De la protection à la discrimination

Les passagers déposent leurs effets personnels dans des poubelles avant de passer le contrôle de sécurité des passagers au terminal 8 de l'aéroport international John F. Kennedy le 22 octobre 2010. (Fichier/AFP)
Les passagers déposent leurs effets personnels dans des poubelles avant de passer le contrôle de sécurité des passagers au terminal 8 de l'aéroport international John F. Kennedy le 22 octobre 2010. (Fichier/AFP)
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Publié le Jeudi 09 septembre 2021

De la protection à la discrimination

Les passagers déposent leurs effets personnels dans des poubelles avant de passer le contrôle de sécurité des passagers au terminal 8 de l'aéroport international John F. Kennedy le 22 octobre 2010. (Fichier/AFP)
  • Les mesures de sécurité des compagnies aériennes ont changé la façon dont les gens prennent l’avion; mais, pour les Arabes et les musulmans, le profilage racial et religieux est devenu la norme
  • Une étude de  2017 montre que deux tiers des inspections de passagers dans un aéroport à leur entrée aux États-Unis concernent des personnes «non  blanches»

LONDRES: «Ce jour fut le plus horrible et le plus humiliant de ma vie», confie Issam Abdallah. En 2019, il avait pris place à bord d’un avion d'American Airlines qui devait relier l'Alabama au Texas, mais le vol fut annulé parce que les membres d'équipage se sentaient «mal à l'aise» en raison de sa présence dans l'avion. 

Une fois sorti de l'avion, Abdallah a été arrêté par un agent du FBI qui lui a posé des questions sur son nom et sur son métier. Lorsqu'il lui a demandé pourquoi il était interrogé, l'agent lui aurait dit que c'était parce qu'il «était allé aux toilettes et avait tiré la chasse d'eau à deux reprises». 

Vingt ans après les attentats du 11-Septembre, la façon dont les gens voyagent en avion a changé de manière irréversible. 

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Des agents de la TSA font une démonstration de la première unité de technologie d'imagerie avancée au poste de contrôle de sécurité des passagers du terminal 8 de l'aéroport international John F. Kennedy le 22 octobre 2010. (Fichier/AFP)

Pour la grande majorité d’entre eux, les mesures de sécurité mises en place dans les aéroports et à bord des avions au lendemain des attentats ont entraîné des désagréments mineurs: des scanners corporels ou une attente prolongée dans les files d'attente en raison d’un contrôle de sécurité. 

Les briquets étant interdits sur les vols commerciaux depuis 2005: il faut désormais attendre l'arrivée des bagages enregistrés avant de satisfaire son envie de fumer. Les cockpits des avions sont désormais verrouillés, de sorte qu'aucun passager ne peut accéder aux commandes. En outre, le personnel de cabine est formé pour protéger le cockpit si un pilote doit en sortir afin d'empêcher quiconque de tenter de détourner l'avion. 

D'autres mesures trouvent leur justification dans des complots terroristes déjoués. 

Les passagers aériens doivent désormais ôter leurs chaussures lors des contrôles de sécurité depuis la tentative du terroriste britannique Richard Reid de faire exploser des explosifs cachés dans ses chaussures sur le vol 63 d’American Airlines (Paris-Miami) au mois de décembre 2001, quelques mois seulement après le 11-Septembre. 

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Un agent de la Transportation Security Administration contrôle les passagers à l'aéroport de LaGuardia la veille de Thanksgiving, le jour de voyage le plus chargé du pays le 22 novembre 2017 à New York. (Fichier/AFP)

En outre, les voyageurs ne peuvent emporter avec eux que des flacons de liquide de 100 ml au maximum depuis que la police britannique a déjoué, en 2006, une attaque terroriste à grande échelle pour laquelle du matériel explosif avait été dissimulé dans des bouteilles de boissons gazeuses qui devaient exploser à bord de dix vols transatlantiques. 

En fonction de l'émergence de nouvelles menaces, la sécurité aérienne a évolué, s’est adaptée et a mis en œuvre des mesures qui sont devenues la norme. Elles font désormais partie du transport aérien moderne, tout en rendant les vols, disent ceux qui les approuvent, considérablement plus sûrs. 

