L'interminable «course contre la montre» pour identifier les victimes

Des policiers en faction devant le Bataclan, à Paris (Photo, AFP).
Des policiers en faction devant le Bataclan, à Paris (Photo, AFP).
Short Url
Publié le Mercredi 08 septembre 2021

L'interminable «course contre la montre» pour identifier les victimes

  • La commandante à la préfecture de police de Paris narre son 13 novembre 2015
  • A son arrivée dans la salle de spectacle, la commandante, qui a examiné plus de 1 000 cadavres en vingt-deux ans de carrière, se rappelle d'une «scène de guerre»

PARIS: Le soir du 13 novembre 2015, Perrine Rogiez-Thubert commence "la nuit la plus longue" de sa vie. Elle va durer dix jours. Six ans plus tard, cette policière chevronnée de l'identité judiciaire se souvient de son "apaisement" d'avoir "rendu un corps" à chaque parent.

Quand un premier kamikaze fait exploser sa ceinture aux abords du Stade de France, la commandante à la préfecture de police de Paris assiste, dans l'enceinte, au match amical de football France-Allemagne.

Elle a reçu sa place de la Lufthansa, en remerciement de sa participation à l'identification des victimes du crash de l'A320 de la Germanwings, précipité sept mois plus tôt dans les Alpes par le copilote de l'appareil.

Exfiltrée du stade à la mi-temps avec plusieurs de ses collègues, elle se replie au siège de l'Identité judiciaire (IJ), près du 36, quai des Orfèvres. "Les informations arrivent au compte-gouttes" mais rapidement "nous savons que nous faisons face à un attentat multiple avec plusieurs zones qu'il va falloir couvrir", rembobine-t-elle. 

Des renforts arrivent de Versailles et d'autres services territoriaux de l'identité judiciaire, mais aussi d'Ecully (Rhône), le siège de la police technique et scientifique en France.

"On sait déjà qu'il va y avoir du travail pour plusieurs jours, plusieurs nuits", rapporte Perrine Rogiez-Thubert, qui a secondé la coordination des effectifs parisiens.

Saint-Denis, les terrasses, le Bataclan: les blouses blanches de l'IJ sont envoyées sur les différents sites par équipes de trois; deux pour photographier et faire le plan des lieux; le troisième pour rechercher et prélever les traces et indices, notamment balistiques. 

Intrusion

A son arrivée dans la salle de spectacle, la commandante, qui a examiné plus de 1.000 cadavres en vingt-deux ans de carrière, se rappelle d'une "scène de guerre" et d'un "premier sentiment, la désolation". Sur son téléphone, des SMS lui souhaitent un joyeux anniversaire, comme pour la tirer d'un cauchemar.

Puis, très vite, le "technique" prend le dessus et "sert de paravent". Avec une double urgence: identifier les kamikazes pour faire avancer l'enquête et identifier les victimes pour répondre aux familles.

Pour cette seconde mission, une cellule d'identification des victimes de catastrophes (IVC), un protocole imaginé par la gendarmerie en 1992 après le crash du Mont Saint-Odile, est ouverte.

Ses membres se divisent en deux unités. 

La première, dite "ante mortem", recueille auprès des proches des disparus des éléments d'identification comme des bilans opératoires, des photographies de tatouages ou le nom du dentiste.

"C'est la mission la plus difficile. Il y a une immersion dans leur vie privée, presque une intrusion, mais qui est obligatoire", explique Perrine Rogiez-Thubert.

La seconde, dite "post-mortem", installée à l'Institut médico-légal (IML) de Paris, examine les corps et tente de "retrouver les éléments anatomiques qui pourraient permettre une corrélation".

S'engage alors "une course contre la montre", se remémore la policière, avec "une pression hiérarchique, médiatique, politique". Et bien sûr les proches des disparus, qui saturent le numéro vert mis en place par les autorités.

Alors Premier ministre, Manuel Valls se souvient de leurs apostrophes lorsqu'il a visité l'IML au lendemain des attaques. "Vous avez le désespoir de certaines familles, la dignité d'autres, la colère, vous avez toutes les réactions, elles sont profondément humaines".

Identification scientifique

"On a dit qu'on a été longs", déplore Perrine Rogiez-Thubert, mais "il y a des délais incompressibles d'identification qui n'ont pas forcément été intégrés par tout le monde".

