NEW DELHI : Des avocats et des journalistes figurent parmi les dizaines de personnes visées par une enquête policière en Inde à propos de messages postés sur les réseaux sociaux suite à des violences envers des musulmans, une affaire qui soulève des inquiétudes sur la liberté d'expression dans le pays.
Une enquête criminelle a été ouverte dimanche, dans le cadre de la loi anti-terrorisme, à l'encontre des propriétaires de 102 comptes Twitter, Facebook ou YouTube, accusés d'avoir partagé de "fausses informations" sur des agressions collectives menées en octobre contre des musulmans dans l'Etat reculé de Tripura (Nord-Est), dirigé par le Bharatiya Janata Party (BJP) du Premier ministre nationaliste indien Narendra Modi.
Parmi les personnes visées par l'enquête, dont beaucoup sont de religion musulmane selon des informations de presse, figurent des journalistes indiens de renom, un journaliste australien et un professeur de droit installé aux Etats-Unis.
Au moins quatre mosquées ainsi que des maisons et magasins appartenant à des musulmans dans l'Etat de Tripura avaient été attaqués le mois dernier lors de violents incidents en marge d'un rassemblement de centaines de partisans de groupes hindous qui protestaient contre l'assassinat au Bangladesh voisin de membres de la minorité hindoue.
La police a expliqué que l'enquête avait été ouverte contre des propriétaires de comptes accusés d'avoir fomenté des violences supplémentaires en partageant des vidéos et messages trompeurs sur les réseaux sociaux.
L'enquête est ouverte dans le cadre de la loi pour prévenir les activités terroristes qui permet de placer en détention durant six mois des personnes sans les inculper.
Le journaliste australien, C.J. Werleman du Byline Times, avait tweeté que le Premier ministre indien n'avait pas condamné les attaques et que des musulmans qui protestaient contre les violences avaient été arrêtés.
Un journaliste indien visé par l'enquête, Shyam Meera Singh, a déclaré avoir tweeté "Tripura est en feu!". Il a partagé des captures d'écran d'un mail de Twitter indiquant que le géant américain des réseaux sociaux avait reçu une demande de la police de l'Etat de Tripura d'intervention contre son compte.
L'organisation de défense de la liberté de la presse Reporters Sans Frontières a déclaré lundi condamner "fermement" cette enquête visant des journalistes dont "le seul crime était de couvrir les récentes attaques contre des mosquées dans l'Etat de Tripura".
L'Union des journalistes indiens a réclamé une enquête sur les violences "plutôt que de pénaliser les journalistes et les militants de la société civile".
La minorité musulmane indienne, qui compte quelque 200 millions de personnes, fait l'objet d'attaques croissantes depuis l'arrivée au pouvoir du BJP en 2014 selon les critiques du gouvernement, lequel dément ces accusations.