Toutefois, pour les Arabes et les musulmans – comme Issam Abdallah et Abderraouf Alkhawaldeh, tous deux présents à bord de ce vol Birmingham-Dallas il y a deux ans –, un excès de zèle n’a cessé d’accompagner ces mesures. Depuis le 11-Septembre, ils ont ainsi dû faire face à des profilages basés sur leur religion ou leur origine ethnique, généralement déguisé en contrôles de sécurité «aléatoires». 

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Un homme et une femme se prennent en photo à l'aéroport John F. Kennedy (JFK) le 24 mars 2016 à New York. (Fichier/AFP)

L'histoire d'Abdallah n’est, dans ces vingt dernières années, qu’un incident parmi beaucoup d'autres qui impliquent des passagers qui ont la «mauvaise» couleur de peau, la «mauvaise» religion, qui parlent la «mauvaise» langue ou portent le «mauvais» nom. Cette façon de procéder remet en question le caractère prétendument aléatoire de ces contrôles. 

Faizah Shaheen, qui travaille comme spécialiste de la santé mentale au Royaume-Uni, a été exclue d'un vol en 2016 et on l’a interrogée – sur le chemin du retour en Grande-Bretagne après sa lune de miel – parce que le personnel de cabine l'avait aperçue en train de lire un livre sur la Syrie. 

Deux ans avant la mésaventure d'Abdallah, Hasan Aldewachi, un étudiant d'origine irakienne, a également été écarté d'un vol, qui reliait Vienne et l'aéroport de Londres-Gatwick, parce qu'un autre passager avait lu un SMS qu'il envoyait à sa femme. Le message l'avertissait simplement que, le vol étant retardé, il rentrerait un peu plus tard à la maison. Le problème? Le message était écrit en arabe. 

Et la liste ne s’arrête pas là. 

attaques islamiques

Vingt ans après le 11-Septembre, une partie des passagers, dont certains sont nés et ont grandi dans des pays comme les États-Unis, le Royaume-Uni et la France, sont toujours victimes d’un phénomène que les experts résument en ces termes: «prendre l’avion lorsqu’on est musulman». 

Cela implique le profilage racial des musulmans ou de personnes considérées comme «d'apparence musulmane» dans les aéroports ou à bord des avions. Ces personnes font instantanément l’objet de suspicion alors qu’elles se livrent des activités absolument normales et banales: parler arabe, lire les informations sur leur téléphone – y compris lorsqu’elles ne font rien de particulier, mais que, simplement, elles «ont l'air» musulman ou sont d'origine moyen-orientale. 

Cette stigmatisation, qui commence dès l’instant où ces personnes entrent dans les aéroports, a contribué au fait que certains musulmans ont décidé de ne pas voyager en avion, selon l'entrepreneur Soumaya Hamdi. Ce dernier a créé le Halal Travel Guide («Guide de voyage hallal»), qui organise des circuits de vacances spécialement conçus pour les touristes musulmans après avoir constaté qu'ils étaient mal traités par l'industrie du voyage. 

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Une agente de la Transportation Security Administration (TSA) contrôle les bagages à l'aéroport de LaGuardia (LGA) le 26 septembre 2017 à New York. (Fichier/AFP)

«C'est tout simplement routinier, comme une sorte de blague. Vous vous demandez: “Est-ce que je vais me faire arrêter aujourd'hui?” Et, neuf fois sur dix, cela arrive», déclare Hamdi, qui a elle-même souvent été interpellée dans les aéroports britanniques. 

«Je comprends que ce soit vraiment important pour les gens de se sentir en sécurité et je pense que beaucoup de voyageurs musulmans et arabes apprécient cela également; c’est pourquoi je pense que nous sommes prêts à subir la mascarade de ces contrôles de sécurité.» 

«Dans certains pays européens, comme la France, si vous êtes visiblement un homme ou une femme de religion musulmane – et, généralement, ce sont les femmes qui souffrent le plus de cela –, le sentiment que vous n’êtes pas le bienvenu est fréquent.» 

Hamdi ajoute: «Le discours culturel du 11-Septembre, comme les films qui sont sortis sur ce sujet, n'a pas aidé. Cela a profondément contribué aux stéréotypes qui s’attachent aux musulmans et cela a conditionné les réflexes de beaucoup de voyageurs musulmans, qui ont commencé à se limiter aux destinations avec lesquelles ils se sentaient à l'aise.» 

