Sur les terrasses, la douceur de vivre noyée dans le sang

Des clients sont assis à la terrasse du Carillon à Paris le 3 septembre 2021 où des djihadistes ont attaqué le 13 novembre 2015. (AFP)
Des clients sont assis à la terrasse du Carillon à Paris le 3 septembre 2021 où des djihadistes ont attaqué le 13 novembre 2015. (AFP)
Short Url
Publié le Mercredi 08 septembre 2021

Sur les terrasses, la douceur de vivre noyée dans le sang

  • A 21h24, trois hommes vêtus de noir, armés de kalachnikovs et de centaines de munitions sortent de la Seat noire et ouvrent le feu
  • Rue de Charonne, entre deux attaques, les tueurs apostrophent un piéton depuis leur véhicule. «L'Etat islamique est venu vous égorger ce soir»

PARIS: La nuit est tombée sur Paris. Il fait exceptionnellement doux ce 13 novembre 2015, alors les terrasses des nombreux bistrots qui s'alignent dans les rues des Xe et XIe arrondissements de la capitale sont noires de monde. Ambiance festive de vendredi soir.


Tous ceux qui se pressent autour des tables ou devant les comptoirs ignorent que deux fortes explosions viennent de secouer les abords du Stade de France, à quelques kilomètres de là, et qu'ils vont être les cibles d'une attaque qui va plonger le pays dans la terreur.


Aucun n'a d'ailleurs prêté attention à la Seat noire immatriculée en Belgique qui s'arrête au carrefour des rues Alibert et Bichat, devant le bar Le Carillon et le restaurant Le Petit Cambodge.


A 21h24, trois hommes vêtus de noir, armés de kalachnikovs et de centaines de munitions en sortent et ouvrent le feu. En quelques rafales, Abdelhamid Abaaoud, l'organisateur des attaques en cours, Chakib Akrouh et Brahim Abdeslam tuent 13 personnes.


Puis ils remontent en voiture en direction du XIe arrondissement. Deux minutes plus tard, à 400 m de là, ils mitraillent les terrasses de la pizzeria Casa Nostra et du café A la Bonne bière.


La voiture parcourt ensuite deux kilomètres vers l'est. A 21h36, elle passe devant la terrasse du bar La Belle équipe, où des groupes d'amis et de collègues fêtent un anniversaire ou la signature d'un contrat. "La terrasse était pleine et les gens joyeux", se rappelle Karima, une voisine de 42 ans passée quelque minutes plus tôt.


«Tranquilles»
La Seat, qui a fait demi-tour, s'y arrête à 21h36. Ses trois occupants y font un carnage: plus de 120 balles tirées et 21 morts.


La voiture repart et dépose Brahim Abdeslam près de la place de la Nation. A 21h41, il déclenche sa ceinture explosive dans un bar, le Comptoir Voltaire. Par chance, seule une partie de la charge - 1 à 2 kg de TATP garni de centaines d'écrous - explosera. Le djihadiste sera le seul à mourir, en blessant une quinzaine de personnes autour.


La Seat s'évanouit dans la nuit. En vingt minutes, ses occupants ont fait 39 morts et des dizaines de blessés, souvent graves.


A ceux qui ont échappé à leurs balles, les tireurs sont apparus froids, préparés, déterminés. 


De l'intérieur du Carillon, Alice, 31 ans, a vu un homme une arme à la main marcher rapidement mais calmement au milieu de la rue Bichat en tirant "tout droit devant lui". Allongée dans le bar, Cassandre, 30 ans, se souvient d'un tireur sans "aucune expression sur le visage", qui "ne faisait qu'exécuter les gens et les abattre comme des animaux".


A La Bonne bière, les assaillant sont arrivés "de manière tranquille, avec un sang-froid déconcertant", décrit Jeanine, 40 ans, qui a vu la scène depuis son appartement situé juste au-dessus.


A La Belle équipe, "ils ne semblaient pas en panique, ils ont pris tout leur temps", dira Fodil, qui passait en voiture. De son appartement voisin, Karima verra l'un des meurtriers "s'acharner sur les gens au sol" avant de remonter dans la Seat. "Il semblait très calme".


