Saleh Barakat: «Le Liban a encore beaucoup à offrir dans le secteur de l’art»

Les espaces Agial, établi à Beyrouth en 1990, et Saleh Barakat Gallery, un espace de 900 m² inauguré en 2016 également à Beyrouth, sont devenus, sous la direction de Saleh Barakat, de véritables institutions artistiques. (Photo fournie)
Les espaces Agial, établi à Beyrouth en 1990, et Saleh Barakat Gallery, un espace de 900 m² inauguré en 2016 également à Beyrouth, sont devenus, sous la direction de Saleh Barakat, de véritables institutions artistiques. (Photo fournie)
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Publié le Lundi 20 septembre 2021

Saleh Barakat: «Le Liban a encore beaucoup à offrir dans le secteur de l’art»

  • «J’ai choisi une ligne directrice pour la galerie, qui est la défense de l’école ou l’approche classique de l’art»
  • À l’occasion de ses trente ans d’existence sur le marché et la scène artistique libanaise, Saleh Barakat a sélectionné plus d’une centaine d’œuvres issues de ses archives ainsi que divers catalogues d’expositions qu’il met  à la disposition du public

PARIS: Il s’est imposé dans son domaine grâce à son professionnalisme, son énergie et son intérêt grandissant pour les artistes libanais. Ses espaces Agial, établi à Beyrouth en 1990, et Saleh Barakat Gallery, un espace de 900 m² inauguré en 2016 également à Beyrouth, sont devenus, sous sa direction, de véritables institutions artistiques.

 

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Saleh Barakat: Au niveau régional, il y a un intérêt grandissant pour l’art et la culture et cela va continuer dans les années à venir. (Photo fournie)

 

À l’occasion de ses trente ans d’existence sur le marché et la scène artistique libanaise, Saleh Barakat a sélectionné plus d’une centaine d’œuvres issues de ses archives ainsi que divers catalogues d’expositions qu’il met  à la disposition du public à l’espace Saleh Barakat Gallery.

Arab News en français a rencontré ce galeriste qui, en l’espace de quelques années, a réussi à s’imposer comme l’une des personnalités les plus influentes de la sphère artistique libanaise voire régionale.

 

Vous avez lancé votre premier espace, Agial, il y a trente ans à Beyrouth: comment cette aventure a-t-elle commencé?

En pleine guerre (1989), je me suis posé la question du départ du Liban. Devais-je rester ou partir? Fils unique, j’ai décidé de rester pour mes parents. Après réflexion, j’ai fait une étude de marché et j’ai constaté qu’en 1989, toutes les galeries de Beyrouth étaient fermées; il n’y avait plus que deux galeries fonctionnelles situées hors de Beyrouth (épreuves d’artistes et Alwan). Comme je poursuivais mon MBA et que je venais du monde des affaires, je me suis dit à l’époque qu’il y avait donc un manque à Beyrouth dans ce domaine et que je ne ferais face à aucune concurrence. J’ai donc dressé trois plans quinquennaux que j’ai suivis à la lettre: les cinq premières années, j’apprends le métier; durant les cinq années suivantes, je m’établis sur la scène artistique libanaise et dans la troisième séquence de cinq ans, je m’exporte.

Vous êtes une figure incontournable de la scène artistique libanaise voire régionale, quel est le secret de cette réussite?

En un mot, la passion. Je suis quelqu’un de passionné et d’érudit, je tiens aussi à faire mon travail méticuleusement. Comme j’ai voulu dès le départ défendre l’art libanais et régional, je me suis spécialisé dans cette niche précise et je ne fais pas autre chose, je crois que c’est ça, la clé de la réussite, c’est-à-dire bien connaître son métier, être érudit. Me concernant, j’insiste sur le mot «passion» parce que j’aime beaucoup faire et je considère que c’est une mission noble puisqu’il s’agit de défendre la culture, notamment celle de son pays ou de sa région.