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Des soldats de l'armée américaine patrouillent le long d'un hall dans la zone des départs de l'aéroport de LaGuardia (LGA), le 30 juin 2016 dans le quartier Queens de New York. (Fichier/AFP)

Depuis le 11-Septembre, les conséquences de cette approche sécuritaire fondée sur la méfiance se font ressentir à titre individuel pour des voyageurs comme Abdallah, Shaheen et Aldewachi; mais, parfois, elles touchent des millions de musulmans du monde entier d'un seul coup avec la mise en place de certaines politiques, comme la prétendue interdiction pour les musulmans de voyager ordonnée en 2017 par le président américain de l'époque, Donald Trump. 

Une étude publiée la même année par Uzma Jamil, conseillère principale en recherche sur l'équité à l'université McGill, au Canada, conclut que ces mesures de sécurité, ainsi que l'inclusion arbitraire de milliers de musulmans sur des listes d'interdiction de vol, font partie d'un processus en cours qu’elle décrit comme la «sécurisation des musulmans». Selon elle, elles ont pour but, depuis 2001, de présenter l'islam comme une menace pour l'Occident. 

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Des soldats américains montent la garde près d'une ligne de sécurité à l'aéroport John F. Kennedy (JFK) le 24 mars 2016 à New York. (Fichier/AFP)

«La liste d'interdiction de vol contribue à l'islamophobie en stigmatisant de manière disproportionnée les passagers musulmans ou d'apparence musulmane en tant que membres d'une communauté suspecte», écrit-elle. 

«Les informations recueillies par l'État, qui incluent la “liste d'interdiction de vol”, sont utilisées pour confirmer la “notion” de communauté suspecte.» 

«Savoir qui sont les musulmans, ce qu'ils font, d'où ils viennent et où ils vont, uniquement parce qu'ils sont musulmans, facilite leur profilage racial et religieux et contribue à l'institutionnalisation de l'islamophobie», ajoute-t-elle. 

Hamdi a le même sentiment. «Je ne sais pas si quelque chose est fait pour freiner le profilage. Je dirais qu'il y a en réalité un effort concerté pour l'intégrer dans la politique depuis une vingtaine d'années», déplore-t-elle. 

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Des gens attendent dans une file de sécurité à l'aéroport John F. Kennedy (JFK) le 24 mars 2016 à New York. (Fichier/AFP)

 

«C’est l’une des choses qui me dissuade d’aller aux États-Unis. Les gens inscrits sur des listes d'interdiction de voyage partagent un lien ethnique ou religieux, et pas du tout un lien avéré avec le terrorisme.» 

Les statistiques semblent confirmer leurs conclusions. Une étude américaine de 2017 montre en effet que les deux tiers de toutes les inspections de passagers dans un aéroport à l'entrée du pays concernent des personnes «non blanches», et 97% des personnes qui sont sélectionnées pour faire l’objet de fouilles physiques et de palpations sont totalement innocentes. 

Les chiffres publiés la même année par le ministère de l'Intérieur britannique montrent que 88% des personnes détenues dans les ports d'entrée britanniques n'étaient pas non plus de couleur de peau blanche. Le fait que seulement 0,02% des personnes arrêtées pour interrogatoire aient été inculpées d'une infraction révèle toute l'ampleur du problème. 

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Tommy Karathomas, un agent de la Transportation Security Administration K9, et son chien détecteur d'explosifs Buddy effectuent une démonstration à l'aéroport de LaGuardia le 20 janvier 2016. (Fichier/AFP)

Le 11 septembre 2001 a sans aucun doute changé le monde à bien des égards, et les voyages en avion ne seront plus jamais les mêmes pour personne. La crainte d’attaques terroristes dans les aéroports ou à bord des avions fait que des mesures de sécurité strictes – et, pour les musulmans, souvent intrusives – sont considérées comme indispensables pour la sécurité. 

Cependant, deux décennies après les attentats, une triste réalité persiste: du jour au lendemain, les atrocités ont fait de gens ordinaires des boucs émissaires et des suspects qui, en faisant quelque chose d'aussi banal que de voyager en avion ou de partir à l'étranger, suscitent soudain des soupçons et de la paranoïa. 

