KINSHASA: Kinshasa a renoué cette année avec ses "performeurs" costumés de canettes, lanières de chambres à air, morceaux de miroirs et autres matériaux récupérés dans les poubelles, pour une 5e édition du festival "KinAct", qui veut sensibiliser la population à l'environnement autant qu'à l'art.
Un défilé dans les rues poussiéreuses et jonchées de détritus du quartier populaire de Makala, dans le sud de la tentaculaire capitale congolaise, a clôturé samedi ces "rencontres internationales", en mode réduit pour cause de Covid-19. L'an dernier, elles avaient été annulées du fait de la pandémie.
Eddy Ekete, artiste plasticien congolais de 43 ans, qui partage son temps entre la France et Kinshasa, est l'initiateur de KinAct, le précurseur, célèbre pour ses costumes constitués de centaines de canettes vides de sodas en tous genres.
Il a réalisé son premier exemplaire il y a 13 ou 14 ans, dit-il à l'AFP, avant que lui-même, avec sa stature de basketteur, n'enfile l'impressionnant costume pour la parade finale dans la rue principale du quartier, en file indienne dans la circulation chaotique des motos-taxis et minibus bondés.
"Nous voulons amener les arts dans les rues, chez les habitants, au marché...", explique l'ancien élève des Beaux-Arts de Kinshasa. "Parler aussi des déchets" qui, rappelle l'artiste, "sont des déchets importés". Et enseigner, aux enfants surtout, à "regarder la poubelle", à se dire que "si je récupère un objet je peux le rendre un peu utile".
L'homme caoutchouc, par exemple, en morceaux de pneus et chambres à air, rappelle la culture coloniale et brutale de l'hévéa au Congo, mais trouve aussi sa place dans la parade d'une vingtaine de costumes parce qu'il est très noir. "C'est le côté crade de Kinshasa", estime Eddy.
«Tout se transforme»
"Kinshasa est sale, très sale, et ça fait longtemps", appuie Patrick Kitete, pour qui ce festival doit amener à s'interroger "sur ce qu'on fait avec ces déchets". Lui exprime son art avec des "miroirs brisés, parce que l'Afrique est brisée".
Il endosse un costume appelé "miroir guerrier", avec casque et machettes. Mais il a aussi confectionné un superbe "miroir sapeur", du nom de ces Congolais fondus de beaux habits se réclamant de la "société des ambianceurs et des personnes élégantes".
Des cris d'admiration saluent l'apparition des deux hommes-miroirs lorsqu'ils sortent de la cour de la maison servant de loge aux artistes. Celle de l'homme en fibres de noix de coco fait un peu peur à la nuée d'enfants massés devant le portail. Les costumes en plumes des "enfants poulets" les amusent.
Tous s'agglutinent autour des performeurs, les suivent en riant, en chantant, au son d'une musique jouée elle aussi sur de drôles d'instruments nés des poubelles: une batterie en bidons en plastique et couvercles de casseroles, une sorte de xylophone dont la caisse de résonance est un réservoir à essence de moto.
Les adultes non plus n'en reviennent pas, se demandent qui sont ces drôles de personnages. Sous son parasol troué, Gisèle, marchande de petits pains, ne sait pas trop mais trouve que "c'est très bien", cette animation dans un quartier qui n'en a guère.
"KinAct 5" aura duré trois semaines, avec une équipe qui espère pouvoir voir plus grand l'année prochaine. En attendant, les artistes vont continuer à se retrouver dans leur QG "Ndaku Ya La vie est belle" de Matonge, autre quartier populaire de Kinshasa réputé pour sa musique et ses bars.
Des costumes y sont exposés, composés de tongs, de coques de téléphones portables, fils électriques, bouchons ou paquets de cigarettes. Une inscription sur un mur accueille les visiteurs: "Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme".