REYKJAVIK: L'Islande est de retour aux urnes samedi après un mandat d'une inédite coalition gauche-droite, parvenue à mettre un terme aux crises et aux scandales mais qui risque de perdre sa majorité face à l'éparpillement politique.
La formation d'une nouvelle alliance risque de faire remonter la température au pays du feu et de la glace - 370 000 habitants dont 255 000 électeurs - théâtre depuis six mois d'une longue éruption volcanique visible depuis la capitale Reykjavik.
Cheffe d'un mouvement de gauche écologiste qui n'avait jamais jusqu'alors dirigé l'Islande, la Première ministre Katrin Jakobsdottir est en difficulté pour décrocher un deuxième mandat dans un paysage politique plus morcelé que jamais.
"Cela a été une bonne campagne", a-t-elle déclaré en votant samedi matin dans une école de Reykjavik.
"Les intentions de vote n'ont pas été favorables pour mon parti mais elles semblent remonter et c'est ce que je ressens en rencontrant les gens à travers le pays", a confié la locataire de Stjórnarrádid, la modeste maison blanche où siègent les chefs de gouvernement islandais.
Record de partis
Un record de neuf partis sur les dix en lice devraient se partager les sièges de l'Althingi - le Parlement plus que millénaire -, rendant particulièrement illisible l'alliance gouvernementale qui pourrait en ressortir, avec un grand nombre de coalitions envisageables selon les analystes.
"C'est difficile pour les politiciens mais je trouve que c'est mieux d'avoir tout le monde à la table", dit Thorsteinn Thorvaldsson, un électeur de 54 ans.
Les sondages sont serrés: certains donnent à la coalition sortante une très courte majorité, d'autres prédisent son échec.
Avec 33 élus sur 63, cette alliance de deux bords unit le Parti de l'indépendance (conservateur, 16 sièges) du vieux routier de la politique islandaise Bjarni Benediktsson, le Parti du progrès (centre-droit, 8 sièges) de Sigurður Ingi Jóhannsson et le mouvement Gauche-Verts de Mme Jakobsdottir (passé de 11 à 9 sièges après deux défections).
Depuis 2017 cette dernière a rendu les impôts plus progressifs, investi dans le logement social et étendu le congé parental. Sa gestion de la Covid - 33 morts seulement - a été saluée.
Mais cette rare écologiste de gauche au pouvoir a aussi dû faire des renoncements pour sauvegarder sa coalition, comme sa promesse de créer un parc national dans le centre d'un pays aux 32 systèmes volcaniques actifs et 400 glaciers, aux portes de l'Arctique.
Son parti navigue autour de 10-12% dans les sondages et risque de perdre plusieurs sièges au terme d'une campagne éclectique, entre après-Covid, climat et débats fiscaux.
"Beaucoup de partis menacent d'augmenter les impôts et ce n'est pas une bonne chose: nous en avons déjà trop!", a affirmé Jon Sigurdsson, un entrepreneur de 47 ans, en allant voter tôt samedi.
C'est la deuxième fois seulement depuis la crise financière de 2008 qui avait ruiné les banques islandaises qu'un gouvernement va au terme de son mandat.
Sur fond de défiance à l'égard de la classe politique héritée de l'effondrement financier et de scandales à répétition, cinq élections législatives avaient eu lieu entre 2007 et 2017 dans le pays, non membre de l'Union européenne.
Le Parti de l'indépendance, qui oscille entre 20 et 24% d'intentions de vote, risque lui aussi de perdre des sièges mais semble assuré de rester la plus large formation politique.
Héritier d'une famille qui a régné sur la droite islandaise, son dirigeant, l'ex-Premier ministre et actuel ministre des Finances Bjarni Benediktsson a survécu à plusieurs scandales, dont celui des Panama Papers en 2016.
"Bien sûr si c'est notre destin d'offrir l'opposition nécessaire au nouveau gouvernement, nous le ferons. Mais nous sommes de loin le plus grand parti et je suis optimiste", a confié samedi celui qui affronte son cinquième scrutin.
«Mêlée générale»
Derrière lui, pas moins de cinq formations politiques sont créditées de 10 à 15% des voix: outre le mouvement Gauche-Verts et le Parti du progrès - en position de ravir la deuxième place - on retrouve l'Alliance social-démocrate (gauche), les Pirates (libertaire) et Réforme (centre-droit). Le nouveau Parti socialiste islandais devrait faire une percée.
"Il n'y a pas d'alternative claire à ce gouvernement. S'il tombe (...) alors c'est juste une mêlée générale et la création d'une nouvelle coalition", souligne le politologue Eiríkur Bergmann.
Les premiers résultats partiels seront connus vers 22H30 GMT, mais l'émergence d'une majorité nécessitera certainement plus qu'une nuit de dépouillement.