MEDAN, FRANCE : "N’oubliez rien de ces combats passés, car ils disent que le monde dans lequel nous vivons, comme notre pays, comme notre République, ne sont pas des acquis", a lancé Emmanuel Macron mardi en inaugurant le musée consacré à l'affaire Dreyfus, installé dans la demeure d'Emile Zola à Médan, dans les Yvelines.
Ce lieu de mémoire, qui ouvre ses portes au public jeudi, veut perpétuer le souvenir du célèbre écrivain français Emile Zola et d'Alfred Dreyfus, victime d'une machination judiciaire et antisémite datant de 1894. Le capitaine avait finalement été réhabilité en 1906.
"Vous redites l’importance de ce destin si particulier, de cet homme qui a subi le pire, l’humiliation, le silence, l’isolement. Rien ne réparera ces humiliations mais ne les aggravons pas en les laissant oubliées, aggravées ou répétées", a-t-il plaidé devant les descendants d'Alfred Dreyfus et d'Emile Zola.
Accompagné notamment de l'ex-Premier ministre Manuel Valls et du Grand Rabbin de France Haïm Korsia, le chef de l'Etat a visité ce musée qui présente plus de 500 documents sur "l'Affaire", dont une fac-similé du célèbre faux bordereau qui avait incriminé le capitaine, ainsi que de nombreux affiches antisémites ou insultant Emile Zola, qui lança le célèbre "J'accuse".
"Zola, c'est aussi ce combat pour lequel il a pris des risques fous, un combat éminemment républicain", a ajouté Emmanuel Macron.
Le musée est installé dans une aile de la Maison Zola, la majestueuse villa restaurée après dix ans de travaux, acquise par l'écrivain en 1878 et où il a écrit nombre de ses plus grandes oeuvres.
Nommer Dreyfus général ? Oui et non, répond Macron
Faut-il nommer le capitaine Dreyfus général à titre posthume ? Non sur le principe, mais peut-être pour ce cas particulier, a répondu mardi soir Emmanuel Macron, lors d'un "dîner des protestants".
"Appartient-il au président de la République de faire de Dreyfus un général, aujourd'hui ? Ma réponse de principe serait non", a d'abord répondu le chef de l'Etat, interrogé par le Grand rabbin de France Haim Korsia sur cette manière de "réparer" l'affaire Dreyfus.
"Pour une première raison, qui serait d'éviter les ennuis", a-t-il souri. "Pour une deuxième, plus profonde, qui est qu'on ouvrirait alors une possibilité au président de la République de restaurer ou dégrader quiconque en fonction des temps. Parce que j'aurais demain des demandes de tel ou tel pour dégrader des généraux qui ont participé à la colonisation ou à telle ou telle guerre".
"Le grand risque, c'est de revisiter la hiérarchie militaire ou l'histoire, avec le regard d'aujourd'hui", a poursuivi le chef de l'Etat, au cours d'une séance de questions-réponses avec la salle.
"Mais la difficulté avec le cas Dreyfus, c'est que vous appuyez votre propos sur une réalité irréfutable qui est de reconstituer la carrière qu'on a suspendu", a-t-il dit.
"Quand la haine sort de son lit dans une société, elle met du temps à y revenir, il suffit de voir les années que Dreyfus a vécu après: interdit de participer à la panthéonisation de Zola, on lui tire dessus et on blanchit l'auteur du tir", a-t-il relevé.
"Votre argument rend ce cas singulier". "Mais c'est sans doute l'institution militaire, dans un dialogue avec les représentants du peuple français, qui peut le faire, plus que le président comme une décision souveraine, comme un fait du prince. Je pense que ce serait inapproprié. Mais in pectore (dans mon coeur), il l'est, le chef des armées que je suis peut vous le dire", a-t-il conclu.
En juillet 2019, la ministre des Armées Florence Parly avait ouvert la porte à une promotion d'Alfred Dreyfus. "120 ans plus tard, il est encore temps que les Armées redonnent à Alfred Dreyfus tout l’honneur et toutes les années qu’on lui a ôtés. Et j’y veillerai personnellement", avait-elle dit. Le député LR Eric Ciotti, s'était ensuite dit favorable à sa promotion au grade de général.
Après avoir mardi inauguré le musée Alfred Dreyfus ouvert dans la Maison Zola à Médan, Emmanuel Macron a participé à un dîner de bienfaisance organisé par un réseau d'entrepreneurs protestants. Le président de la Fédération protestante de France François Clavairoly y a défendu des valeurs comme l'accueil des étrangers et le partage des richesses.