PARIS: «Je trouve ça excellent qu’il y ait un peu de vie dans ce quartier, et les tableaux sont chouettes», se réjouit Marina Delmonde, un grand sourire aux lèvres et les yeux qui pétillent. Ce mardi soir, la petite place Aimé-Maillart est en effet noire de monde. Ils sont venus nombreux, les habitants de ce quartier cossu du XVIIe arrondissement, pour se retrouver et admirer les peintures, lithographies et affiches originales de Chagall. Elles sont exposées dans le kiosque qui trône au centre de l’îlot, à deux pas de l’arc de Triomphe où le président Macron participe au même moment à une cérémonie de dépôt de gerbes sur la tombe du Soldat inconnu.
Maintes fois décalée en raison de la pandémie de Covid-19, l’exposition a finalement pu avoir lieu, et la placette redevenir un musée à ciel ouvert, pendant deux heures, ce mardi 28 septembre. Car ce n’est pas la première fois que le maître des lieux, Bassam Gossain, expose des chefs-d’œuvre dans son kiosque parisien, parmi ses trois cents titres de presse et de magazines. C’est à la fin de 2019 que la première exposition est montée, consacrée à Pierre Soulages, alors à l’honneur au Louvre, où le maître de l’outrenoir est reçu en présence du chef de l’État.
L’idée germe dans l’esprit de Gérard Bosio, un habitant du XVIIe arrondissement et conseiller culturel, quelques jours plus tôt, quand celui-ci, dans le kiosque de son ami Bassam Gossain, lui-même amateur d’art, se demande: «Comment se fait-il qu’il n’y ait pas un peu de Soulages pour les autres?»
«Nous avons alors décidé que le lendemain de l’inauguration de cette grande exposition au Louvre, il y ait lieu ici, une exposition Soulages avec la présentation d’œuvres originales», explique Gérard Bosio. C’est ainsi qu’en quelques jours, l’exposition a pu voir le jour. En février 2020, c’est au tour de Hans Hartung d’être exposé dans le kiosque de Bassam Gossain, quelques jours après la fin de l’exposition du peintre franco-allemand au musée d’Art moderne de la ville de Paris.
Puis la pandémie est passée par là, mettant un terme, provisoire, aux activités culturelles du kiosque du Franco-Libanais, qui continue cependant son travail, véritable tisseur de liens avec ses clients, ayant pour chacun d’entre eux un petit mot, partageant des moments de convivialité, si ce n’est d’amitié.
Entre-temps, une association, Village Niel, s’est créée autour de Bassam Gossain, que tout le monde appelle par son prénom, et des commerçants et habitants du quartier, réunissant désormais une centaine d’adhérents mobilisés autour de la dynamisation et de l’animation du quartier.
Alors, quand les conditions ont été de nouveaux réunies, la machine s’est remise en marche. Et le célèbre tableau de Marc Chagall, Ponts sur la Seine, de trôner au milieu des magazines du kiosquier. À côté se trouvent des lithographies, et dans des tentes dressées pour l’occasion, en face, à côté du buffet, une collection d’affiches originales de Marc Chagall, sur le thème de la musique, de la ville de Paris, de l’amour ou de la maternité.
«Nous connaissons des sources de prêt, nous connaissons des disponibilités d’œuvres d’art, les œuvres exposées appartiennent à des collectionneurs privés», explique Gérard Bosio, sans plus de détails.
La prochaine exposition dans «cette minirépublique – non autonome – de la place Aimé-Maillart» selon les termes du maire du XVIIe arrondissement, Geoffroy Boulard, sera consacrée au Liban, que Bassam Gossain a quitté il y a plus de trente ans, en pleine guerre civile.