"Pour identifier une victime, surtout dans un contexte comme celui-ci, en catastrophe ouverte, il faut une identification scientifique, pas une identification visuelle", ajoute-t-elle.

Les policiers de l'IJ se concentrent sur l'un des trois éléments propres à chacun: ADN, empreinte digitale ou empreinte dentaire. "Si vous faites un prélèvement ADN, il faut un ADN de comparaison, si vous faites un prélèvement dentaire, il faut une radio, connaître le nom du dentiste de la victime", énumère la policière.

Sa plus grande crainte, celle d'un corps non réclamé, ne s'est pas produite. "C'était des gens majoritairement jeunes avec des proches, des familles, des voisins, des employeurs pour s'inquiéter de ne plus les voir", souligne-t-elle.

La "pression retombe" de retour chez elle, après dix jours passés à l'IML "avec un sentiment d'apaisement d'avoir pu identifier toutes les victimes, d'avoir rendu un corps aux parents".

Le 13 juillet 2016, elle est décorée par son directeur pour la remercier de son travail huit mois plus tôt. Elle lui glisse: "la dernière fois que l'on m'a remerciée, ça a été les attentats".

Le lendemain, elle s'envole pour Nice pour identifier les 86 corps écrasés sur la Promenade des Anglais.


Mandat d'arrêt de la CPI contre Netanyahu: la France «doit appliquer les règles», estime Braun-Pivet

Paris a "pris acte" jeudi de ces mandats d'arrêt, rappelant "son attachement au travail indépendant de la Cour" mais sans dire explicitement si la France procéderait à leur arrestation si ces personnes se rendaient sur son territoire.  L'Italie et le Royaume-Uni ont en revanche immédiatement annoncé qu'ils respecteraient leur engagement auprès de la CPI. (AFP)
Paris a "pris acte" jeudi de ces mandats d'arrêt, rappelant "son attachement au travail indépendant de la Cour" mais sans dire explicitement si la France procéderait à leur arrestation si ces personnes se rendaient sur son territoire. L'Italie et le Royaume-Uni ont en revanche immédiatement annoncé qu'ils respecteraient leur engagement auprès de la CPI. (AFP)
Short Url
  • La Cour pénale internationale, à laquelle Israël n'a pas adhéré et dont les États-Unis se sont retirés, a lancé jeudi des mandats d'arrêt à l'encontre de Benyamin Netanyahu et du chef de la branche armée du Hamas palestinien Mohammed Deif
  • "A partir du moment où la France est signataire, adhérente du statut de Rome et reconnaît la CPI, je pense qu'elle doit appliquer les règles qui en découlent, il n'y a pas de raison d'y déroger", a expliqué Yaël Braun-Pivet sur Sud radio

PARIS: La présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet (Renaissance) a estimé mardi qu'en tant que signataire du statut de la Cour pénale internationale, la France "doit appliquer les règles" et arrêter le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu s'il venait sur le territoire hexagonal.

"A partir du moment où la France est signataire, adhérente du statut de Rome et reconnaît la CPI, je pense qu'elle doit appliquer les règles qui en découlent, il n'y a pas de raison d'y déroger", a expliqué Yaël Braun-Pivet sur Sud radio.

La Cour pénale internationale, à laquelle Israël n'a pas adhéré et dont les États-Unis se sont retirés, a lancé jeudi des mandats d'arrêt à l'encontre de Benyamin Netanyahu et du chef de la branche armée du Hamas palestinien Mohammed Deif pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité.

"C'est toute la difficulté de la justice internationale (...), c'est quand même compliqué d'avoir une justice qui n'est pas reconnue par tous", a estimé la présidente de l'Assemblée française, défendant néanmoins "la stricte application du droit".

"En vertu de la séparation des pouvoirs, je n'ai pas d'injonction à faire au gouvernement et au pouvoir exécutif", a-t-elle précisé, "mais, en tout état de cause, il nous faut tirer les conséquences de cette adhésion à la CPI, évidemment".

Paris a "pris acte" jeudi de ces mandats d'arrêt, rappelant "son attachement au travail indépendant de la Cour" mais sans dire explicitement si la France procéderait à leur arrestation si ces personnes se rendaient sur son territoire.