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Inde: les pilotes rejettent les premières conclusions sur l'accident du vol 171 d'Air India

Dans un premier rapport publié samedi, le Bureau indien d'enquête sur les accidents aériens (AAIB) a révélé que l'alimentation en kérosène des deux réacteurs de l'avion avait été interrompue juste après son décollage d'Ahmedabad.  Cette coupure des interrupteurs a causé une brusque perte de puissance des deux moteurs de l'avion, qui est tombé sur des bâtiments proches de l'aéroport en causant 260 morts. (AFP)
Dans un premier rapport publié samedi, le Bureau indien d'enquête sur les accidents aériens (AAIB) a révélé que l'alimentation en kérosène des deux réacteurs de l'avion avait été interrompue juste après son décollage d'Ahmedabad. Cette coupure des interrupteurs a causé une brusque perte de puissance des deux moteurs de l'avion, qui est tombé sur des bâtiments proches de l'aéroport en causant 260 morts. (AFP)
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  • L'enregistreur des conversations du cockpit a indiqué que l'un des pilotes avait demandé à l'autre "pourquoi il a coupé l'alimentation en carburant" et que ce dernier avait répondu "qu'il ne l'a pas fait", a toutefois précisé l'AAIB
  • Les enquêteurs n'ont pas publié la retranscription exacte de leur dialogue

NEW DELHI: Deux associations de pilotes de ligne indiens ont vivement rejeté les résultats préliminaires de l'enquête sur l'accident du Boeing 787 d'Air India le 12 juin dans le nord-est de l'Inde, qui suggèrent la possibilité d'une erreur humaine.

Dans un premier rapport publié samedi, le Bureau indien d'enquête sur les accidents aériens (AAIB) a révélé que l'alimentation en kérosène des deux réacteurs de l'avion avait été interrompue juste après son décollage d'Ahmedabad.

Cette coupure des interrupteurs a causé une brusque perte de puissance des deux moteurs de l'avion, qui est tombé sur des bâtiments proches de l'aéroport en causant 260 morts.

Le document de l'AAIB ne tire pour l'heure aucune conclusion ni ne pointe aucune responsabilité .

L'enregistreur des conversations du cockpit a indiqué que l'un des pilotes avait demandé à l'autre "pourquoi il a coupé l'alimentation en carburant" et que ce dernier avait répondu "qu'il ne l'a pas fait", a toutefois précisé l'AAIB.

Les enquêteurs n'ont pas publié la retranscription exacte de leur dialogue.

"Nous avons le sentiment que l'enquête suit une piste qui présume la responsabilité des pilotes et nous nous y opposons fermement", a réagi l'Association des pilotes de ligne indiens (ALPA).

L'ALPA, qui revendique 800 membres, a regretté le "secret" qui entoure l'enquête et regretté de ne pas y être associée en tant qu'"observatrice".

Une autre organisation, l'Association des pilotes commerciaux indiens (ICPA), s'est pour sa part déclarée "très perturbée par ces spéculations (...) notamment celles qui insinuent de façon infondée l'idée du suicide d'un pilote".

"Une telle hypothèse n'a aucune base en l'état actuel de l'enquête", a poursuivi l'ICPA en réaction aux propos d'experts suggérant que la catastrophe pourrait être le fruit du suicide d'un pilote.

La catastrophe aérienne, la plus meurtrière depuis 2014 dans le monde, a causé la mort de 241 passagers et membres d'équipage du Boeing 787, ainsi que 19 autres personnes au sol.

Un passager a miraculeusement survécu.

