NATIONS UNIES, ETATS-UNIS: La France a remis la pression sur la relation transatlantique jeudi, au lendemain de "l'explication" entre Emmanuel Macron et Joe Biden, martelant que la crise avec les Etats-Unis n'était pas terminée et que Washington devait encore donner des gages de confiance.
La sortie de crise va prendre du "temps" et réclamer des "actes", a lancé le chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian à son homologue américain Antony Blinken lors d'un tête-à-tête en marge de l'Assemblée générale des Nations unies à New York.
La rencontre, qui a eu lieu dans les locaux de la mission diplomatique française auprès de l'ONU au 44e étage d'un immeuble new-yorkais, a duré environ une heure.
Elle s'est tenue dans la plus grande discrétion, à l'abri des micros et des caméras, Paris ayant refusé jusqu'à la dernière minute de la confirmer.
Depuis le début de la semaine, le ministre français, après avoir eu des mots très durs à l'égard des Etats-Unis, refusait tout entretien bilatéral avec son homologue dans les couloirs de l'ONU.
La France est ulcérée depuis l'annonce surprise le 15 septembre d'un partenariat stratégique entre les Etats-Unis, l'Australie et le Royaume-Uni, avec pour effet collatéral l'annulation pure et simple d'un mégacontrat de sous-marins français à Canberra.
Retour à la normale?
Elle dénonce des méthodes d'un autre âge entre alliés, au sein de l'Otan comme en Indo-Pacifique, et réclame plus de respect pour les intérêts européens.
Joe Biden et Emmanuel Macron ont esquissé une détente mercredi, dans la crise diplomatique la plus grave entre ces deux alliés historiques depuis le "non" français à la guerre d'Irak en 2003.
Le président américain a semblé faire son mea-culpa en convenant que des "consultations ouvertes" auraient "permis d'éviter cette situation".
Il a concédé que la France et l'UE avaient un rôle à jouer en Indo-Pacifique - face aux ambitions chinoises, priorité numéro des Etats-Unis - et que la défense européenne avait toute sa place, dans la sécurité transatlantique", au côté de l'Otan.
Le président américain a dans la foulée émis l'espoir d'un "retour à la normale" dans la relation avec Paris.
Mais le président Macron, lui-même bousculé par le retour du débat anti-atlantiste en France, à sept mois de la présidentielle, a visiblement une autre approche sur le temps de la crise.
Première étape
L'appel des deux chefs d'Etats n'était qu'une "première étape", a pointé Jean-Yves Le Drian. Ce qui s'est passé reste "grave" et nécessite des réponses concrètes, explique-t-on à Paris, en réfutant toute "réaction d'humeur".
Les deux présidents ont lancé des "consultations approfondies" entre les deux pays pour renouer les fils de la "confiance". Ils doivent se retrouver fin octobre en Europe, où le président américain est attendu au sommet du G20 à Rome les 30 et 31.
A charge d'ici là pour leurs chefs de la diplomatie, qui ont convenu de maintenir un "contact étroit" selon Paris, de déblayer le terrain.
Les deux ministres ont échangé sur la stratégie en Indo-Pacifique et "le besoin d'une coopération étroite avec la France et les autres alliés européens dans la région", a résumé de son côté le département d'Etat dans un communiqué très factuel.
Rien n'a filtré sur l'ambiance du tête-à-tête. Jusqu'alors, les relations étaient très cordiales et chaleureuses entre Jean-Yves Le Drian et son homologue, un francophile et francophone ayant vécu adolescent à Paris.
S'il a finalement rencontré Antony Blinken, Jean-Yves Le Drian a en revanche soigneusement évité les ministres des Affaires étrangères des deux autres protagonistes de la crise, le Royaume-Uni, qui a réclamé en vain une rencontre avec sa nouvelle ministre, et l'Australie.
Et si l'ambassadeur de France à Washington, rappelé en signe de protestation, doit retrouver la capitale fédérale la semaine prochaine, Canberra n'a toujours pas de date pour le retour du représentant français.