«Pas une blague !»
Rue de Charonne, entre deux attaques, les tueurs apostrophent un piéton depuis leur véhicule. "L'Etat islamique est venu vous égorger ce soir". Puis ils ajoutent, devant son incrédulité: "hé, ce n'est pas une blague !"


Seul Brahim Abdeslam montre quelques signes de fébrilité avant de se faire exploser. "Il ne semblait pas bien, il clignait très fort des yeux", se rappelle Patrice, 41 ans, qui l'a croisé sur la terrasse du Comptoir Voltaire avant qu'il ne se fasse exploser à l'intérieur.


Les trois tueurs ont laissé dans leur sillage des scènes de guerre et de désolation. Des corps ensanglantés sous des amas de tables et chaises, au milieu d'éclats de verre. Et partout des impacts de balles, sur les terrasses comme à l'intérieur des bars, des bâtiments autour aux véhicules en stationnement.


Fauchés sans préavis, employés et clients ont d'abord pensé "à des pétards". Ce n'est qu'une fois à terre qu'ils ont réalisé. 


Ils racontent d'abord le silence, entre sidération et peur de voir les assaillants revenir les "finir". Puis la panique, les cris. A La Belle équipe, Méline, 27 ans, n'a compris ce qui lui arrivait que lorsqu'elle a "vu des gens morts". Et senti la souffrance monter de son corps transpercé par sept balles ou éclats.


«Sauver les sauvables»
"J'ai entendu des gens crier comme jamais je n'ai entendu crier", dira Michaël, 38 ans, un client du Carillon qui, avant l'attaque, avait quitté la terrasse pour l'intérieur du bar car il avait "un peu froid". 


Les pompiers de Paris, sollicités de toutes parts, arrivent quelques minutes après les attaques.


C'est le chaos. Des survivants se jettent sur eux, leur demandent de sauver leur mari, femme, ami. Mais il leur faut faire le tri pour "sauver les sauvables", décrit l'adjudant-chef Christophe, qui a géré les premiers soins à La Belle équipe.


Des postes médicaux de fortune sont installés dans les bars ou courettes alentours pour stopper les hémorragies, parfois contenues avec des ceintures ou des bouts de vêtements déchirés, et évacuer ceux qui tiennent bon vers les hôpitaux.


Le Premier ministre Manuel Valls passait la soirée chez lui, non loin de La Belle équipe. Au milieu de ce tumulte, ses officiers de sécurité l'en exfiltrent difficilement. "Ils ne savent pas quelles sont les cibles", commente aujourd'hui l'ex-locataire de Matignon.


La Seat noire s'est à peine éclipsée que d'autres coups de feu sont signalés non loin de là, devant le Bataclan.


Mandat d'arrêt contre Netanyahu: Barrot évoque des «questions d'immunité» pour «certains dirigeants»

Le chef de la diplomatie française, Jean-Noël Barrot, interrogé mercredi sur la possibilité d'une arrestation en France du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, visé par un mandat d'arrêt de la Cour Pénale internationale (CPI), a évoqué de possibles "questions d'immunité" pour "certains dirigeants" prévues par le traité de Rome. (AFP)
Le chef de la diplomatie française, Jean-Noël Barrot, interrogé mercredi sur la possibilité d'une arrestation en France du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, visé par un mandat d'arrêt de la Cour Pénale internationale (CPI), a évoqué de possibles "questions d'immunité" pour "certains dirigeants" prévues par le traité de Rome. (AFP)
Short Url
  • "La France est très attachée à la justice internationale et appliquera le droit international, qui repose sur ses obligations à coopérer avec la CPI"
  • Tout en soulignant que le statut de la cour "traite des questions d'immunité sur certains dirigeants"

PARIS: Le chef de la diplomatie française, Jean-Noël Barrot, interrogé mercredi sur la possibilité d'une arrestation en France du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, visé par un mandat d'arrêt de la Cour Pénale internationale (CPI), a évoqué de possibles "questions d'immunité" pour "certains dirigeants" prévues par le traité de Rome.

"La France est très attachée à la justice internationale et appliquera le droit international, qui repose sur ses obligations à coopérer avec la CPI", a déclaré M. Barrot sur franceinfoTV, tout en soulignant que le statut de la cour "traite des questions d'immunité sur certains dirigeants". "C'est en dernier ressort à l'autorité judiciaire qu'il appartiendra de se prononcer", a-t-il ajouté.