 


Russie: le suicide apparent d'un ministre sème la peur au sein de l'élite

Roman Starovoït avait été gouverneur de la région russe de Koursk, frontalière de l'Ukraine, avant d'être promu ministre à Moscou en mai 2024, trois mois avant que les troupes ukrainiennes ne prennent le contrôle d'une petite partie de ce territoire lors d'une offensive surprise. Une attaque qui avait été un revers pour le Kremlin. (AFP)
Roman Starovoït avait été gouverneur de la région russe de Koursk, frontalière de l'Ukraine, avant d'être promu ministre à Moscou en mai 2024, trois mois avant que les troupes ukrainiennes ne prennent le contrôle d'une petite partie de ce territoire lors d'une offensive surprise. Une attaque qui avait été un revers pour le Kremlin. (AFP)
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  • Si les circonstances de la mort de Roman Starovoït, âgé de 53 ans, restent floues, les médias russes ont évoqué une enquête pour corruption le visant, assurant qu'il devait être arrêté prochainement
  • Limogé par le président Vladimir Poutine, il s'est probablement donné la mort, selon les premiers résultats de l'enquête, qui est en cours

SAINT-PETERSBOURG: Le suicide probable du ministre russe des Transports, Roman Starovoït, annoncé peu après son limogeage lundi par Vladimir Poutine sur fond d'allégations de corruption, a profondément choqué l'élite politique, où chacun redoute de faire les frais de la chasse aux profiteurs.

Ses funérailles ont eu lieu vendredi dans un cimetière de Saint-Pétersbourg en présence de sa famille et de collègues, mais en l'absence de M. Poutine qui n'a pas non plus participé à la cérémonie d'adieu jeudi.

Si les circonstances de la mort de Roman Starovoït, âgé de 53 ans, restent floues, les médias russes ont évoqué une enquête pour corruption le visant, assurant qu'il devait être arrêté prochainement.

Limogé par le président Vladimir Poutine, il s'est probablement donné la mort, selon les premiers résultats de l'enquête, qui est en cours.

"C'est une grande perte pour nous, très inattendue. Nous sommes tous choqués", a déclaré à l'AFP Vassilissa, 42 ans, l'épouse d'un collègue de M. Starovoït, lors de la cérémonie de jeudi.

"Il était tellement actif, joyeux, il aimait énormément la vie. Je ne comprends pas comment cela a pu arriver", ajoute cette femme, les larmes aux yeux.

Après avoir déposé devant le cercueil de grands bouquets de roses rouges, des anciens collègues de M. Starovoït, en costumes sombres, sont repartis très vite dans leurs luxueuses voitures noires.

Dans une ambiance très lourde rappelant les funérailles dans le film culte "Le Parrain" de Francis Ford Coppola, d'autres personnes interrogées par les journalistes de l'AFP dans la foule ont refusé de parler.

"Bouc émissaire" 

Roman Starovoït avait été gouverneur de la région russe de Koursk, frontalière de l'Ukraine, avant d'être promu ministre à Moscou en mai 2024, trois mois avant que les troupes ukrainiennes ne prennent le contrôle d'une petite partie de ce territoire lors d'une offensive surprise. Une attaque qui avait été un revers pour le Kremlin.

Son successeur à la tête de cette région, Alexeï Smirnov, a lui été arrêté au printemps pour le détournement des fonds destinés à renforcer les fortifications à la frontière. Celle-là même que les Ukrainiens ont traversé facilement, pour n'être repoussés que neuf mois plus tard.

Les autorités "ont essayé de faire de lui (Roman Starovoït) un bouc émissaire", accuse auprès de l'AFP Andreï Pertsev, analyste du média indépendant Meduza, reconnu "indésirable" et interdit en Russie.

L'incursion ukrainienne "s'est principalement produite parce qu'il n'y avait pas assez de soldats pour protéger la frontière", mais c'était "plus facile de rejeter la faute sur un responsable civil", explique-t-il.

L'affaire Starovoït s'inscrit dans une vague récente de répression visant de hauts responsables soupçonnés de s'être enrichis illégalement pendant l'offensive russe en Ukraine. Et selon des analystes, si les scandales de corruption on toujours existé en Russie, la campagne militaire a changé les règles du jeu politique.

"Il existait des règles auparavant, selon lesquelles les gens savaient: une fois qu'ils montaient suffisamment haut, on ne les embêtait plus", estime M. Pertsev. "Mais elles ne fonctionnent plus."

"On ne vole pas" 

Alors que Vladimir Poutine promettait régulièrement de s'attaquer à la corruption - étant lui même accusé de s'être enrichi illégalement par ses détracteurs -, les rares arrestations médiatisées ont été davantage utilisées pour cibler des opposants ou résultaient de luttes internes entre les échelons inférieurs du pouvoir en Russie.

