CHAMAN, PAKISTAN : "Maintenant, il y a la paix". A la frontière pakistanaise, des familles afghanes attendent impatiemment de rentrer au pays, loin de Kaboul où des milliers d'autres tentent désespérément de fuir.
Du poste-frontière pakistanais de Chaman, où elles stationnent avec des camions chargés de tapis, draps, vêtements et même de chèvres, elles ont une vue imprenable sur le sud de leur pays, l'Afghanistan.
Ils sont environ 200 à attendre impatiemment d'y rentrer, à l'inverse des milliers de leurs compatriotes qui assiègent l'aéroport de Kaboul pour fuir le pays, dans un chaos dont les images ont fait le tour du monde depuis la reconquête surprise mi-août de Kaboul et du pays par les islamistes.
Eux qui ont fui la guerre entre Occidentaux et talibans lors des deux dernières décennies estiment que le nouveau pouvoir a ramené ce qu'ils recherchent avant tout: la paix.
"Nous avons quitté l'Afghanistan à cause des bombardements et autres problèmes qui ont affecté les musulmans. Mais maintenant, grâce à Allah, la situation est normale, donc nous y revenons", explique à l'AFP l'un d'eux, Molavi Shaib.
"Maintenant la paix a été rétablie", abonde un autre, Muhammad Nabi.
Marquée par une tranchée de trois mètres de profondeur remplie de barbelés, la frontière séparant Chaman de la ville afghane de Spin Boldak, principal point d'entrée des marchandises dans le sud afghan, voit passer chaque jour des milliers de personnes.
Avec l'offensive des talibans, le Pakistan y a renforcé les contrôles et la sécurité, compliquant parfois le passage.
"Nous avons nos affaires, nos femmes et enfants attendent. Nous voulons traverser mais on n'y est pas autorisé. On demande au gouvernement pakistanais de pouvoir le faire car il n'y a plus de guerre", ajoute Muhammad Nabi.
Près de deux millions d'Afghans ont fui au Pakistan au cours des quatre dernières décennies où la guerre a ravagé l'Afghanistan. Et Islamabad clame depuis plusieurs années ne pouvoir en accueillir davantage.
Au Pakistan, nombre de réfugiés afghans se sont sentis mal accueillis et largement discriminés.
Ils sont un facteur important de la délicate équation diplomatique entre l'Afghanistan et le Pakistan. Ces 20 dernières années, le désormais ancien régime pro-occidental de Kaboul n'a cessé d'accuser Islamabad, historiquement proche des talibans qui se sont en partie réfugiés chez lui, de les soutenir.
Sur la plaine nue du poste-frontière de Chaman, des dizaines de camions empoussiérés, chargés d'affaires et d'enfants, sont garés, le temps de remplir les papiers nécessaires et d'être autorisés à passer.
A l'arrière d'un des camions, un adolescent porte un bébé à côté d'un tas d'affaires d'où émergent un seau, un lit, un vélo. Séparé de lui par une chèvre blanche, un autre garçon est assis sur un coussin jaune.
Tous estiment qu'ils auront désormais une vie meilleure en Afghanistan.
Originaire de Ghazni, une province située plus au nord, sur la route de Kaboul, Wali Ur Rahman se dit "heureux" d'y retourner.
Ghazni, peuplée notamment de pachtounes, l'ethnie d'origine des talibans, était depuis près de 20 ans un point chaud de la guerre entre les forces afghanes et occidentales d'un côté, les rebelles islamistes de l'autre.
"Nous serons bien mieux là-bas", ajoute Wali Ur Rahman. Bien éloigné de ses compatriotes qui, à Kaboul notamment, craignent de violentes représailles des talibans contre ceux qui ont travaillé pour l'ancien gouvernement ou avec des Occidentaux.
La Turquie retire ses troupes d'Afghanistan et renonce à sécuriser l'aéroport de Kaboul
ANKARA : La Turquie a annoncé mercredi soir avoir commencé à retirer ses troupes d'Afghanistan, abandonnant ainsi sa proposition de continuer à assurer la sécurité de l'aéroport de Kaboul après le retrait des forces américaines.
"Les éléments des forces armées turques en mission à l'aéroport Hamid Karzaï en Afghanistan ont commencé à être évacués. Les forces armées turques retournent dans notre patrie", a déclaré le ministère de la Défense dans un communiqué.
Près de 500 militaires turcs non combattants se trouvaient en Afghanistan dans le cadre d'une mission de l'Otan.
Avant l'annonce du retrait de ses troupes, la Turquie avait mené des négociations avec Washington et les talibans pour continuer à assurer la sécurité de l'aéroport de Kaboul après le retrait des troupes américaines, qui devrait être accompli mardi.
Mais la prise de Kaboul le 15 août par les talibans, après une offensive de 10 jours qui a vu s'effondrer les forces afghanes et provoqué la fuite du président Ashraf Ghani à l'étranger, a bouleversé les plans de la Turquie, lui enlevant la possibilité d'endosser un rôle dont elle espérerait des retombées positives pour ses relations - tumultueuses - avec les Etats-Unis.
Lors d'un discours intervenant au même moment que l'annonce du retrait des troupes d'Ankara, le président turc Recep Tayyip Erdogan a exprimé son souhait de continuer à jouer un rôle en Afghanistan.
"La Turquie poursuivra un dialogue rapproché avec toutes les parties en Afghanistan", a-t-il affirmé.
"La Turquie continuera de contribuer par tous les moyens à la paix et la prospérité de la population afghane", a tweeté de son côté le porte-parole de la présidence turque Ibrahim Kalin.
M. Erdogan fait face à une pression croissante de la part de l'opposition turque et d'une partie de son électorat, qui craignent une vague de migrants provenant d'Afghanistan.
La Turquie accueille actuellement plus de quatre millions de migrants, dont une majorité de Syriens qui sont arrivés à la suite d'un accord signé en 2016 entre Ankara et l'UE pour stopper l'afflux de migrants vers l'Europe.
La Turquie construit aussi un mur à sa frontière orientale avec l'Iran, dans le but d'"arrêter complètement" les entrées illégales sur son territoire, selon le chef de l'Etat.
"La Turquie, qui accueille déjà cinq millions de réfugiés, ne peut supporter un fardeau migratoire supplémentaire", a affirmé M. Erdogan samedi.
Selon le ministère turc de la Défense, Ankara a évacué 1129 personnes d'Afghanistan, un chiffre qui diffère des 1404 personnes précédemment évoquées par le ministre turc des Affaires étrangères.