PARIS: Une centaine d'économistes, dont Thomas Piketty, dénoncent l'entrée en vigueur de la réforme de l'assurance chômage le 1er octobre, estimant qu'elle va "fortement diminuer les droits des chômeurs", dans une tribune parue dans Le Monde jeudi.
"Nous nous opposons fermement à la mise en œuvre de cette réforme que nous jugeons inefficace, injuste et punitive", écrivent ces économistes, dont Aurélie Trouvé, porte-parole de l'ONG Attac, ou Henri Sterdyniak, membre des Économistes atterrés.
Selon les signataires de cette tribune, la réforme va concerner "de très nombreux allocataires de l'assurance-chômage, en diminuant drastiquement le montant des allocations dans un contexte de crise sans précédent", en particulier ceux ayant eu des périodes d'emploi non contiguës.
Selon une évaluation en avril de l'Unédic, jusqu'à 1,15 million des personnes ouvrant des droits dans l'année suivant l'entrée en vigueur de la réforme toucheraient une allocation mensuelle plus faible (de 17% en moyenne), avec dans le même temps une "durée théorique d'indemnisation" allongée (14 mois en moyenne contre 11 avant la réforme).
"La thèse que la dégradation des règles de l'assurance-chômage aurait des effets favorables sur l'emploi est un parti pris idéologique", peut-on lire dans la tribune.
"L'effet d'une telle dégradation serait de contraindre les chômeurs à accepter n'importe quel emploi au plus vite, à bas salaire et aux mauvaises conditions de travail, au mépris de l'efficacité économique et sociale", accusent ses auteurs.
Ils rejettent également "le mythe des emplois vacants non pourvus", mis en avant par le gouvernement et les entreprises, qui rencontrent des difficultés de recrutement en cette période de sortie de crise.
"Pôle emploi comptabilise 300 000 offres d'emploi non pourvues, ce qui est très peu", relèvent-ils, alors que la France compte 5,88 millions de demandeurs d'emplois de catégorie A, B et C (incluant ceux qui ont une activité réduite).
Les auteurs soulignent aussi que, si le chômage n'a pas explosé pendant la crise, il "perdure à un niveau particulièrement élevé".
"Rien ne justifie la mise en œuvre de cette réforme. Elle a pour seul objectif de faire des économies – plus de 2 milliards d'euros – au prix d'une augmentation de la pauvreté des chômeurs et de leurs familles", concluent-ils.
Le décret durcissant au 1er octobre le calcul de l'allocation chômage est paru jeudi au Journal officiel. Son entrée en vigueur était prévue en juillet, mais avait été repoussée par une décision du Conseil d’État, après une première suspension du fait de la crise sanitaire.