BERLIN : Cinq ans tout juste après avoir accueilli dans la douleur des centaines de milliers de réfugiés, des villes et régions allemandes réclament de nouveau avec insistance de prendre en charge des migrants après l'incendie du camp grec de Moria.
Ces appels, qui fait ressurgir le débat ayant agité le pays à l'époque, proviennent de la gauche, des Verts mais aussi de certains responsables conservateurs après le feu qui a ravagé le camp insalubre où s'entassent plus de 12.000 personnes sur l'île grecque de Lesbos.
Cette "catastrophe humanitaire", selon le ministre des Affaires étrangères, Heiko Maas, occupait la une de tous les grands titres de la presse jeudi.
Des manifestations dans tous le pays, en particulier à Berlin, ont également rassemblé plusieurs milliers de personnes mercredi soir, assurant sur leurs banderoles: "Nous avons de la place!"
La Rhénanie du Nord-Westphalie, la région la plus peuplée d'Allemagne, s'est dite prête à prendre en charge jusqu'à un millier de migrants coincés à Moria
"Nous avons besoin de deux choses: une aide immédiate pour Moria et une aide européenne durable pour la prise en charge des enfants et des familles", a assuré le dirigeant de la région, Armin Laschet, successeur potentiel d'Angela Merkel l'an prochain et qui brigue la tête de leur parti conservateur en décembre.
Fait notable: Armin Laschet est un des rares responsables politiques à s'être rendu en août dans le camp qualifié de "honte pour l'Europe entière" par plusieurs ONG alors que son parti, l'Union chrétienne-démocrate (CDU) a mis la barre à droite sur les questions d'immigration depuis 2016.
D'autres Länder comme la Basse-Saxe ou la Thuringe lui ont emboîté le pas.
Le gouvernement fédéral leur a toutefois opposé à ce jour une fin de non-recevoir en réaffirmant privilégier un compromis européen sur la répartition des migrants sur le continent.
"Bonne volonté"
"Les capacité d'accueil, la place existent, il y a la bonne volonté extrêmement grande de Länder et de communes", a insisté la co-présidente des Verts, Annalena Baerbock.
Depuis des mois, les maires de communes enjoignent au gouvernement d'Angela Merkel d'agir.
Dans les villes comme Berlin ou Hambourg, des banderoles fleurissent aux fenêtres depuis le printemps: "Evacuer Moria" ou "#LeaveNoOneBehind" ("ne laisser personne derrière").
Un collectif d'ONG a fait installer lundi 13.000 chaises devant le Reichstag, le bâtiment qui abrite la chambre des députés, pour réclamer l'évacuation des migrants de Lesbos.
Plus de 170 communes, de Hambourg à Cologne en passant par Munich, se sont également regroupées pour réclamer la prise en charge des personnes sauvées en mer Méditerranée.
Une décision qui contraste avec l'automne et l'hiver 2015 quand de nombreuses villes avaient été contraintes, faute de place, d'installer des réfugiés dans des casernes désaffectées, des gymnases et des containers.
A l'époque, beaucoup avaient tiré la sonnette d'alarme, affirmant être débordés.
Lits vides
Mais cinq ans plus tard, des élus locaux assurent disposer de nombreuses lits vides dans des foyers de demandeurs d'asile.
"Notre ville a les capacités en terme de personnel et d'organisation", a ainsi réaffirmé le responsable des Affaires intérieure de la ville de Berlin, Andreas Geisel.
La gestion de la "crise" par la capitale allemande avait pourtant été l'une des plus erratiques, avec des gens contrains d'attendre dehors des jours durant pour se faire enregistrer.
Cet été, Berlin a sans succès concrétisé sa proposition en voulant accueillir 300 réfugiés, tout comme la Thuringe.
"C'est pour moi incompréhensible que l'Etat fédéral ne permette pas aux communes qui y sont prêtes de fournir une aide rapide et solidaire", a déploré le maire de Berlin, Michael Müller.
La municipalité veut présenter un programme d'accueil devant les représentants des Etats régionaux au Bundesrat.
L'arrivée de centaines de milliers de réfugiés en 2015 avait dans un premier temps suscité un immense élan de solidarité parmi les Allemands.
Mais le vent avait ensuite tourné, notamment à la lumière des agressions sexuelles du Nouvel An 2016 à Cologne attribuées à des migrants nord-africains, et de faits divers utilisés par l'extrême droite pour dénoncer la politique d'accueil.
L'Allemagne compte actuellement quelque 1,8 million de personne ayant obtenu ou demandé le statut de réfugié, toutes nationalités confondues.