ALGER: Les deux poids lourds du Maghreb, l'Algérie et le Maroc, entretiennent depuis des décennies des relations difficiles en raison de l'épineux dossier du Sahara occidental, seul territoire du continent africain dont le statut post-colonial reste en suspens.
Le conflit du Sahara occidental oppose le Maroc aux indépendantistes du Front Polisario, soutenus par l'Algérie, depuis le départ du colonisateur espagnol dans les années 1970. Rabat, qui contrôle près de 80% du territoire, propose un plan d'autonomie sous sa souveraineté.
Rupture
Le 7 mars 1976, Rabat rompt ses relations diplomatiques avec l'Algérie après la reconnaissance par Alger de la "République arabe sahraouie démocratique (RASD)", autoproclamée par le Front Polisario.
Dès 1963, une "guerre des sables" avait opposé les deux voisins après plusieurs incidents frontaliers et leurs relations s'étaient gravement détériorées avec la "Marche verte" de 350 000 Marocains en direction du Sahara occidental en 1975.
Accord sur une libre circulation
Le 26 février 1983, le roi Hassan II et le président algérien Chadli Bendjedid se retrouvent en tête-à-tête à la frontière.
En avril, la libre circulation est rétablie pour les résidents des deux pays et, en mai, un accord sur la libre circulation progressive des personnes et des biens ainsi que l'ouverture des lignes aériennes et ferroviaires est signé.
Reprise des relations
Le 11 juillet 1987, le ministre algérien des Affaires étrangères rencontre Hassan II. Le 22 novembre, c'est au tour du chef de la diplomatie marocaine de se rendre à Alger.
Le 16 mai 1988, Alger et Rabat annoncent la reprise de leurs relations diplomatiques. Le 5 juin, leurs frontières respectives sont officiellement rouvertes.
Le 7 juin, Hassan II effectue sa première visite à Alger depuis 15 ans, où il participe à un sommet arabe extraordinaire.
Début février 1989, la visite du président Bendjedid à Ifrane (nord-est marocain), la première d'un chef d'Etat algérien au Maroc depuis 1972, scelle la réconciliation. Un accord est conclu pour un projet de gazoduc devant relier l'Algérie à l'Europe, à travers le Maroc.
En juin 1992, la promulgation par Rabat de la convention de juin 1972 met fin aux problèmes frontaliers à l'origine de la "guerre des sables".
Fermeture des frontières
Mais, le 16 août 1994, les déclarations du président algérien Liamine Zeroual selon lesquelles il reste en Afrique "un pays illégalement occupé" -allusion au Sahara occidental- sont très mal perçues à Rabat.
Le 26 août, le Maroc instaure un visa d'entrée pour les Algériens après l'attaque d'un hôtel de Marrakech où deux touristes espagnols ont été tués par des islamistes franco-maghrébins. Rabat accuse des services de sécurité algériens d'être derrière l'attentat.
L'Algérie ferme sa frontière avec le Maroc.
Le 25 juillet 1999, le président Abdelaziz Bouteflika assiste aux obsèques de Hassan II à Rabat. Mais ce début de réconciliation est brutalement freiné le 15 août après un massacre qui fait 29 morts dans le sud-ouest algérien. Bouteflika accuse le Maroc de faciliter l'infiltration d'islamistes armés.
Léger dégel
En mars 2005, une série de rencontres entre le président Bouteflika et le roi Mohammed VI marque un "dégel".
En juillet 2011, le roi se prononce pour la réouverture des frontières terrestres et une normalisation des relations. M. Bouteflika affirme quelques mois plus tard sa volonté d'oeuvrer au "raffermissement" des relations deux pays.
En décembre 2019, le roi Mohammed VI appelle à ouvrir une "nouvelle page" dans un message de félicitations au nouveau président algérien Abdelmadjid Tebboune.
Normalisation Israël-Maroc
En décembre 2020, l'Algérie dénonce des "manoeuvres étrangères" visant à la déstabiliser et pointe du doigt Israël après la reconnaissance par les Etats-Unis de la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental, en contrepartie d'une normalisation des relations de Rabat avec l'Etat hébreu.
"Le conflit du Sahara occidental est une question de décolonisation qui ne peut être résolue qu'à travers l'application du droit international", réaffirme Alger.
Nouvelles tensions
Le 18 juillet 2021, Alger rappelle son ambassadeur à Rabat pour "consultations". Un diplomate marocain a exprimé son soutien au séparatisme kabyle, en réaction à l'appui apporté par Alger aux indépendantistes sahraouis. Une ligne rouge pour Alger qui s'oppose à toute velléité indépendantiste de la Kabylie, région berbérophone du nord-est de l'Algérie.
Le 31 juillet, Mohammed VI réitère son appel à rouvrir les frontières terrestres.
Le 18 août, Alger annonce "revoir" ses relations avec le Maroc, accusé d'être impliqué dans les incendies meurtriers qui ont ravagé le nord du pays.
Nouvelle rupture
Le 24, Alger rompt ses relations diplomatiques avec le Maroc, en raison "d'actions hostiles" du royaume.
Rabat regrette une décision "complétement injustifiée" et rejette "les prétextes fallacieux, voire absurdes, qui la sous-tendent".
Le 22 septembre, l'Algérie décrète la fermeture "immédiate" de son espace aérien à tous les avions marocains.