Macron empoche une victoire diplomatique avec le cessez-le-feu au Liban

Il œuvrait depuis des semaines avec Washington à une trêve. L'annonce du cessez-le-feu au Liban offre à Emmanuel Macron une rare victoire diplomatique au Proche-Orient. (AFP)
Il œuvrait depuis des semaines avec Washington à une trêve. L'annonce du cessez-le-feu au Liban offre à Emmanuel Macron une rare victoire diplomatique au Proche-Orient. (AFP)
Short Url
  • "Pour la France, c'est un succès", abonde Agnès Levallois, vice-présidente de l'Institut de recherche et d'études sur la Méditerranée et le Moyen-Orient, en rappelant la douche froide de septembre où la même initiative avait été torpillée
  • Emmanuel Macron, qui s'était alors beaucoup impliqué au côté des Etats-Unis durant l'Assemblée générale des Nations unies, "avait vraiment pris ça comme une gifle", ajoute-t-elle

PARIS: Il œuvrait depuis des semaines avec Washington à une trêve. L'annonce du cessez-le-feu au Liban offre à Emmanuel Macron une rare victoire diplomatique au Proche-Orient, à quelques jours d'une visite d'Etat en Arabie saoudite.

"C'est un retour inespéré de la diplomatie française. Le Liban réhabilite le rôle de la France au Proche-Orient", résume à l'AFP Hasni Abidi, directeur du Centre d'études sur le monde arabe et méditerranéen à Genève.

"Pour la France, c'est un succès", abonde Agnès Levallois, vice-présidente de l'Institut de recherche et d'études sur la Méditerranée et le Moyen-Orient, en rappelant la douche froide de septembre où la même initiative avait été torpillée au dernier moment par le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu.

Emmanuel Macron, qui s'était alors beaucoup impliqué au côté des Etats-Unis durant l'Assemblée générale des Nations unies, "avait vraiment pris ça comme une gifle", ajoute-t-elle.

Les Français sont restés depuis activement engagés dans les négociations, de concert avec les Américains, même si les Israéliens ont "voulu les en faire sortir", souligne une source française proche du dossier.

Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, dont les relations avec le président français sont notoirement tendues, a d'ailleurs, mardi soir, avant tout remercié l'américain Joe Biden "pour son implication" dans la trêve.

Le locataire sortant de la Maison Blanche a en revanche salué son homologue français pour "son partenariat" dans la négociation, entre Israël et le Hezbollah.

"Besoin de nous" 

Selon plusieurs sources sollicitées par l'AFP, Américains et Libanais ont insisté pour que la France reste dans le jeu en raison notamment de ses contacts avec le mouvement chiite libanais et l'Iran, qui le soutient.

"Les Américains avaient besoin de nous pour le Hezbollah", affirme un diplomate français. "Ils ont essayé de jouer (tout seuls) mais ça n'a pas marché donc les Français ont apporté leur plus-value traditionnelle", dit-il.

La France, en perte de vitesse ces dernières années au Moyen-Orient, retrouve ainsi sa "place traditionnelle" entre les différents acteurs de la région, relève-t-il. "De ce point de vue là, c'est une victoire".

Selon Hasni Abidi, les Libanais ont de leur côté "insisté sur la présence de la France car ils ne font pas confiance aux Américains, qui ont montré leur alignement total sur la position israélienne".

L'annonce tombe en tout cas à pic pour Emmanuel Macron, en mauvaise posture en France depuis la dissolution ratée de l'Assemblée nationale en juin et qui espère retrouver du souffle sur la scène internationale.

Le chef de l'Etat a jusqu'ici rarement été récompensé de ses efforts diplomatiques, de la Libye à l'Ukraine, où il a même essuyé de vives critiques pour avoir continué à dialoguer avec Vladimir Poutine après le début de l'offensive russe en février 2022.

Sans oublier le Liban, ancien protectorat français, où Emmanuel Macron a tenté en vain depuis 2020 de résoudre la crise institutionnelle qui paralyse le pays en mettant la pression sur ses responsables politiques.

"Mission délicate" 

Une telle annonce à quelques jours de sa visite d'Etat en Arabie saoudite, du 2 au 4 décembre, constitue aussi un atout potentiel pour le président français.

