PARIS : "Fausses solutions" ou "mirage technologique" qui ne fixe pas de cap vers une économie verte... Les défenseurs de l'environnement dénoncent le plan France 2030 alors que le gouvernement vante un moyen de "garantir la souveraineté écologique" du pays.
A six mois de la présidentielle, Emmanuel Macron a annoncé 30 milliards d'euros d'investissements sur cinq ans pour développer la compétitivité industrielle et les technologies d'avenir en France.
La moitié environ "est consacrée à la transition écologique, soit 20 points de plus que dans le plan de relance" post-Covid, explique le ministère de la Transition écologique (MTE), qui y voit la "marque de la volonté du gouvernement d'investir toujours plus" dans cette voie.
Objectif, "garantir notre souveraineté écologique", en agissant sur "trois axes, décarbonation de l'industrie, des mobilités et de l'énergie".
Mais alors que les experts climat de l'ONU ont encore sonné l'alarme en août sur l'accélération du réchauffement climatique et de ses conséquences et qu'une conférence climat cruciale s'ouvre dans moins de trois semaines, les militants de l'environnement ne sont pas convaincus. Ils dénoncent l'aspect selon eux productiviste et le manque d'ambition sur la réduction immédiate des émissions de gaz à effet de serre.
"Le Président de la République cède un peu plus au mirage du tout technologique supposé résoudre, comme par magie, les crises écologiques", regrette la Fondation de Nicolas Hulot, l'ancien ministre de l'Ecologie de M. Macron qui avait claqué avec fracas la porte du gouvernement.
Tout en se félicitant de "certains objectifs (...) de réindustrialisation et de relocalisation des emplois", la FNH dénonce une "stratégie productive qui fait l'impasse sur la nécessaire sobriété".
"Macron candidat enterre la transition écologique", dénoncent les Amis de la Terre, fustigeant un "enfumage autour d'investissements qui ignorent totalement les besoins de la transition écologique" et ne porteront des fruits "qu'après 2030, soit bien trop tard pour atteindre nos engagements" de réduction des émissions.
"Festival de fausses solutions et de voeux pieux", abonde Greenpeace, dénonçant pêle-mêle des mesures (petits réacteurs nucléaires, avion vert ou hydrogène nucléaire) visant à "repousser sans cesse la vraie transition" plutôt que "d'orienter l'économie vers plus de sobriété et d'investir dans les solutions qui existent déjà".
France Nature Environnement, qui fédère plus de 5800 associations, regrette de son côté un plan à l'enjeu "manifestement plus économique qu'environnemental malgré l'urgence climatique et écologique", malgré des "pas dans le bon sens".
Hors monde militant, certains pointent aussi un déficit de vision d'ensemble sur la mise en oeuvre concrète des engagements de la France, alors même que la justice administrative a récemment retoqué à plusieurs reprises la politique du gouvernement en la matière.
Benoît Leguet, directeur du centre de recherche Institute for Climate Economics (I4CE), se félicite ainsi d'un plan qui "répond à la question du financement de la décarbonation de l’industrie". "Mais il faut aussi fixer un cap à tout le reste de l'économie".
"La France a des objectifs climatiques pour 2030, elle doit clarifier les moyens pour les atteindre", poursuit l'expert, également membre du Haut Conseil pour le Climat, organisme indépendant d'évaluation de la politique climatique publique française.
"Comment va être financé le déploiement des technologies existantes? Comment va être financé l'accompagnement des ménages, des entreprises, des collectivités locales" dans cette transition interroge-t-il, y voyant "un sujet pour la présidentielle".
"L'action du gouvernement ne se limite absolument pas à ce plan", répond le ministère, qui se défend d'être "techno-béat" et rappelle les mesures sociétales - limitation de la durée des vols intérieurs, rénovation énergétique des logements ou même menus végétariens - de la récente loi climat et résilience.
"Mais qu'on le veuille ou non, la décarbonation va poser des questions", comme la sécurité de l'approvisionnement énergétique, qui auront "mécaniquement une forte dimension technologique".