L'Italie et le Royaume-Uni ont en revanche immédiatement annoncé qu'ils respecteraient leur engagement auprès de la CPI.

A l'inverse, la Hongrie a invité le chef du gouvernement israélien en signe de défiance.


Budget: «pas de catastrophe annoncée» tempère Braun-Pivet face aux menaces de censure

La présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, a déclaré mardi ne pas envisager de "catastrophe annoncée", face aux menaces de censure qui planent sur le projet de budget de l'Etat pour 2025. (AFP)
La présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, a déclaré mardi ne pas envisager de "catastrophe annoncée", face aux menaces de censure qui planent sur le projet de budget de l'Etat pour 2025. (AFP)
Short Url
  • "J'entends tout et souvent n'importe quoi (...) Nos textes sont bien faits, notre Constitution et nos règles sont là, donc pas de catastrophe annoncée, pas de +shutdown+ à l'américaine (...) Il n'y a pas de scénario catastrophe"
  • Outre les oppositions, certains alliés de Michel Barnier font monter la pression pour limiter les hausses d'impôts

PARIS: La présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, a déclaré mardi ne pas envisager de "catastrophe annoncée", face aux menaces de censure qui planent sur le projet de budget de l'Etat pour 2025.

"J'entends tout et souvent n'importe quoi (...) Nos textes sont bien faits, notre Constitution et nos règles sont là, donc pas de catastrophe annoncée, pas de +shutdown+ à l'américaine (...) Il n'y a pas de scénario catastrophe", a déclaré Mme Braun-Pivet, invitée sur Sud Radio.

"Le gouvernement peut présenter au Parlement ce qu'on appelle une loi spéciale pour prélever les impôts à partir du 1er janvier, il peut y avoir reconduction des dépenses par décret pour pouvoir payer les fonctionnaires, les retraités, etc. (...) Je ne veux pas inquiéter nos compatriotes. Nous sommes en responsabilité réelle", a-t-elle ajouté.

Interrogée sur les pressions auxquelles est confronté le Premier ministre Michel Barnier - Marine Le Pen pour l'extrême droite puis Mathilde Panot au nom de la gauche ont fermement maintenu lundi leurs menaces de censure du gouvernement après leurs entretiens avec le locataire de Matignon - Yaël Braun-Pivet considère qu'il s'agit plutôt de "positions politiques".

"Le rôle du Premier ministre, lorsqu'il construit un budget, c'est de prendre en compte les expressions des parlementaires élus de la nation représentant les Français. (...) Il faut faire des choix et c'est justement ça qui lui incombe en tenant compte des opinions et des expressions politiques des uns et des autres".

Face à l'intention du RN de voter la censure si le budget restait "en l'état" selon Marine Le Pen, la présidente de l'Assemblée nationale a rappelé que la motion de censure est "un droit constitutionnel qui appartient aux parlementaires" et appelé à ce que "chacun se mette dans une position constructive pour le bien de notre pays".

Outre les oppositions, certains alliés de Michel Barnier font monter la pression pour limiter les hausses d'impôts.

Le chef des députés macronistes Gabriel Attal, qui était reçu mardi matin avec les autres dirigeants du "socle commun", a redit lundi ses "doutes" à ce sujet mais jugé Marine Le Pen "totalement irresponsable", en marge d'un déplacement dans l'Orne.


France: la menace de la censure s'accroît sur le gouvernement Barnier

Cette vue générale prise à Paris le 2 avril 2024, montre le Sénat français lors d'une session. (AFP)
Cette vue générale prise à Paris le 2 avril 2024, montre le Sénat français lors d'une session. (AFP)
Short Url
  • Formé le 21 septembre à l'issue de plusieurs semaines de crise politique suivant la dissolution inattendue de l'Assemblée nationale par le président Emmanuel Macron, en juin, l'exécutif se sait bâti sur du sable, étant minoritaire
  • Le Premier ministre n'a visiblement pas davantage convaincu la cheffe de file des députés de la France insoumise

PARIS: Le risque de censure s'est accru lundi sur le gouvernement français: la cheffe de file de l'extrême droite Marine Le Pen et Mathilde Panot au nom de la gauche ont fermement maintenu leurs menaces en ce sens, après des entretiens avec le Premier ministre conservateur Michel Barnier.

