C’est l’histoire d’une rencontre entre la famille Tarazi, dynastie d’artisans décorateurs libanais depuis plus de cent ans, et celle de Virginie Broquet, une artiste française qui a parcouru les ambassades de France dans le monde pour les représenter à la pointe de son pinceau. Cette collaboration a donné lieu à une exposition intitulée «Aux portes de l’Orient» qui se tient à la Maison de France, à Monaco, du 13 octobre au 5 novembre 2021.
Pour Arab News en français, Camille Tarazi et Virginie Broquet remontent le temps et reviennent sur le passé commun de leurs deux familles qu’a réunies le projet de la Résidence des Pins, siège de l’ambassade de France au Liban.
Comment ce projet a-t-il vu le jour?
Camille Tarazi: En 2018, Virginie Broquet exposait à la Maison de France, à Monaco, ses aquarelles et ses dessins consacrés aux ambassades de France qu’elle a visitées à travers le monde. Mon père, Michel Tarazi, a découvert son travail et, comme il a remarqué que l’ambassade de France à Beyrouth ne figurait pas parmi les œuvres de Virginie Broquet, il lui a proposé de visiter la Résidence des Pins, dans laquelle se trouvent des boiseries réalisées en 1916 puis restaurées entre 1996 et 1998 par Maison Tarazi.
Virginie est arrivée à Beyrouth en juin 2019 et a commencé à dessiner la Résidence des Pins, ainsi que la ville de Beyrouth. Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu’elle a découvert dans un salon du rez-de-chaussée, accroché au mur depuis vingt ans – à côté du salon ottoman réalisé par Michel Tarazi en 1998 – un tableau peint par son arrière-grand-père!
Racontez-nous l’histoire du tableau…
Virginie Broquet: J’ignorais totalement son existence et ce fut l’occasion d’une nouvelle aventure. Il s’agit d’un tableau à l’huile réalisé par Léon Espérance Broquet, mon arrière-grand-père, qui fut l’élève de Claude Monnet puis, en 1914, s’engagea dans la Grande Guerre alors qu’il avait 45 ans et trois enfants! C’est en «croquant» les tranchées qu’il est devenu peintre des armées. Ses œuvres appartiennent ainsi à l’État ainsi qu’au musée des Invalides, qui en possède un bon nombre, de tous formats, dans leurs archives.
Par ailleurs, plusieurs musées dans le monde possèdent des œuvres de style impressionniste de mon aïeul.
Quelle a été l’étape suivante?
Virginie: La Maison de France a découvert cette belle histoire et nous a proposés d’en faire une exposition en réunissant nos deux familles à travers leurs œuvres et leurs archives.
Pourquoi avoir choisi Monaco?
Virginie: Tout simplement parce que c’est le lieu qui a rendu possible la genèse de cette belle histoire, plus précisément la Maison de France: c’est là que tout a commencé pour moi, avec la rencontre de Michel Tarazi, artiste ébéniste du Liban.
Quels sont les objets et les créations artisanales qui ont été sélectionnés pour cette exposition?
Camille: Il s’agit à la fois de pièces anciennes (objets en cuivre incrustés d’argent, pièces de cuivre émaillé, meubles de bois gravé avec moucharabieh, nacre, peinture, gravure, etc.) et contemporaines nées du savoir-faire de Maison Tarazi. Ce sont des objets et des meubles similaires à ce que l’on pouvait trouver dans leurs boutiques de Beyrouth, de Damas, de Jérusalem, du Caire et de Rabat. Des dessins qui représentent la Résidence des Pins jalonnent les divers espaces concernés: la porte monumentale, l’escalier monumental, le salon ottoman… On découvre en outre leur évolution chronologique depuis 1919, assistant à leur dévastation et à leur résurrection grâce à des images et des spécimens. Par ailleurs, des sacs en jute de Maison Tarazi ont été revisités par les mains créatives de Virginie Broquet.
Les toiles sont inspirées d’objets orientaux ou de cartes postales éditées par Dimitri Tarazi & fils ou par André Terzis & fils entre 1902 et 1920. Elles font partie de la collection que j’ai constituée depuis 1996.
Vous retrouverez le mobilier de Maison Tarazi tout au long de l’exposition. Il contribue à recréer l’ambiance d’une boutique d’antiquités et d’artisanat. Les divers savoir-faire sont présentés aux visiteurs, accompagnés d'un documentaire filmé. Cela leur permet de voyager dans le temps, alors qu’ils découvrent des extraits d’illustres voyageurs orientalistes comme Lamartine, Nerval, Volney, entre autres, et d’apprécier les réinterprétations artistiques de Virginie Broquet.
Quels sont les objets phares de cette exposition?
Camille: Des parties anciennes des boiseries de la Résidence des Pins qui furent sauvées de la destruction (panneau en bois gravé, vitrail, etc.), ainsi que des documents anciens issues de la famille Tarazi (anciennes factures, catalogues de meubles, cartes postales réunies par Camille…). Ces pièces sont exposées pour la première fois au public.