PARIS: La suppression de près de 600 postes prévue par Arianegroup vise à donner un "coup de fouet de compétitivité" pour que la fusée Ariane 6 puisse concurrencer les lanceurs américains, explique son président André-Hubert Roussel.
Le constructeur des fusées Ariane a annoncé jeudi aux organisations syndicales son projet de supprimer 600 postes répartis entre la France et l'Allemagne d'ici à la fin 2022.
Ce plan de départs volontaires, qui ne prévoit aucune fermeture de site, représente un peu moins de 8% des effectifs de l'entreprise.
"On souhaite réduire les coûts fixes pour pouvoir être plus compétitifs sur les activités d'Ariane 6, qui est parfaitement adaptée en matière de performance" mais pas de prix, explique dans un entretien à l'AFP le président exécutif d'Arianegroup.
Lors du lancement du projet en 2014, les perspectives de lancements annuels étaient de 11 tirs par an. Depuis, la concurrence livrée par les lanceurs américains ULA et surtout SpaceX s'est exacerbée et les besoins ont été revus à la baisse, mettant en danger l'équilibre économique de la fusée, dont le tir inaugural doit avoir lieu au deuxième trimestre 2022.
"Le plan de réduction des effectifs vise à redonner un coup de fouet de compétitivité pour casser ce cercle vicieux – on n'est pas compétitif, donc on ne gagne pas de contrats, donc il y a moins d’activité, donc on ne parvient pas à absorber nos coûts et du coup on est obligé d'augmenter les prix", justifie-t-il.
En contrepartie, l'Agence spatiale européenne (ESA) a acté en août un soutien supplémentaire obtenu à la suite d'un accord franco-allemand.
À l'issue des 15 premiers lancements dont le financement est déjà assuré, elle s'engage à un soutien financier de 140 millions d'euros par an pendant trois ans pour permettre qu'Ariane 6 atteigne l'équilibre financier avec sept tirs par an, dont quatre garantis pour les propres besoins institutionnels européens.
"Ces conditions permettent d'être compétitif sur le marché commercial avec des moyens similaires à ce qu'offrent la Nasa et le département de la Défense américain à leurs lanceurs", selon M. Roussel.
"L'ESA nous permet de faire une partie du chemin, il faut qu'on fasse l’autre partie du chemin et éviter d'être trop cher", argue-t-il.
Vinci en Allemagne, Prometheus à Vernon
Dans le cadre de son plan de maîtrise des coûts, Arianegroup va également transférer son siège social de Paris vers Les Mureaux, où se situent les usines d'assemblage des fusées Ariane.
Le constructeur va par ailleurs transférer la production du Vinci, le moteur réallumable de l'étage supérieur du lanceur, de Vernon (Eure) vers un site d'Arianegroup en Allemagne.
Cette décision s'intègre dans l'accord conclu entre le ministre de l'Économie Bruno Le Maire et son homologue Peter Altmaier et reflète la montée en puissance de l'Allemagne dans l'Europe spatiale.
Ce transfert de production n'a rien à voir avec le plan de réduction des effectifs et prendra "quelques années", assure André-Hubert Roussel. Il vise à "concentrer l’étage supérieur et sa propulsion en Allemagne et l'étage principal et la grosse propulsion qui l'équipe en France".
La production du moteur de l'étage principal, le Vulcain, restera à Vernon.
"Prometheus, développé à Vernon, est un moteur lourd de la classe 100 tonnes de poussée, comme le Vulcain, il a tout à fait vocation à rester à Vernon. Les investissements annoncés par le gouvernement français vont tout à fait dans ce sens", affirme-t-il.
Le président français Emmanuel Macron a annoncé en janvier un financement de 15 millions d'euros dans le cadre du volet spatial du plan de relance afin de "gagner un an" dans la mise au point de ce moteur moins coûteux et réutilisable.
Et le ministre de l'Economie a annoncé vendredi 40 millions d'euros d'investissements supplémentaires pour Prometheus à Vernon destinés à adapter les bancs d'essai au méthane, un carburant envisagé pour alimenter le moteur.
"A horizon 2024-2025, c'est plus d'emplois que nous voulons sur le site de Vernon après le départ du moteur Vinci", a affirmé Bruno Le Maire sur Pubic Sénat, évoquant "un solde positif d'une centaine d'emplois à peu près".