MOSCOU : Rejetant toute responsabilité dans l'essor record des prix du gaz, Vladimir Poutine s'est positionné mercredi comme celui capable d'apporter une solution à la crise, tout en faisant la leçon à ses clients --et rivaux géopolitiques-- européens.
Participant à un forum énergétique à Moscou, le président russe s'est dit prêt à accroître ses livraisons d'or bleu.
"Si l'on nous demande d'augmenter encore, nous sommes prêts à augmenter encore. Nous augmenterons d'autant que nous le demanderons nos partenaires", a-t-il martelé.
Il a également souhaité "un mécanisme à long terme de stabilisation du marché de l'énergie ce qui est très important dans la situation difficile actuelle".
Selon lui, ce sont les Etats européens, auxquels la Russie fournit plus d'un tiers de leurs besoins en gaz, qui sont en faute.
Ils ont commis "l'erreur" de se "reposer sur la main invisible du marché" en tablant sur des achats au comptant plutôt que de multiplier les contrats de long terme avec Moscou ces dernières années.
L'UE cherche à diversifier ses fournisseurs et sources d'énergie, à la fois pour réduire son empreinte carbone que pour baisser sa dépendance à l'égard de Moscou.
Pourtant, selon M. Poutine, le gaz est une source clé dans la quête de la neutralité carbone. Il a d'ailleurs annoncé cet objectif pour la Russie d'ici 2060 notamment grâce à l'or bleu dont l'empreinte est bien moindre que le charbon ou le pétrole.
En outre, la Russie est un partenaire commercial "fiable" qui a respecté ses "obligations contractuelles", a-t-il dit.
Evoquant un niveau d'exportations record en 2021, il s'est dit toujours prêt "à discuter de mesures supplémentaires".
Si la Russie s'est dite disposée ces derniers jours à augmenter ses livraisons à l'Europe, elle semble vouloir le faire dans le cadre de nouveaux contrats à long terme que l'UE voit d'un mauvais oeil.
"S'il y a des demandes (supplémentaires de gaz, ndlr), cela pourra uniquement passer par de nouvelles conditions contractuelles", a ainsi estimé le ministre de l'Energie Nikolaï Choulguinov mercredi.
La crise énergétique actuelle, d'ampleur mondiale, est due notamment à l'accélération de la demande en raison de la reprise économique après les nombreuses restrictions liées à la pandémie de coronavirus.
Or un ensemble de facteurs a réduit l'offre, provoquant la flambée des prix, à des niveaux jamais vus.
En Europe, les stocks de gaz sont au plus bas, entamés par un hiver prolongé en 2020 et pas suffisamment remplis depuis. A cela s'ajoute un apport réduit d'énergies renouvelables, comme l'éolien pour des raisons météorologiques.
Dans ce contexte, les regards se sont tournés vers Moscou, des critiques accusant la Russie de profiter de la situation.
D'une part, selon ses détracteurs, la Russie n'a pas ouvert les vannes immédiatement afin de convaincre l'Europe de revenir aux contrats à long terme plutôt que de se fournir au comptant.
Deuxièmement, elle tenterait d'accélérer la mise en service du gazoduc Nord Stream 2, tube controversé, devant livrer directement du gaz en Allemagne, en attente du dernier feu vert du régulateur allemand. Cette procédure peut prendre des mois.
Selon ses opposants, l'Europe de l'Est en particulier, Nord Stream 2 va exposer le continent à l'arme énergétique russe en accroissant la dépendance européenne et en sacrifiant les intérêts de l'allié ukrainien, pays de transit traditionnel.
M. Poutine a rejeté une fois de plus l'argumentaire mercredi, relevant que le tube était "plus court" que les voies existantes, "moins cher" à exploiter" et "plus moderne" que les réseaux de gazoduc en service.
Pour lui comme pour la chancelière Angela Merkel, rappelle-t-il, ce tube est "un projet strictement économique" et n'a rien de politique.
Il a réaffirmé mercredi être disposé à maintenir ses capacités de transit via l'Ukraine au-delà du contrat actuel expirant en 2024.
Les droits de transit sont une source de devises importantes pour ce pays parmi les plus pauvres d'Europe, allié des Occidentaux et en conflit avec Moscou depuis 2014.