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Quelles sont les caractéristiques de vos espaces/galeries?

Mes vingt-cinq premières années se sont passées à la galerie Agial puis, après vingt-cinq ans de carrière, j’avais assez d’expérience pour choisir un espace plus grand, d’autant plus que de nombreux grands espaces avaient fermé leurs portes et donc, je ne disposais plus de lieux pour faire de grandes expos annuelles ou semestrielles, comme j’avais pour habitude de faire. J’avais en outre déjà de très grandes artistes tels que Saloua Raouda Choucair, Michel Basbous, Gebran Tarazi et Nabil Nahas. J’ai donc fait en sorte d’avoir trois espaces; un petit espace que j’ai appelé «upper galerie» pour les petits projets bien définis; un espace moyen qui n’est autre que la galerie Agial et un plus grand espace qui permet de faire des rétrospectives des expositions qualitatives.

Selon quels critères choisissez-vous les artistes avec lesquels vous collaborez?

J’ai choisi une ligne directrice pour la galerie, qui est la défense de l’école ou l’approche classique de l’art parce qu’il y a l’art conceptuel, les installations, la vidéo, etc. mais moi, je suis plus intéressé par la peinture et la sculpture et quelque part, je choisis toujours des artistes qui, tout en étant conceptuellement forts dans leur tête, n’ont pas délaissé le «métier» au sens «artistique et manuel». Je tiens à des artistes qui sont vraiment dévoués à leurs émotions, qui défendent quelque chose de particulier dans l’art, qui sont très persévérants et qui font ce travail sur du long terme, ce qui veut dire je ne me précipite pas, à l’inverse d’aujourd’hui où nous recherchons souvent des jeunes qui ont une ascension très rapide. Je me projette plutôt sur le long terme, en misant sur des jeunes que je pousse et que j’encourage, et non pas forcement sur la réussite commerciale immédiate mais plutôt la construction d’une carrière sûre et pérenne.

À votre avis, quelles sont les exigences incontournables pour réussir dans ce métier?

Selon moi, l’érudition. Il faut connaître le métier et être absolument intransigeant par rapport au critère de qualité. Pour moi, l’art, c’est quelque chose de sérieux et de sacré. Ce n’est pas du décor quoiqu’il y ait certainement un aspect décoratif mais c’est surtout une expression du changement dans une société. L’art, c’est quelque chose comme la littérature, comme le théâtre, la musique, c’est quelque chose qui marque une époque et une société et dans ce sens, je suis intransigeant et exigeant à la fois.

Quel conseil donneriez-vous à des jeunes voulant devenir galeristes dans le monde arabe?

Lecture, lecture, lecture, connaissances, persévérance… Une vocation, il faut aimer, il faut être passionné par l’art, il faut établir de très bonnes relations avec les artistes, les écouter. Il faut avoir des conversations avec les artistes, suivre ce qui se passe à l’international, et bien entendu travailler énormément. On a tendance à croire qu’être galeriste, c’est ouvrir la galerie, accrocher des tableaux et attendre les clients. En réalité, c’est la partie la moins intéressante du travail, un galeriste qui réussit, c’est un travail de vingt-quatre heures sur vingt-quatre et de sept jours sur sept, notamment dans les relations humaines. Une galerie est un projet à long terme.

Comment voyez-vous l’avenir de ce secteur au Liban? Et dans la région?

Au niveau régional, il y a un intérêt grandissant pour l’art et la culture et cela va continuer dans les années à venir. En ce qui concerne le Liban, je travaille depuis quelques années déjà avec de nombreuses universités afin qu’il y ait des programmes utiles, intéressants, et une sensibilisation à ce secteur notamment vis-à-vis de l’art local et du patrimoine artistique libanais. Et je peux affirmer que c’est une réussite dans ce domaine même si nous pouvons certainement encore aller de l’avant. Cependant, la situation est liée à la stabilité économique et politique du pays parce que sans ces deux éléments, l’émigration va se poursuivre et nos meilleurs éléments vont continuer de partir. Mais j’essaye d’être positif et je suis convaincu que le Liban a encore beaucoup à offrir dans ce secteur.