Formé le 21 septembre à l'issue de plusieurs semaines de crise politique suivant la dissolution inattendue de l'Assemblée nationale par le président Emmanuel Macron, en juin, l'exécutif se sait bâti sur du sable, étant minoritaire.

Une censure ne serait pas "le chaos", a souligné Mme Le Pen après avoir été reçue lundi par M. Barnier.

Alors que selon elle le Premier ministre a "campé sur ses positions", elle a affirmé que le RN ne "renoncer(ait) pas à défendre les Français", refusant de céder "à la petite musique (...) consistant à dire si jamais ce budget est refusé, s'il y a une censure, ça va être dramatique, ça va être le chaos".

Le RN est le parti comptant le plus grand nombre d'élus à l'Assemblée (125 sur 577 sièges).

Le Premier ministre n'a visiblement pas davantage convaincu la cheffe de file des députés de la France insoumise (gauche radicale), Mathilde Panot, qu'il a reçue ensuite.

A sa sortie de l'entretien, Mme Panot a appelé "l'ensemble des députés", y compris du RN, à voter la motion de censure. Elle a prévu de la déposer avec ses alliés du Nouveau front populaire (NFP) si le Premier ministre utilisait l'article 49.3 de la Constitution -qui lui permet de faire passer un texte sans vote- pour forcer l'adoption de son budget 2025 décrié.

Mme Panot a "acté des désaccords profonds" avec M. Banier, le budget étant selon elle "le plus violent socialement et écologiquement" de la Ve République.

Alors que la France est lourdement endettée et que le gouvernement veut faire voter de nombreuses économies, la gauche et l'extrême droite, qui s'y opposent, pourraient le faire tomber ensemble.

"Jusqu'à présent, on avait une opposition de style entre la gauche et le RN", observe le politologue du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), Olivier Costa. "La gauche souhaitait censurer le gouvernement Barnier dès que possible, l'estimant illégitime, alors que l'extrême droite souhaitait le laisser œuvrer pour s'afficher en parti responsable".

Mais "pour la première fois depuis que Barnier est en poste, il y a un risque réel d'avoir une motion de censure contre lui", souligne-t-il.

- "Mort politique" -

Un raidissement attribué par nombre d'analystes aux ennuis judiciaires de Marine Le Pen, qui à l'instar de son parti est accusée de détournements de fonds publics européens, pour un préjudice de 4,5 millions d'euros.

Les réquisitions ont été lourdes à l'encontre de Mme Le Pen: cinq ans d'emprisonnement, dont deux ferme, 300.000 euros d'amende et cinq ans d'inéligibilité avec exécution immédiate, ce qui signifie qu'elle deviendrait inéligible dès le prononcé du verdict, même en cas d'appel.

"C'est ma mort politique qui est réclamée", considère la candidate trois fois malheureuse à la présidentielle française, qu'une condamnation empêcherait de concourir à celle de 2027.

Alors que le RN refuse officiellement de lier une éventuelle censure à ses ennuis judiciaires, le chercheur Olivier Costa voit dans les déclarations à répétition de ses cadres une "stratégie d'agitation" médiatique.

"Si le gouvernement Barnier tombe, plus personne ne se souciera du procès des assistants parlementaires du RN, alors qu'ils sont actuellement sous le feu de la rampe", estime-t-il.

- "Chienlit" -

Le vote de la motion de censure pourrait intervenir dans la deuxième quinzaine de décembre, si le gouvernement a recours à l'article 49.3.

"Est-ce que le RN passera réellement à l'acte? Je ne sais pas", souligne toutefois le politologue Pascal Perrineau, professeur à Sciences Po Paris, interrogé par l'AFP. Car il y aura selon lui "un coût politique" pour ceux qui feront tomber l'exécutif.

"Celui ou celle qui renversera le gouvernement privera le pays d'un budget et le précipitera dans le désordre et la chienlit", parce qu'"il n'existe aucune majorité alternative au socle qui soutient le gouvernement", a estimé le chef de la diplomatie française, Jean-Noël Barrot.

La porte-parole du gouvernement Maud Bregeon a elle évoqué le risque d'"un scénario à la grecque" pour la France, la censure du budget pouvant selon elle plonger le pays dans une crise financière.