à la messe du pape dans le stade de la ville, lors de ce déplacement orchestré par l'archevêque de Marseille, le cardinal Jean-Marc Aveline.

"J'aurais aimé pouvoir aller à Rome mais ce n'est pas possible. Je me sens proche des écrits de François, sa proximité avec les pauvres et les migrants. Ça me touche beaucoup plus que Benoît XVI qui était plus un théologien", a témoigné Sandrine Gougeon, 46 ans, auprès de l'AFP. Pour elle, "le décès de François rajoute de l'incertitude, une forme d'insécurité au monde".

Les funérailles du pape François, décédé lundi à 88 ans, se déroulent samedi. Après la messe en plusieurs langues, place Saint-Pierre, son cercueil sera transporté à la basilique Sainte-Marie-Majeure, dans le centre de Rome, où il sera inhumé.


Arrivée de 115 personnes évacuées de Gaza à l'aéroport de Paris-Orly

Selon une source diplomatique, "500 personnes" ont été évacuées par la France depuis l'attaque du 7 octobre. (AFP)
Selon une source diplomatique, "500 personnes" ont été évacuées par la France depuis l'attaque du 7 octobre. (AFP)
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  • Le groupe est constitué de "ressortissants français et de leurs ayants droit, de personnels de l'Institut français de Gaza et leurs familles, de personnalités palestiniennes proches de notre pays"
  • La semaine dernière, 59 personnes étaient déjà arrivées en région parisienne, selon la même source

ORLY: Un groupe de 115 personnes évacuées de la bande de Gaza, à l'initiative de la France, est arrivé à l'aéroport de Paris-Orly vendredi, ont constaté des journalistes de l'AFP.

Le groupe est constitué de "ressortissants français et de leurs ayants droit, de personnels de l'Institut français de Gaza et leurs familles, de personnalités palestiniennes proches de notre pays", a détaillé une source diplomatique, précisant que cette arrivée depuis Gaza est la plus importante depuis le début de la guerre lancée en représailles à l'attaque du Hamas en Israël le 7 octobre 2023.

La semaine dernière, 59 personnes étaient déjà arrivées en région parisienne, selon la même source.

Les familles déjà présentes en France ont attendu en fin de matinée l'arrivée de leurs proches dans une ambiance joyeuse, ont constaté les journalistes de l'AFP.

Parmi les nouveaux arrivés, il y a "des étudiants, boursiers du gouvernement français, qui ont leur bourse depuis 15 ou 18 mois à peu près, mais qui n'avaient pas encore pu venir effectuer leurs études en France", ainsi que des "chercheurs et artistes", venus "pour la plupart avec leur famille", selon Annick Suzor-Weiner, professeure émérite à l'université Paris-Saclay, vice-présidente du réseau Migrants dans l'enseignement supérieur.

Selon une source diplomatique, "500 personnes" ont été évacuées par la France depuis l'attaque du 7 octobre.

Rompant une trêve de près de deux mois dans la guerre déclenchée il y a plus d'un an et demi, Israël a repris le 18 mars son offensive aérienne puis terrestre dans la bande de Gaza et au moins 1.978 Palestiniens ont été tués depuis, selon les chiffres publiés jeudi par le ministère de la Santé du Hamas.

Ce bilan porte à 51.355 le nombre de morts dans la bande de Gaza, selon la même source, depuis le début de la guerre.

Cette attaque sans précédent a entraîné la mort de 1.218 personnes côté israélien, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur des données officielles.