Un écrivain saoudien attire une foule immense au Salon du livre de Rabat

Cet écrivain de 47 ans, né à Al-Hassa, a passé son enfance aux États-Unis avant de revenir au Royaume pour terminer ses études. (Photo fournie)
Cet écrivain de 47 ans, né à Al-Hassa, a passé son enfance aux États-Unis avant de revenir au Royaume pour terminer ses études. (Photo fournie)
Le ministre marocain de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication, Mohamed Mehdi Bensaid, a invité Osama al-Muslim à organiser des séances de dédicace dans plusieurs grandes villes marocaines. (Photo fournie)
Le ministre marocain de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication, Mohamed Mehdi Bensaid, a invité Osama al-Muslim à organiser des séances de dédicace dans plusieurs grandes villes marocaines. (Photo fournie)
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  • Son premier roman a été refusé par plus de vingt maisons d’édition, ce qui l’a poussé à l’imprimer et à l’autopublier à ses propres frais
  • Aujourd’hui, M. Al-Muslim a déjà publié trente-deux ouvrages, qui vont des séries épiques aux nouvelles

LA MECQUE: La présence de l’auteur saoudien Osama al-Muslim au Salon international de l’édition et du livre de Rabat a suscité l’intérêt des visiteurs de cet événement, qui se tient jusqu’au 19 mai.

La séance de dédicace du livre de M. Al-Muslim a attiré un très grand nombre d’amateurs, notamment des jeunes adultes et des adolescents. La direction du salon a dû écourter la cérémonie de dédicace afin d’éviter que se forme une trop grande foule.

L’écrivain de 47 ans, né à Al-Hassa, a passé son enfance aux États-Unis avant de revenir au Royaume pour terminer ses études. Il est diplômé du département de littérature anglaise de l’université du roi Faisal.

«Le Salon international de l’édition et du livre est l’une des expositions les plus prestigieuses et j’ai été heureux de m’y rendre pour la première fois afin de rencontrer mes chers lecteurs venus de toutes les régions et villes du Maroc», a confié M. Al-Muslim à Arab News.

«L’affluence a été remarquable, mais je n’ai malheureusement pas pu rencontrer la plupart des personnes présentes, ce qui m’a un peu attristé. Toutefois, il est désormais prévu, à l’aimable invitation du ministre marocain de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication, Mohamed Mehdi Bensaid, d’organiser des séances de dédicace dans plusieurs grandes villes marocaines afin de rencontrer le plus grand nombre possible de lecteurs», a-t-il ajouté.

M. Al-Muslim a évoqué ses origines en tant qu’écrivain, expliquant à quel point il était difficile de débuter dans le secteur. Son premier roman a été refusé par plus de vingt maisons d’édition, ce qui l’a poussé à l’imprimer et l’autopublier à ses propres frais.

«Je l’ai commercialisé moi-même par l’intermédiaire d’une petite boutique en ligne gérée par un jeune Saoudien. Ce qui est drôle, c’est qu’après le succès de la première édition, toutes les maisons d’édition qui avaient rejeté le roman m’ont contacté pour me demander de collaborer avec elles», a-t-il précisé.

Aujourd’hui, M. Al-Muslim a déjà publié trente-deux ouvrages, qui vont des séries épiques aux nouvelles. Plus de quinze de ses livres ont été traduits en anglais, et le reste est en cours de traduction.

«La première partie d’Arabistan Orchards Vergers d’Arabistan»] a été traduite en chinois, avec plus de 50 000 exemplaires imprimés, et des efforts sont en cours pour traduire les autres parties», a-t-il encore précisé.

