TBILISSI : Des dizaines de milliers de personnes ont manifesté lundi en Géorgie en faveur de l'ex-président et meneur de l'opposition Mikheïl Saakachvili, emprisonné et en grève de la faim, peu après l'annonce de son hospitalisation.
Scandant le nom de M. Saakachvili, près de 40000 personnes ont rejoint dans la soirée la place centrale de Tbilissi, la capitale de ce pays du Caucase, selon des journalistes de l'AFP.
"Un mouvement de protestation massif et permanent commence en Géorgie et ne s'arrêtera pas tant que Mikheïl Saakachvili ne sera pas libéré et que des élections anticipées n'auront pas été organisées", a lâché devant la foule Nika Melia, le président du Mouvement national uni (MNU) de l'ex-chef de l'Etat.
"Nous ne nous disperserons pas, notre protestation sera implacable et pacifique", a-t-il encore déclaré.
Les manifestants ont ensuite défilé dans le centre-ville en direction du bureau du Premier ministre, avec l'intention de bloquer le bâtiment.
Mikheïl Saakachvili est "victime d'une vendetta politique, nous ne nous arrêterons pas tant qu'il ne sera pas libéré", a déclaré l'un d'eux, Niko Mgeladze, un homme d'affaires de 46 ans.
La chaîne de télévision Mtavari, proche de l'opposition, a diffusé des images de centaines de policiers antiémeute déployés devant les bâtiments gouvernementaux.
Lundi, l'ex-président a affirmé craindre pour sa vie et assuré avoir été maltraité physiquement par ses gardiens.
Ils "m'ont insulté, m'ont frappé au cou, m'ont tiré sur le sol par les cheveux", a affirmé M. Saakachvili dans une lettre à son avocat, estimant que "le but" de son transfèrement lundi dans un hôpital pénitentiaire était de le "tuer".
Quelques heures auparavant, les services pénitenciers avaient annoncé le transfert de M. Saakachvili vers un hôpital-prison afin d'"éviter l'aggravation de son état de santé" après 39 jours de grève de la faim.
Plus tôt lundi, des médecins qui avaient examiné M. Saakachvili avaient pointé du doigt un "fort risque de complications" et la "nécessité de le soigner d'urgence dans une clinique polyvalente bien équipée".
Président pro-occidental de 2004 à 2013 et maintenant considéré comme le chef de l'opposition, M. Saakachvili était retourné le 1er octobre en Géorgie après un exil de huit ans. Immédiatement arrêté, il a été emprisonné en application d'une condamnation pour "abus de pouvoir", qu'il juge purement politique.
Figure charismatique et ambivalente de la politique géorgienne, mais aussi ukrainienne, Mikheïl Saakachvili observe depuis une grève de la faim pour protester contre son incarcération.
Ses partisans exigent depuis des semaines sa libération ou du moins son hospitalisation dans un établissement civil et non un hôpital pénitencier.
Selon l'émissaire géorgienne aux droits humains, Nino Lomjaria, un hôpital-prison ne répond pas aux critères énoncés par les médecins géorgiens.
"Au moment où le parlement géorgien a aboli à mon initiative (en 1998) la peine de mort, je ne pouvais pas imaginer que, des années plus tard, je serais condamné à mort en Géorgie", a déclaré M. Saakachvili lundi dans un communiqué diffusé par son avocat.
Son médecin personnel, Nikoloz Kipchidzé, avait révélé en octobre que l'ex-président avait des problèmes sanguins qui rendent son refus de s'alimenter "particulièrement dangereux".
Les avocats de M. Saakachvili se sont quant à eux inquiétés du fait que sa "sécurité ne sera pas garantie dans cet hôpital-prison où des criminels condamnés sont employés en tant qu'auxiliaires médicaux."
La chaîne de télévision indépendante Pirveli a signalé que les détenus de l'hôpital-prison avaient organisé une "émeute du bruit", insultant bruyamment M. Saakashvili, qui a mené une campagne contre le crime organisé pendant sa présidence.
Samedi, des partisans de M. Saakachvili avaient installé des dizaines de tentes devant la prison de Roustavi où il était détenu, promettant d'organiser des veillées continues jusqu'à ce qu'il soit transféré dans un hôpital civil.
Connu pour avoir combattu efficacement la corruption mais aussi très critiqué pour avoir provoqué une intervention militaire russe en 2008, Mikheïl Saakachvili avait quitté la Géorgie en 2013.
Il y était retourné le 1er octobre, juste avant des élections municipales remportées par le parti au pouvoir du Rêve géorgien et qualifiées de frauduleuses par l'opposition, dont le Mouvement national uni (MNU) de M. Saakachvili est la figure de proue.
Son emprisonnement a encore aggravé la crise politique en Géorgie, qui a commencé avec les législatives de l'an dernier, également remportées de peu par le Rêve géorgien et considérées par l'opposition comme falsifiées.
Les services de sécurité géorgiens ont assuré que l'ancien président planifiait de sa cellule un coup d'Etat, un "conte de fée" selon le MNU.
Le Premier ministre Irakli Garibachvili a pour sa part récemment fait scandale en déclarant que Mikheïl Saakachvili "avait le droit de se suicider".
"Nous appelons la partie géorgienne à transférer sans délai Mikheil Saakashvili dans un établissement médical civil", a de son côté réagi lundi le ministère ukrainien des Affaires étrangères dans une note de protestation envoyée à Tbilissi.