Il peut "essayer d'embarquer les Saoudiens" en faveur d'une stabilisation du Liban, notamment financière, même si le prince héritier Mohammed ben Salmane n'a peut-être "pas (forcément) cet objectif", esquisse Agnès Levallois.

Au-delà de l'annonce, le chemin s'annonce encore long pour la mise en œuvre effective du cessez-le-feu sur le terrain même si Paris et Washington vont "veiller" à ce que ce soit le cas.

Benjamin Netanyahu a d'ores et déjà annoncé qu'Israël conserverait une "totale liberté d'action militaire" au Liban, "en accord" avec les Etats-Unis, et "répondra" si le Hezbollah viole la trêve.

"Concrètement, comment les choses vont-elle se passer s'il y a un problème ?", s'interroge Agnès Levallois en notant que l'armée libanaise n'aura "pas beaucoup de moyens" pour faire tampon entre le mouvement chiite et l'armée israélienne.

Face à tous ces enjeux, "la France est face à une mission délicate: conserver son indépendance et sa ligne d'influence tout en gardant la confiance de tous les acteurs", avertit Hasni Abidi.


Mandat d'arrêt de la CPI contre Netanyahu: la France «doit appliquer les règles», estime Braun-Pivet

Paris a "pris acte" jeudi de ces mandats d'arrêt, rappelant "son attachement au travail indépendant de la Cour" mais sans dire explicitement si la France procéderait à leur arrestation si ces personnes se rendaient sur son territoire.  L'Italie et le Royaume-Uni ont en revanche immédiatement annoncé qu'ils respecteraient leur engagement auprès de la CPI. (AFP)
Paris a "pris acte" jeudi de ces mandats d'arrêt, rappelant "son attachement au travail indépendant de la Cour" mais sans dire explicitement si la France procéderait à leur arrestation si ces personnes se rendaient sur son territoire. L'Italie et le Royaume-Uni ont en revanche immédiatement annoncé qu'ils respecteraient leur engagement auprès de la CPI. (AFP)
Short Url
  • La Cour pénale internationale, à laquelle Israël n'a pas adhéré et dont les États-Unis se sont retirés, a lancé jeudi des mandats d'arrêt à l'encontre de Benyamin Netanyahu et du chef de la branche armée du Hamas palestinien Mohammed Deif
  • "A partir du moment où la France est signataire, adhérente du statut de Rome et reconnaît la CPI, je pense qu'elle doit appliquer les règles qui en découlent, il n'y a pas de raison d'y déroger", a expliqué Yaël Braun-Pivet sur Sud radio

PARIS: La présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet (Renaissance) a estimé mardi qu'en tant que signataire du statut de la Cour pénale internationale, la France "doit appliquer les règles" et arrêter le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu s'il venait sur le territoire hexagonal.

"A partir du moment où la France est signataire, adhérente du statut de Rome et reconnaît la CPI, je pense qu'elle doit appliquer les règles qui en découlent, il n'y a pas de raison d'y déroger", a expliqué Yaël Braun-Pivet sur Sud radio.

La Cour pénale internationale, à laquelle Israël n'a pas adhéré et dont les États-Unis se sont retirés, a lancé jeudi des mandats d'arrêt à l'encontre de Benyamin Netanyahu et du chef de la branche armée du Hamas palestinien Mohammed Deif pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité.

"C'est toute la difficulté de la justice internationale (...), c'est quand même compliqué d'avoir une justice qui n'est pas reconnue par tous", a estimé la présidente de l'Assemblée française, défendant néanmoins "la stricte application du droit".

"En vertu de la séparation des pouvoirs, je n'ai pas d'injonction à faire au gouvernement et au pouvoir exécutif", a-t-elle précisé, "mais, en tout état de cause, il nous faut tirer les conséquences de cette adhésion à la CPI, évidemment".

Paris a "pris acte" jeudi de ces mandats d'arrêt, rappelant "son attachement au travail indépendant de la Cour" mais sans dire explicitement si la France procéderait à leur arrestation si ces personnes se rendaient sur son territoire.

L'Italie et le Royaume-Uni ont en revanche immédiatement annoncé qu'ils respecteraient leur engagement auprès de la CPI.

A l'inverse, la Hongrie a invité le chef du gouvernement israélien en signe de défiance.