PARIS: Le chanteur-guitariste d'origine caribéenne David Walters convie le public de La Cigale, mardi à Paris, à une soirée entre amis, entouré de ses complices musiciens pour revivre les instants magiques de "Nocturne", un album insolite paru en février.
L'idée d'un tel disque, à contrecourant de ses productions précédentes, vient à Walters pendant le premier confinement: "On faisait des live sur internet avec Vincent Segal (violoncelle), raconte à l'AFP le chanteur-guitariste. Je lui ai dit: +ça serait génial qu’à la fin du confinement on fasse une séance studio un peu comme les vieilles sessions de jazz, quelque chose qui soit complètement live et libre+".
L'idée séduit Segal, qui diffuse depuis trente ans les notes majestueuses de son violoncelle dans de nombreux projets world et électro, avec qui Walters a tissé un lien pudique mais solide depuis une première rencontre en 2005.
Le violoncelliste convainc à son tour son complice malien Ballaké Sissoko (kora) et le maître-percussionniste guadeloupéen Roger Raspail de se joindre à l'aventure.
Entre le projet d'avril 2020 et l'entrée en studio en juillet, Walters aura à peine trois mois pour composer le matériau d'un disque qui va à l'encontre de toute stratégie commerciale.
Expérience humaine
"C’est un album complètement acoustique, parce qu'à ce moment là du confinement on a tous peur, et moi mon réflexe, ça a été de revenir à l'essentiel et de faire des compositions", raconte David Walters.
Deux mois avant le début du confinement, il avait publié "Soleil Kréyol", un disque éclatant aux sonorités urbaines et africaines, sous influence funk, acid jazz et hip hop, aux antipodes du feutré "Nocturne".
Qu'est-il sorti de ces trois journées "unplugged" ? Une musique intimiste, envoûtante, que l'on dirait jouée autour d'un feu dans une nuit caraïbe, tournée vers l'intime.
Le cœur de la poésie créole de David Walters y bat au rythme des tambours de Roger Raspail, portée par les arpèges de la kora et du violoncelle, pour un voyage hanté passant par le Cameroun, le Mali, Haïti, la Guadeloupe, le Cap-Vert, la Réunion...
"Lorsqu'on écoute l'album, on a des clés caribéennes, des clés du Mali, la tenue de la musique classique et le lyrisme de Vincent Segal", confirme l'auteur. "Mais c’est surtout une rencontre d’être humains".
«Un instant musical»
"A la Cigale, on écoutera un instant musical. Ca sera un concert libre, il y aura de la place pour l’expression", promet-il à propos d'un rendez-vous repoussé deux fois et qui aura enfin lieu.
Né à Paris, fruit d'une liaison entre une Martiniquaise née à Londres et un homme venu de Saint-Kitts-et-Nevis (Caraïbes), David Walters a eu plusieurs vies: une enfance en familles d'accueil après que sa mère se soit vu soustraire sa garde; une vie d'athlète de haut niveau de 12 à 21 ans près de Bordeaux (2,10 m en hauteur et 10 sec 8/10 sont ses records personnels).
Une troisième vie de musicien depuis, avec une parenthèse de 2010 à 2015 comme animateur de l'émission "Les nouveaux explorateurs" sur Canal+.
"Il n’y a qu’une chose qui m’intéresse vraiment, la musique, la passion de la musique et l’émotion qu'elle vous procure. Pour moi ça va loin", lâche David Walters, qui s'est, adulte, plongé dans la musique comme on s'engage dans la Légion.
Tout au long de cette carrière musicale, il n'aura de cesse d'apprendre, de peaufiner son art, d'interroger, de s'interroger. Il est aussi allé apprendre le créole antillais "comme on apprend l'anglais ou l'espagnol, en travaillant avec des auteurs, en Martinique et en Guadeloupe".
Sa créativité, sa personnalité, attirent désormais vers lui Ibrahim Maalouf, Seun Kuti, qui figurent sur "Soleil Kréyol", un disque ivre de bonheur, autant Afrique que Caraïbe, paru début 2020.
"A travers la musique, je vis des rêves de gosse", se réjouit David Walters, qui vit sa passion depuis Marseille, une ville qu'il a choisie depuis bientôt vingt ans.