Depuis l'offensive en Ukraine lancée en février 2022, "quelque chose dans le système a commencé à fonctionner de manière complètement différente", souligne la politologue Tatiana Stanovaïa du Centre Carnegie Russie Eurasie, interdit en Russie en tant qu'organisation "indésirable".

"Toute action ou inaction qui, aux yeux des autorités, accroît la vulnérabilité de l'État face aux actions hostiles de l'ennemi doit être punie sans pitié et sans compromis", estime Mme Stanovaïa en définissant la nouvelle approche du pouvoir.

Pour le Kremlin, la campagne en Ukraine est une "guerre sainte" qui a réécrit les règles, confirme Nina Khrouchtcheva, professeure à The New School, une université de New York, et arrière-petite-fille du dirigeant soviétique Nikita Khrouchtchev.

"Pendant une guerre sainte, on ne vole pas (...) on se serre la ceinture et on travaille 24 heures sur 24", résume-t-elle.

Signe des temps, plusieurs généraux et responsables de la Défense ont été arrêtés pour des affaires de détournement de fonds ces dernières années. Début juillet, l'ancien vice-ministre de la Défense Timour Ivanov a été condamné à 13 ans de prison.

Cette ambiance, selon Mme Stanovaïa, a créé un "sentiment de désespoir" au sein de l'élite politique à Moscou, qui est peu susceptible de s'atténuer.

"À l'avenir, le système sera prêt à sacrifier des figures de plus en plus en vue," avertit-elle.

 


Un trafic de stupéfiants démantelé entre Espagne et France, 13 arrestations

reize personnes, dont le "donneur d'ordres" présumé, ont été arrêtées par des policiers qui ont démantelé un "important" trafic de drogues importées d'Espagne pour alimenter la région Auvergne-Rhône-Alpes, au terme d'une enquête de près de deux ans, a annoncé vendredi la police. (AFP)
reize personnes, dont le "donneur d'ordres" présumé, ont été arrêtées par des policiers qui ont démantelé un "important" trafic de drogues importées d'Espagne pour alimenter la région Auvergne-Rhône-Alpes, au terme d'une enquête de près de deux ans, a annoncé vendredi la police. (AFP)
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  • 2,4 tonnes de résine de cannabis ont été saisies par les enquêteurs de Office anti-stupéfiants (OFAST) de la police judiciaire de Lyon, qui ont mené ces opérations
  • Dans cette première phase, les 11 suspects ont été mis en examen et sont, depuis, en détention provisoire, selon la DIPN

LYON: Treize personnes, dont le "donneur d'ordres" présumé, ont été arrêtées par des policiers qui ont démantelé un "important" trafic de drogues importées d'Espagne pour alimenter la région Auvergne-Rhône-Alpes, au terme d'une enquête de près de deux ans, a annoncé vendredi la police.

Onze suspects ont été interpellés entre décembre 2023 et juillet 2024, notamment grâce à l'interception par les policiers de deux poids-lourds et d'un convoi de voitures "entre la région lyonnaise et le Gard", "au moment où les stupéfiants étaient remis à des équipes locales", explique la Direction interdépartementale de la police (DIPN) du Rhône dans un communiqué.

Dans le même laps de temps, 2,4 tonnes de résine de cannabis ont été saisies par les enquêteurs de Office anti-stupéfiants (OFAST) de la police judiciaire de Lyon, qui ont mené ces opérations.

Dans cette première phase, les 11 suspects ont été mis en examen et sont, depuis, en détention provisoire, selon la DIPN.

Puis l'enquête a permis l'interpellation, le 30 juin dernier, d'un homme "soupçonné d'être le donneur d'ordres" et, le lendemain, d'un autre suspect, "fugitif condamné en 2016" à sept ans de prison pour trafic de stupéfiants. A son domicile dans l'Ain, "54 kg de cocaïne et plusieurs dizaines de milliers d'euros" ont été saisis, précise le communiqué qui n'en dit pas plus sur le profil de ces hommes. Ils ont été mis en examen le 4 juillet et placés en détention provisoire.

La police considère ainsi avoir réussi le "démantèlement de ce groupe criminel organisé (...) réalisant des importations de stupéfiants depuis l'Espagne vers la région Auvergne-Rhône-Alpes" pour des "quantités importantes".