BRUXELLES : L'Otan a affiché jeudi son unité, malgré les dissensions provoquées par le désastre afghan, et a décidé de replier ses forces et de renforcer ses moyens pour se protéger contre les menaces en provenance de Russie et de Chine avec l'adoption de nouveaux plans de défense par les ministres de l'Alliance.
«L'atmosphère était bonne et nous avons eu une excellente discussion», a assuré le patron de l'Otan, le Norvégien Jens Stoltenberg, lors de son compte-rendu de la première journée de la réunion des ministres de la Défense de l'Alliance.
«C'était la première occasion donnée aux ministres de discuter des problèmes rencontrés avec le retrait d'Afghanistan (achevé le 31 août) et des défis» auquel ce pays doit faire face, a-t-il expliqué.
Le fiasco de la mission de l'Otan en Afghanistan a confirmé la volonté des alliés de se recentrer sur la défense de leur territoire en Europe et en Amérique du Nord.
«Une transformation est en cours. Nous avons réduit de façon significative le déploiement des missions hors des territoires de l'Alliance et nous renforçons la défense collective», avait expliqué mercredi Jens Stoltenberg.
«Les ministres ont avalisé de nouveaux objectifs de capacités militaires et de nouveaux plans de défense pour la zone euro-atlantique», a annoncé le Norvégien.
«L'objectif est d'avoir les bonnes forces aux bons endroits au bon moment», a-t-il souligné.
La réunion a débuté à 13H00 (11h GMT) après l'arrivée du chef du Pentagone Lloyd Austin et va se poursuivre vendredi avec des débats consacrés aux liens avec l'Union européenne.
Une discussion difficile est attendue sur la volonté de certains pays, en particulier la France, de se doter d'une capacité d'action militaire autonome lorsque l'Alliance ne peut ou ne veut pas s'engager.
- Repositionnement défensif -
«Les efforts des Européens pour renforcer la réactivité de leurs forces et de se doter de capacités supplémentaires sont bienvenus s'ils apportent une valeur ajoutée et sont disponibles pour les missions menées par l'Otan», a insisté Jens Stoltenberg.
La modernisation des arsenaux de la Russie et de la Chine, deux pays qui se dotent de missiles hypersoniques, investissent dans l'espace et sont accusés de se livrer à des attaques informatiques contre les intérêts occidentaux, poussent à ce repositionnement défensif, a-t-il expliqué.
«Les alliés deviennent de plus en plus conscients de l'importance de la résilience à cause de la vulnérabilité des chaînes d'approvisionnement», a-t-il souligné.
«Nous devons renforcer notre avantage technologique avec les moyens du nouveau fonds d'innovation pour la sécurité doté de 1 milliard de dollars et avec la stratégie pour l'intelligence artificielle», a-t-il expliqué.
«Nous avons parfois des différends, des désaccords, mais les Alliés ont montré qu'ils continuaient d'être unis», a-t-il affirmé.
Plusieurs pays ont ouvertement critiqué l'accord conclu entre Washington et le pouvoir taliban ainsi que le refus américain de retarder le départ des troupes alliées pour faciliter l'exfiltration des collaborateurs afghans.
Jens Stoltenberg avait appelé à surmonter les divergences pour éviter des dissensions entre les États-Unis et les Européens.
«La mission en Afghanistan n'a pas été un échec», a-t-il soutenu. «Mais la manière dont la consultation sur le retrait a été organisée en amont n'a pas été satisfaisante», dénoncent de nombreux alliés.
Les Européens entendent demander des comptes au ministre américain et au secrétaire général de l'Otan, dont le mandat se termine fin septembre 2022.
«Aucune concertation n'a été organisée sur la mise en œuvre de la décision de retrait, aucun calendrier n'a été discuté, le secrétaire général et son adjoint étaient en vacances en même temps pendant le retrait», a dénoncé un diplomate européen.
«Le leadership américain est remis en cause», a averti le représentant d'un pays européen.
Lloyd Austin s'est dit prêt à évoquer les «enseignements à tirer» du fiasco en Afghanistan, avec le retour éclair au pouvoir des talibans après l'effondrement des forces armées formées par la mission de l'Otan Resolute Support.