«En ce qui concerne ma vision culturelle, je pense que les anciens modèles ne sont plus attrayants pour cette génération. Utiliser un langage difficile et complexe et mettre en avant ses compétences linguistiques et cognitives pour défier le lecteur n’est plus attrayant. Les lecteurs d’aujourd’hui ont besoin d’une histoire intéressante, tissée intelligemment et dans un langage fluide», a-t-il ajouté.

M. Al-Muslim n’a «jamais prêté attention aux critiques» parce qu’il connaissait «leurs expériences, leurs orientations et leurs idées».

«Si je les avais écoutés, j’aurais arrêté dès le premier jour. Ils veulent que tout le monde adopte leur point de vue et que personne ne s’écarte des méthodes qu’ils ont établies», a affirmé M. Al-Muslim.

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La séance de dédicace du livre de M. Al-Muslim a attiré une foule immense, notamment des jeunes adultes et des adolescents. (Photo fournie)

«Les histoires fantastiques que je présente allient vérité et imagination. Elles s’appuient sur notre héritage arabe et nos mythes, en particulier ceux de l’Arabie saoudite, plutôt que sur des histoires et des légendes globales qui ne nous appartiennent pas ou ne nous ressemblent pas. Par conséquent, les lecteurs s’attachent à ce genre parce qu’il est issu de leur environnement et qu’il est proche de leurs pensées, de leur personnalité et de leurs sentiments.»

«J’utilise un langage facile et fluide, mais avec une profondeur philosophique et cognitive. Ce style est considéré comme simple, mais il est apprécié et compris par les jeunes et les moins jeunes, et par toutes les couches de la société», a-t-il poursuivi.

En défiant les règles littéraires dépassées, Osama al-Muslim a dit espérer rester en phase avec les idées, les problèmes, les souhaits et les aspirations de la nouvelle génération, affirmant qu’il est «devenu proche d’elle» et qu’il la «comprend très bien».

«Il ne fait aucun doute que l’originalité de mes écrits et l’absence d’imitation offrent quelque chose de nouveau et d’inhabituel, ce qui suscite chez mes lecteurs de l’enthousiasme, de l’attachement et l’envie de découvrir de nouvelles choses», a-t-il indiqué.

L’auteur a évoqué ses projets d’adaptation à l’écran: «Oui, si Dieu le veut – MBC Group a acquis les droits de presque toutes mes publications pour les transformer en séries dramatiques et en films.»

«Environ 80% de la première partie de la série Arabistan Orchards a déjà été réalisée, avec des coûts de production considérés comme les plus élevés du genre fantastique arabe, dépassant les 30 millions de dollars (1 dollar = 0,92 euro).

«Le début du travail sur la trilogie Fear [«Peur»], mon œuvre la plus célèbre, a également été annoncé. En outre, nous envisageons de produire un film basé sur l’un de mes romans courts, que le groupe annoncera plus tard.»

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Des ONG mettent en garde Elon Musk contre une «punition collective» en cas de fermeture de Starlink au Soudan

Starlink de SpaceX est sous pression pour maintenir sa connexion depuis que le conflit a éclaté au Soudan en avril 2023. (AFP)
Starlink de SpaceX est sous pression pour maintenir sa connexion depuis que le conflit a éclaté au Soudan en avril 2023. (AFP)
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  • En août, un groupe de pirates informatiques appelé «Anonymous Soudan» a mis X hors ligne dans plus d’une douzaine de pays pour faire pression sur Elon Musk afin qu’il ouvre officiellement Starlink au Soudan
  • Ces derniers mois, l’entreprise a été au centre d’un débat public sur son rôle à assurer la liaison entre les zones ravagées par la guerre à travers le monde

LONDRES: Le fondateur de Starlink, Elon Musk, a été invité à ne pas fermer le service Internet par satellite au Soudan, car cela pourrait «punir collectivement» des millions de Soudanais. 

