WASHINGTON: Il lui faut réussir le "home run", le coup gagnant des joueurs de baseball: Joe Biden se démène pour sauver ses grandes réformes économiques et sociales, et la solvabilité des Etats-Unis, menacées par une guerre fratricide entre démocrates.
Nous sommes mercredi, le 29 septembre 2021, les Etats-Unis sont alors, en théorie, à moins de quarante-huit heures d'un "shutdown", une asphyxie financière des services fédéraux. Et le président américain est... dans un stade de baseball.
Joe Biden a sorti son plus grand sourire et sa casquette pour un match de gala entre parlementaires démocrates et républicains.
Le démocrate de 78 ans serre des mains, il distribue des bâtonnets de crème glacée marqués du sceau présidentiel, il va du camp démocrate au banc républicain. On le voit aussi pendu à son téléphone, tout comme la cheffe démocrate de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi.
Le moment est critique. Le Congrès américain doit démêler trois pelotes plus embrouillées les unes que les autres.
Le plus facile -c'est dire- est d'éviter le "shutdown". Ce qui a été fait jeudi, après un vote en ce sens.
Mais les parlementaires doivent encore écarter le risque d'un défaut de paiement des Etats-Unis, qui menace dès le 18 octobre, ce qui implique un autre vote.
Et faire passer deux monumentales réformes de Joe Biden, avec une très mince majorité pour le camp démocrate.
L'une, classique, consiste à construire des ponts, rénover des routes, développer des stations de recharge pour voitures électriques...
L'autre volet est plus ambitieux. Dans un pays où, historiquement, affronter les aléas de la vie est une affaire individuelle et un souci de philanthrope, le président veut engager des milliers de milliards de dollars pour refonder le système de prestations sociales.
L'opposition républicaine, en ordre de bataille pour les législatives de 2022, et qui se transforme en machine de guerre pour une candidature de Donald Trump à la présidentielle de 2024, ne lâche rien.
« Home run »
Quant aux démocrates, ils se déchirent, entre partisans de la retenue budgétaire, et élus prêts à ouvrir les vannes pour muscler l'Etat-providence.
Joe Biden, face à cette guerre fratricide, est enfin descendu dans l'arène, lui à qui certains parlementaires reprochaient de ne pas s'impliquer assez.
Il a reçu des élus démocrates dans le Bureau ovale, leur a offert des cookies - frappés aussi du sceau présidentiel, car la Maison Blanche n'échappe pas à la passion américaine du produit dérivé.
Ce président à la bonhomie affichée a été sénateur pendant des décennies et peu connaissent aussi bien que lui le jeu parlementaire.
Mais la politique telle que Joe Biden l'a pratiquée existe-t-elle encore?
C'est ce que veut croire la Maison Blanche. Jeudi, sa porte-parole Jen Psaki a dit et répété que les tractations du moment n'avaient rien d'alarmant, qu'il s'agissait d'avancer "heure par heure".
Elle a ressorti sa métaphore favorite, comparant le processus législatif à la "fabrication d'une saucisse", une opération pas forcément ragoûtante.
La porte-parole de la Maison Blanche tente aussi de détendre l'atmosphère.
Mercredi, elle a comparé les soubresauts parlementaires à "une série télévisée".
Jen Psaki a espéré que tout finisse bien comme dans la célèbre production "A la Maison Blanche" ("The West Wing" en version originale), avec son président charismatique entouré d'un staff dévoué.
La porte-parole a toutefois blagué sur le fait que tout pourrait mal tourner comme dans une autre série encensée par la critique, "Veep". Cette création, autour d'une vice-présidente aussi arriviste que grossière, est une satire féroce.
Et le match de baseball? Les républicains ont gagné, grâce entre autres à un spectaculaire "home run", un coup presque parfait, de Greg Steube, représentant de l'Etat de Floride. Lequel était coiffé, quand il ne portait pas son casque de protection, d'une casquette rouge "Save America", portant la signature de Donald Trump.