ADDIS ABEBA: Plus de 150 camions d'aide humanitaire sont parvenus ces deux derniers jours dans la région éthiopienne du Tigré, où, selon l'ONU, des millions de personnes sont menacées de famine, ont annoncé samedi les autorités éthiopiennes.
Jeudi, le coordinateur humanitaire par interim de l'ONU en Éthiopie, Grant Leaity, avait dénoncé "un blocus de facto de l'aide humanitaire" vers le Tigré, qui va encore "aggraver" la crise en cours dans cette région théâtre d'un conflit armé depuis dix mois.
Et vendredi, l'Union africaine (UA) avait appelé le gouvernement éthiopien à faire "davantage" pour permettre l'acheminement de l'aide humanitaire au Tigré et "garantir que la population ne meure pas de faim".
Depuis une semaine, les autorités éthiopiennes ont déployé des efforts "pour mieux coordonner et faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire" vers le Tigré, a indiqué samedi le ministère éthiopien de la Paix.
Dans un communiqué publié sur Twitter, le ministère assure qu'environ 500 camions sont parvenus au Tigré depuis une semaine, dont 152 ces deux derniers jours, et que le nombre de points de contrôle avait été réduit de sept à deux.
En novembre 2020, le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed a envoyé l'armée fédérale au Tigré pour destituer les autorités régionales issues du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF), en réponse, selon lui, à des attaques contre des camps militaires fédéraux, orchestrées par le TPLF qui défiait depuis plusieurs mois son autorité.
Le prix Nobel de la paix 2019 avait annoncé une victoire rapide mais le conflit s'est enlisé et les troupes du TPLF ont repris depuis fin juin l'essentiel du Tigré. Le conflit a en outre débordé depuis vers les régions voisines d'Afar et d'Amhara, plongeant le Nord de l'Éthiopie dans une grave crise humanitaire.
100 camions quotidiens nécessaires
Au Tigré, "les stocks d'aide humanitaire, d'argent liquide et de carburant sont très bas ou complètement épuisés. Les stocks de nourriture étaient déjà épuisés le 20 août", avait averti jeudi Grant Leaity, dans un communiqué.
"Sans la possibilité d'apporter des quantités suffisantes et importantes de fournitures humanitaires, d'argent et de carburant, la situation humanitaire dans le Nord de l'Éthiopie va s'aggraver considérablement, en particulier dans la région du Tigré", avait-il poursuivi.
Il estime qu'un minimum de 100 camions "de nourriture, de biens non alimentaires et de carburant devaient entrer quotidiennement au Tigré pour fournir une réponse adéquate et durable".
Selon l'ONU, environ 90% des 5,2 millions d'habitants du Tigré ont besoin d'aide humanitaire. Quelque 400 000 personnes au Tigré sont en situation de famine, laquelle menace des millions d'autres dans le Nord de l'Éthiopie, dont 1,7 million dans les régions d'Afar et d'Amhara.
Les autorités éthiopiennes et les rebelles tigréens s'accusent mutuellement d'entraver les convois humanitaires qui tentent d'atteindre le Tigré.
L'agence humanitaire de l'ONU, Ocha, a indiqué dans une note d'information jeudi que la route reliant Semera (région Afar) et Abala (Tigré) n'était plus utilisable depuis le 22 août, en raison de l'insécurité et de problèmes bureaucratiques et logistiques.
Selon Ocha, la police régionale afar a bloqué le 24 août une mission onusienne en route vers Abala, est entrée de force dans des véhicules onusiens pour les renvoyer vers Semera, "agressant verbalement, harcelant et menaçant" l'équipe.
Ocha se plaint également des retards pris par le gouvernement pour autoriser chacun de ses vols bihebdomadaires vers le Tigré et des fouilles "intrusives et approfondies" dont font l'objet à Addis Abeba, au départ et à l'arrivée, tous les passagers de ses vols, dont des hauts responsables de l'ONU.