WASHINGTON : Après son coup de force au Congrès, l'aile gauche du parti démocrate affichait dimanche un ton conciliant, se disant prête à des compromis avec les centristes pour réussir à concrétiser les promesses d'investissements massifs de Joe Biden.
Les discussions s'annoncent toutefois longues et risquées pour le président américain, qui veut dépenser des sommes titanesques pour moderniser à la fois les infrastructures du pays et son Etat-providence.
"Nous travaillons sur ce qui est probablement le dispositif légal le plus important depuis le New Deal", a relevé dimanche le sénateur Bernie Sanders, figure de la gauche américaine, en référence au plan d'investissements massifs adopté dans les années 1930 pour sortir les Etats-Unis de la Grande Dépression.
"C'est énorme et on n'y arrivera pas en une nuit", a-t-il ajouté sur NBC. "La question est de savoir si les démocrates peuvent se rassembler, et je pense que oui."
Dimanche soir, l'ancien président Donald Trump, qui conserve une aura importante à l'intérieur du Parti républicain, a agité le programme en épouvantail.
"Le plan démocrate, s'il est approuvé à quelque niveau que ce soit, poussera notre pays vers le socialisme!", a-t-il déclaré dans un communiqué.
Le Congrès travaille sur deux plans distincts, au coeur du programme de Joe Biden.
Le premier, qui jouit d'un large soutien y compris chez les républicains, vise à investir 1.200 milliards de dollars dans les routes, ponts, écoles ou réseau internet du pays.
Même s'ils sont favorables à ces dépenses, les démocrates de l'aile gauche ont refusé cette semaine de les voter, faute de garantie de voir aboutir aussi l'autre volet des investissements promis, dans le secteur social et environnemental.
Leur objectif? Mettre la pression sur quelques sénateurs démocrates modérés dont les voix seront indispensables pour adopter ces réformes mais qui renâclent aujourd'hui devant le montant de la facture: 3.500 milliards de dollars.
L'une de ces élus, Kyrsten Sinema, a dénoncé samedi un "coup de force inutile" et "inexcusable" de la part de ses confrères.
«Point de départ»
Après ce bras de fer, l'heure est désormais au compromis au sein du parti.
Selon Bernie Sanders, son collègue au Sénat Joe Manchin, l'un des principaux réfractaires, est prêt à voter des dépenses de l'ordre de 1.500 milliards de dollars, "un bon point de départ".
Sans révéler ce qui serait un montant acceptable pour eux, les élus de gauche ont expliqué dimanche comment ils allaient essayer d'alléger la facture.
"Une des idées qui circulent est que certaines dépenses pourraient être financées sur cinq ans plutôt que dix", a expliqué Alexandria Ocasio-Cortez, une figure du mouvement progressiste.
"On va trouver un accord", a poursuivi, optimiste, la jeune star démocrate sur CBS, en soulignant que certaines dépenses étaient non négociables -- notamment dans le domaine de la lutte contre le réchauffement climatique.
"On va aussi regarder les plus petites mesures pour voir si elles ont toutes besoin d'être dans le texte", a ajouté sa consoeur Pramila Jayapal. "Cela devrait aussi retirer une somme non négligeable."
Selon elle, il faudra avancer avec prudence pour "ne perdre en route" aucun des 50 sénateurs démocrates, le parti n'ayant aucune réserve de voix à la chambre haute.
«Artificielle»
Face à l'ampleur de la tâche, tous ont refusé de s'engager sur la durée attendue des pourparlers, relativisant l'objectif du 31 octobre évoqué samedi par la présidente démocrate de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, pour soumettre à un vote la loi sur les infrastructures.
"On ne va pas fixer une date-butoir artificielle", a assuré le conseiller présidentiel Cedric Richmond, interrogé sur Fox News. "Ce qui nous intéresse, c'est de réussir."
La veille, Joe Biden, qui joue beaucoup dans ces dossiers, a promis de sillonner le pays et de "travailler dur" pour réunir ses troupes et faire adopter ces mégaplans d'investissements. "Je crois que je peux y arriver..."
Le président américain se rendra mardi dans le Michigan pour tenter de rallier l'opinion publique à son plan, a indiqué la Maison Blanche dans un communiqué, arguant qu'il s'agit d'"investir dans les familles de travailleurs... en abrogeant les cadeaux fiscaux aux riches".
Son travail ne s'arrête pas là: ces tractations s'ajoutent à celles, plus urgentes encore, qui concernent le relèvement du plafond de la dette -- une procédure budgétaire longtemps considérée comme un détail technique mais désormais prisonnière des clivages partisans.
Si ce plafond n'est pas relevé ou suspendu d'ici le 18 octobre, les Etats-Unis pourraient se retrouver en défaut de paiement sur les marchés, une situation inédite aux conséquences imprévisibles.