Dans un appel au milliardaire américain, près de cent organisations humanitaires, de la société civile, de défense des droits humains et de membres de la coalition #KeepItOn ont souligné le rôle essentiel que joue Starlink en tant que bouée de sauvetage pour les organisations sur le terrain opérant dans ce pays africain ravagé par la guerre. Ils préviennent que l’interruption du service pourrait avoir des conséquences fatales. 

«Toute fermeture des services de télécommunications constitue une violation des droits de l’homme et peut être considérée comme une punition collective qui non seulement isolera les individus de leurs réseaux de soutien, mais aggravera également la situation économique déjà désastreuse à laquelle sont confrontés des millions de personnes», a déclaré la coalition, qui comprend Save the Children, l’Islamic Relief Worldwide et Action contre la faim, entre autres. 

Le communiqué ajoute: «La fermeture potentielle de Starlink aurait une incidence disproportionnée sur les civils et les organisations humanitaires qui tentent de les aider.» 

Le Soudan est confronté depuis plusieurs mois à une panne généralisée des télécommunications, limitant considérablement les services d’urgence et humanitaires ainsi que l’accès aux transactions de base telles que les transferts d’argent depuis l’étranger. 

Starlink, qui peut opérer au-delà des frontières grâce à son service par satellite, a annoncé, plus tôt ce mois-ci, qu’il cesserait ses services au Soudan en limitant l’itinérance dans les juridictions où il ne dispose pas de licence. 

Si elle est confirmée, cette décision risque de provoquer une coupure permanente des télécommunications à l’échelle nationale, similaire à celle de février 2024, à l’issue de laquelle près de 30 millions de Soudanais se sont retrouvés privés d’accès à Internet ou aux appels téléphoniques pendant plus d’un mois. 

La situation est encore aggravée par la destruction des infrastructures de communication, ciblées à la fois par les Forces de soutien rapide (FSR) et par l’armée soudanaise. 

La coalition, qui s’appuie sur un accès Internet par satellite coûteux et rare dans les zones où les télécommunications officielles ne fonctionnent pas, a également exhorté les factions belligérantes à réparer les infrastructures. 

Starlink de SpaceX est sous pression pour maintenir sa connexion depuis que le conflit a éclaté au Soudan en avril 2023. 

En août, un groupe de pirates informatiques appelé «Anonymous Soudan» a mis X hors ligne dans plus d’une douzaine de pays pour faire pression sur Elon Musk afin qu’il ouvre officiellement Starlink au Soudan. 

Ces derniers mois, l’entreprise a été au centre d’un débat public sur son rôle à assurer la liaison entre les zones ravagées par la guerre à travers le monde. 

Plus tôt ce mois-ci, Bloomberg a rapporté que SpaceX était sur le point de conclure un accord avec le gouvernement yéménite pour fournir Internet par satellite au pays, ce que les experts ont décrit comme une «victoire» sur la milice houthie. 

En septembre 2023, plusieurs médias ont rapporté qu’Elon Musk avait rejeté une demande ukrainienne d’étendre la couverture de Starlink à la Crimée lors d’une attaque surprise. 

Bien que les affirmations selon lesquelles Elon Musk aurait «désactivé» la couverture de Starlink en Crimée se soient avérées erronées, cela a soulevé des inquiétudes quant au rôle du service pendant les conflits. 

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com 


Balayeur du Festival de Cannes, il devient réalisateur sélectionné

Le compositeur français Michel Legrand arrive pour la projection du film «La Rançon de la Gloire» présenté en compétition au 71e Festival du Film de Venise le 28 août 2014 au Lido de Venise. (AFP)
Le compositeur français Michel Legrand arrive pour la projection du film «La Rançon de la Gloire» présenté en compétition au 71e Festival du Film de Venise le 28 août 2014 au Lido de Venise. (AFP)
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  • «Il était une fois Michel Legrand» couvre les deux dernières années de la vie du musicien et revient sur la carrière du compositeur des «Parapluies de Cherbourg»
  • «L'adulte que je suis a pris l'enfant qu'il était par la main pour réaliser son rêve», glisse David Hertzog Dessites

CANNES: Comme une belle histoire de cinéma: balayeur à 20 ans des marches du Festival de Cannes, David Hertzog Dessites les montera samedi, à 51 ans, pour y présenter un documentaire qu'il a réalisé.

