OUAGADOUGOU: Il en est le principal accusé, mais l'ancien président burkinabè Blaise Compaoré n'assistera pas au procès de l'assassinat de son ancien ami, l'ex-président Thomas Sankara, tué lors d'un coup d'Etat en 1987, qui doit s'ouvrir lundi à Ouagadougou.
"Le président Blaise Compaoré ne se rendra pas - et nous non plus - au procès politique organisé à son encontre devant le tribunal militaire de Ouagadougou, c'est-à-dire devant une juridiction d'exception", ont annoncé jeudi ses avocats français et burkinabè, Pierre-Olivier Sur et Abdoul Ouedraogo.
Ils affirment dans un communiqué que leur client n'a jamais été "convoqué pour un interrogatoire" et qu'"aucun acte ne lui a jamais été notifié, sinon sa convocation finale devant la juridiction de jugement".
Ils indiquent en outre que Blaise Compaoré bénéficie "de l'immunité en tant qu'ancien chef de l'Etat".
Mais, "si le président Blaise Compaoré ne reconnaît pas la justice du président Roch Kaboré (actuel chef de l'Etat burkinabè), il demeure confiant en la justice internationale", ajoutent-ils.
Ils citent la décision de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) de suspendre l'extradition de France de son frère François, mis en cause dans l'assassinat en 1998 d'un journaliste burkinabè, Norbert Zongo.
Le procès de l'assassinat de Thomas Sankara, "père de la révolution" burkinabè et icône panafricaine tué lors d'un coup d'Etat en 1987, suscite, 34 ans après, des espoirs de "vérité" et de "justice".
Blaise Compaoré avait pris le pouvoir lors du putsch de 1987 et s'y est maintenu pendant 27 ans avant d'être renversé à la suite d'une insurrection populaire en 2014.
Arrivé au pouvoir par un coup d'État en 1983, Thomas Sankara a été tué le 15 octobre 1987 avec douze de ses compagnons par un commando lors d'une réunion au siège du Conseil national de la révolution (CNR) à Ouagadougou. Il avait 37 ans.
Quatorze des principaux accusés seront jugés, dont Blaise Compaoré, 70 ans, qui vit en exil en Côte d'Ivoire où il a obtenu la nationalité ivoirienne, et le général Gilbert Diendéré, 61 ans, l'un des principaux chefs de l'armée lors du putsch de 1987.
Devenu ensuite chef d'état-major particulier du président Compaoré, le général Diendéré purge déjà au Burkina une peine de 20 ans de prison pour une tentative de coup d'Etat en 2015.
Tous deux sont accusés de "complicité d'assassinats", "recel de cadavres" et "d'attentat à la sûreté de l'Etat".
« Une victoire »
Bras droit de Sankara, Blaise Compaoré a toujours nié avoir commandité l'assassinat de son frère d'armes et ami intime, bien que le putsch de 1987 l'ait porté au pouvoir.
Des soldats de l’ancienne garde présidentielle de Compaoré, notamment l'ancien adjudant-chef Hyacinthe Kafando, accusé d'avoir été le chef du commando et actuellement en fuite, figurent également parmi les prévenus.
La mort de Thomas Sankara, leader révolutionnaire qui voulait "décoloniser les mentalités" et bouleverser l'ordre mondial en prenant la défense des pauvres et des opprimés, a été un sujet tabou pendant les 27 ans de pouvoir de M. Compaoré.
L’affaire a été relancée en 2015 par le régime de transition démocratique et un mandat d’arrêt émis contre M. Compaoré par la justice burkinabé en mars 2016.
Selon ses avocats, ce mandat "a été annulé par la Cour de cassation du Burkina le 28 avril 2016" et n'est donc plus d'actualité.
Pour le Comité international mémorial Thomas Sankara (CIMTS), ce procès est "une victoire" qui montre que "le Burkina Faso, patrie des hommes intègres, est un Etat de droit dans lequel l’impunité n’est pas une valeur de référence".
Selon le CIMTS, "sauf contrainte de dernière minute" , la veuve de Thomas Sankara, Mariam, qui vit depuis 1990 à Montpellier dans le sud de la France, devrait assister à l'ouverture du procès.