THESSALONIQUE : "Il n'y a pas de pandémie": dans le nord de la Grèce, où le taux de vaccination est le plus bas du pays, nombreux sont ceux qui nient l'existence même du coronavirus et protestent contre des mesures sanitaires qui, selon eux, bafouent leurs libertés.
Giannis Sariannidis, 37 ans, a "arrêté d'envoyer" son enfant à l'école, "car cela impliquait que celui-ci porte un masque et effectue un autotest" obligatoire.
En octobre, ce père d'élève a été interpellé pour avoir provoqué des incidents dans l'école où était scolarisé son fils de 8 ans, en refusant de se plier au protocole sanitaire en vigueur. Condamné à 15 mois de prison avec sursis, il a déclaré aux juges qu'ils n'avaient pas la légitimité pour le juger.
"Nous n'avons rien à craindre", affirme-t-il à l'AFP. "C'est un droit inaliénable de chaque citoyen sur terre d'être libre. La prospérité et la terre nous appartiennent", assure M. Sariannidis.
"Ce ne sont que mensonges", soutient également Kostas, officier de police à la retraite.
"Toutes les preuves sont postées sur internet. Si vous buvez de la tisane et que vous faites attention à votre alimentation, vous n'avez aucune raison d'avoir peur", estime ce négationniste de la pandémie. Avec sa femme, il participe à la plupart des manifestations contre la vaccination à Thessalonique, la seconde ville de Grèce.
Dans les régions de Macédoine et de Thrace, dans le nord du pays, se concentrent la plus grande partie de corona-sceptiques, qui répandent des théories du complot alimentées par une rhétorique religieuse et nationaliste, selon les observateurs.
Antonis Gardikiotis, professeur de psychologie sociale à l'Université Aristote de Thessalonique, attribue cette situation à la diffusion de "messages contradictoires".
"Pendant le premier confinement, le message était plus cohérent et la peur incitait à respecter les mesures" sanitaires. Depuis, un "excès" d'informations et de "fake news" a créé "la confusion", commente-t-il.
Plus de cas, moins de vaccination
Plus de 40% des 6.700 cas de coronavirus enregistrés mardi en Grèce - un record quotidien - l'ont été dans le nord de la Grèce, où vit le tiers de la population du pays.
Moins de la moitié de ces 3,1 millions d'habitants ont été pleinement vaccinés, bien en deçà de la moyenne nationale à 63%.
Le Premier ministre Kyriakos Mitsotakis a de nouveau appelé mercredi "les sceptiques à se faire vacciner pour réduire la pression sur les hôpitaux".
Dans le nord, les soins intensifs sont proches de leur capacité maximale et un nombre croissant de patients non vaccinés refusent d'y être intubés.
"Presque tous les jours, on voit des cas de patients qui refusent d'être intubés. Ils nous accusent de les mettre délibérément en danger d'infections nosocomiales" prétendant que "nous voudrions les tuer", souligne Nikos Kapravelos, directeur des urgences de l'hôpital de Papanikolaou à Thessalonique.
Médecins, infirmiers et enseignants sont traduits en justice ou menacés de l'être par des opposants à la vaccination.
"Un parent d'élève a refusé de laisser son enfant se faire tester car il prétendait que l'écouvillon contenait des substances cancérigènes", déclare Ioanna qui travaille dans un lycée du nord du pays.
"La police a dû intervenir" car le parent "menaçait de porter plainte pour torture contre son enfant", ajoute-t-elle.
Début octobre, un procureur a ordonné l'hospitalisation à Thessalonique d'une adolescente de 14 ans présentant de graves symptômes du Covid-19, malgré l'opposition des parents.
«Dieu nous protège»
Une partie du clergé local tourne aussi le dos aux mesures sanitaires.
Récemment, le métropolite de la ville de Greneva a été filmé en train de baisser les masques des fidèles pour leur permettre d'embrasser la croix qu'il tendait.
A Thessalonique, des centaines de fidèles rassemblés pour célébrer le Saint Patron de la ville la semaine dernière, embrassaient une icône sans protection.
La télévision publique ERT a rapporté que des moines demandaient au pélerins d'enlever leurs masques avant d'entrer dans leurs monastères.
"De quoi devrais-je avoir peur ici, à l'église? Dieu nous protège", a déclaré la sexagénaire Chryssa Karipidou, lors d'une fête religieuse.
Mais le gouvernement conservateur a exempté les églises des nouvelles mesures sanitaires mises en place mercredi avec la recrudescence des cas.
Pour le ministre de la Santé Thanos Plevris, "aller dans un lieu de culte n'est pas la même chose que d'aller dans une taverne ou d'acheter des chaussures".