"L'adulte que je suis a pris l'enfant qu'il était par la main pour réaliser son rêve", glisse à l'AFP David Hertzog Dessites, origine de cette ville du sud de la France, qui signe "Il était une fois Michel Legrand", documentaire sur le célèbre musicien français.

"Il était une fois Michel Legrand" couvre les deux dernières années de la vie du musicien et revient sur la carrière du compositeur des "Parapluies de Cherbourg", disparu en 2019 à 86 ans.

Quand il a appris qu'il était sélectionné dans la section Cannes Classics, axée autour de copies restaurées et de documentaires, ce barbu athlétique a eu du mal à réaliser. Et une scène forte lui est revenue en tête.

"Un matin vers 4h00, dans ma tenue de balayeur, il n'y avait pas de gardien à l'époque sur les marches, je me suis allongé sur le tapis rouge en me disant +je reviendrai ici avec mon film+".

Gamin, sa mère l'accompagnait aux abords du Palais des Festivals voir sur le tapis rouge les stars d'Hollywood, comme Kirk Douglas ou Robert Mitchum. Sa vie bascule quand, à 20 ans, sa mère, employée municipale, décède à 48 ans. La ville de Cannes propose alors au jeune homme, se retrouvant seul, un emploi de balayeur. Qui fait donc parfois la tranche 3-8 h du matin sur le tapis rouge et aux abords.

«Festival en clandestin»

Des copains travaillant pour le plus grand rendez-vous mondial du 7e art permettent alors à ce fan de ciné de vivre le "festival en clandestin", en entrant en cachette.

Un matin, en séance de 11h00, il se faufile à la projection de "Pulp fiction" de Quentin Tarantino. "J'ai vu Clint Eastwood (président du jury) se prendre le visage dans les mains tellement il était mort de rire".

La disparition de sa mère est un "véritable booster", David Hertzog Dessites transformant "cette peine en énergie positive". En autodidacte, il achète une première caméra. "J'enviais des copains en école de cinéma, et eux m'enviaient en m'assurant que mon point de vue n'était pas conditionné".

Un premier tournant arrive en 1999. David Hertzog Dessites part sur ses deniers aux USA filmer les inconditionnels de "Star wars" qui attendent la sortie de l'épisode intitulé "La menace fantôme". "Les fans à Hollywood, New York, étaient dingues, attendaient dans des tentes aux abords des cinémas pour être les premiers à voir le film". Son documentaire attire les regards.

«Formidable cette histoire»

Michel Legrand, c'est encore une belle histoire. "Sa musique a bercé la grossesse de ma maman, mes parents se sont rencontrés en allant voir +L'affaire Thomas Crown+ et avaient acheté le 45 tours de la musique composée par Michel". Les séries télé qu'il voit enfant, "Il était une fois... la vie", "Oum le dauphin blanc", sont signées du même compositeur. Et la B.O. de "Yentl" avec Barbra Streisand est pour le cinéphile et mélomane "un choc".

David Hertzog Dessites finit par rencontrer ce "génie" en 2017 quand le pianiste donne un concert dans le cadre du Festival de Cannes.

Assis au pied du piano -"comme un gamin devant le sapin de Noël"- pendant le récital, le réalisateur lui adresse la parole à la fin: "si j'existe, c'est un peu grâce à vous". "C'est formidable cette histoire, j'adore", lui rétorque Michel Legrand.

Qui se laisse convaincre pour un documentaire et lui donne carte blanche. "Il m'a dit qu'il ne contrôlerait rien, sachant son exigence et le personnage complexe que c'était, c'est le plus beau cadeau qu'il pouvait me faire", souffle David Hertzog Dessites.