WASHINGTON: Une bataille fratricide entre démocrates a forcé jeudi le report d'un vote au Congrès américain pour valider le vaste plan d'investissements dans les infrastructures voulu par Joe Biden.
Le président démocrate s'était réjoui plus tôt dans la soirée d'avoir décroché un succès, en signant une loi de finances temporaire, qui a permis in extremis aux Etats-Unis d'éviter la paralysie des services fédéraux (surnommée "shutdown").
Ce texte prolongeant le budget actuel jusqu'au 3 décembre a été adopté par la Chambre des représentants et le Sénat avec des majorités confortables.
L'adoption "de cette loi nous rappelle que la coopération entre partis est possible", s'est réjoui Joe Biden, qui aime à rappeler ses longues années passées au Sénat et vanter ses talents de négociateurs.
"Il y a encore tellement à faire", a toutefois souligné le président, qui fait notamment face à la menace d'un défaut historique des Etats-Unis si le Congrès ne relève pas la limite d'endettement du pays avant le 18 octobre.
Il n'aura effectivement pas pu savourer ce succès longtemps.
Après des heures de négociations frénétiques en coulisses, le vote pour approuver définitivement son projet historique d'investir 1.200 milliards de dollars dans les infrastructures chancelantes américaines a été reporté sine die au Congrès.
La séance a été ajournée jusqu'à vendredi matin, lorsque les négociations se poursuivront afin de tenter de réconcilier les démocrates autour de ce plan de 1.200 milliards de dollars et d'un gigantesque projet de reformes sociales défendu par Joe Biden.
"Il y a eu beaucoup d'avancées cette semaine et nous sommes plus proches que jamais d'un accord", a réagi la porte-parole de la Maison Blanche Jen Psaki. "Mais nous n'y sommes pas encore parvenus et nous allons donc avoir besoin de plus de temps pour finir le travail".
Le plan d'investissements dans les infrastructures, l'un des plus importants de l'histoire américaine, avait été approuvé par le Sénat début août avec, fait rare, le soutien d'un tiers des républicains en plus des démocrates.
La présidente démocrate de la Chambre Nancy Pelosi s'était engagée à organiser un vote définitif cette semaine auprès des élus centristes, soucieux de valider au plus vite ce projet très populaire auprès des électeurs.
Mais l'aile gauche du parti avait promis de faire échouer ce vote, furieuse de ne pas avoir reçu l'engagement clair de la part de sénateurs centristes --Kyrsten Sinema et Joe Manchin-- qu'ils approuveraient à leur tour le volet social, d'un montant titanesque de 3.500 milliards de dollars.
S'ils contrôlent le Congrès, la majorité démocrate au Sénat est si courte que toute défection peut anéantir les chances de passage de ce texte.
Le ton particulièrement agressif de certains parlementaires jeudi soir ne semblait pas augurer de négociations faciles vendredi.
Mais Nancy Pelosi, vétéran du Congrès et experte en tractations parlementaires, n'a pas jeté l'éponge.
L'administration Biden avait tenté de préparer l'opinion publique à ce report.
"Il ne s'agit pas d'un cataclysme majeur s'il n'y a pas de vote aujourd'hui", avait déclaré sur CNN la ministre de l'Energie Jennifer Granholm.
Pourtant, le temps presse: les démocrates risquent de perdre leurs majorités lors des élections parlementaires de novembre 2022.
Terre inconnue
En parallèle de cette guerre intestine, le Congrès doit se mettre d'accord pour relever ou suspendre le plafond de la dette au plus vite.
Un défaut de la première puissance mondiale jetterait la finance internationale en terre inconnue.
Bien conscients du danger, républicains et démocrates ne parviennent pas à se mettre d'accord sur la façon de l'éviter.
Dans un Congrès profondément divisé, le sujet est devenu hautement politique, car l'opposition a sciemment lié la question de la dette au programme de Joe Biden dont elle dénonce le coût exorbitant, à leurs yeux.
Les républicains refusent donc absolument de participer à toute mesure visant à relever le plafond de la dette. Or, ils disposent d'une minorité de blocage au Sénat.
Les démocrates rétorquent que seule une infime partie de cette dette a été accumulée sous le mandat du 46ème président des Etats-Unis. Et qu'il s'agit en fait de payer les "cartes de crédit" de Donald Trump et des précédents présidents.
Aucune issue n'apparaît pour l'instant évidente.