POINTE-A-PITRE : Grèves des enseignants, blocages des agents municipaux, fermetures pour coupure d'eau ou pollution: les écoles primaires publiques de Guadeloupe se retrouvent souvent fermées, parfois sans prévenir, au point que les parents excédés cherchent d'autres solutions pour scolariser leurs enfants.
Après les grèves d'instituteurs pour protester contre la réforme des retraites et avant les manifestations de parents antimasques, de février à mai ce sont les agents municipaux qui ont érigé des barricades devant les écoles guadeloupéennes pendant de longues semaines.
En Guadeloupe, "depuis la rentrée (2020-2021), 20% de jours de classe ont déjà été perdus, du fait de grèves, de coupures d'eau, d'échouages de sargasses ou d'opérations de dératisation", indique également un rapport de l'Assemblée nationale datant de juin 2021.
"Cette année, deux jours après la rentrée, (décalée à cause du Covid, ndlr), l'école de ma fille à Saint-François a fermé à 8H15, parce qu'il n'y avait plus d'eau: les citernes installées cette année n'étaient pas raccordées" râle Delphine R., infirmière libérale. Dans ce cas, "tous les parents doivent venir récupérer leurs mômes et s'organiser au travail. Ça arrive très souvent", explique-t-elle.
Pour cette rentrée, de nombreuses communes ont annoncé ne pas pouvoir assurer la cantine scolaire arguant que les inscriptions n'étaient pas enregistrées ou que les protocoles sanitaires étaient trop importants.
"Trop, c'est trop!" pointait, en août un communiqué de la Fédération des associations de parents d'élèves de Guadeloupe, fustigeant un énième protocole sanitaire obligeant "les parents à s'adapter pour préserver la santé physique, mentale et sociale" des enfants.
L'organisation demandait également des "établissements pourvus en eau potable (...), dotés de suffisamment de lavabos, de savons, de papier hygiénique", mais aussi "un service de restauration scolaire en continu et de qualité".
"Nous travaillons avec les collectivités pour résoudre tout cela", indique Christine Gangloff-Ziegler, la rectrice, qui reconnaît aussi ne pas toujours "savoir remplacer rapidement des professeurs absents".
Problèmes de sécurité
Mais la majeure partie du phénomène est chronique: "Nous devons fermer les écoles en cas de problème de sécurité", rappelle Jocelyn Sapotille, président de l'association des maires de Guadeloupe. "Or, un manque d'eau ou des sargasses qui dégagent du sulfure d'hydrogène, c'est un problème de sécurité".
"Entre septembre 2019 et aujourd'hui, ma fille aura passé plus de temps à la maison qu'à l'école à cause de tout cela et bien sûr le Covid est venu empirer les choses", soupire Estelle, 40 ans, maman d'une fillette de 5 ans. Cette année, la décision est prise: sa fille ira en école privée. "Mais les places manquent dans le privé sous contrat ; il faut des relations pour y accéder", indique-t-elle.
La situation crée un effet d'aubaine sur le territoire: des écoles privées hors contrat ouvrent partout. Pédagogies alternatives, écoles bilingues, trilingues, sport études dès le cours élémentaire attirent de plus en plus les familles qui peuvent se payer un tel enseignement (5.000 à 8.000 euros l'année), non subventionné.
"Le privé ça coûte cher, mais on sait que l'accueil est assuré" indique Dinah, 38 ans, qui a inscrit son fils dans une école qui pratique l'anglais, l'espagnol et le mandarin dès la maternelle.
"L'école publique reste majoritaire à 85%, d'autant que la population diminue en Guadeloupe", nuance la rectrice d'académie qui note quand même une augmentation du nombre d'établissements hors-contrat et encourage les parents à "la prudence" quant à l'enseignement payé.
Selon la préfecture, 44 dont 13 nouvelles écoles hors contrat accueillaient des élèves lors de la rentrée 2020-2021, regroupant un peu moins d'un tiers des élèves du privé du premier degré (2.050 élèves pour 4.699 dans le privé et 90.259 élèves dans l'académie). Soit un peu plus que la moyenne nationale, selon les chiffres du ministère de l'éducation nationale.