KABOUL : Les autorités afghanes ont établi un plan colossal afin de démolir le dédale de murs pare-souffle dans la capitale, initialement érigé afin de protéger les dirigeants politiques, les responsables officiels et les missions étrangères pendant le plus clair des vingt dernières années.
La nouvelle a été dévoilée à Arab News lundi par le maire de la ville.
Renforcées d'acier, ces structures mobiles, composées de murs en T de douze pieds de haut dits «de Bremer», font partie du paysage de Kaboul.
La décision de la municipalité survient après que les talibans se soient emparés du contrôle militaire du pays. Des combattants de ce groupe auraient pourtant commis des attentats suicides et piégé nombre de voitures, ce qui a initialement incité les autorités à ériger des murs en béton en guise de protection.
Toutefois, depuis leur retour au pouvoir, les talibans clament haut et fort qu’ils s’engagent à maintenir la paix, et à former un «gouvernement inclusif».
«Nous avons commencé à ôter les obstacles (qui entourent) les institutions publiques», explique le maire de Kaboul, Daoud Sultanzoy. «Les bâtiments privés suivront, et les ambassades, dépendamment de leur situation, sont invités à faire de même. Notre objectif est de dégager (toutes les rues) de Kaboul. Le processus prendra des mois à compléter, car le nombre de ces murs en béton est très élevé alors que celui des machines n’est pas suffisant».
Sultanzoy occupait le poste de maire sous l'ancien président Ashraf Ghani, qui a fui la capitale quelques heures après que les talibans aient pris le palais présidentiel.
Les autorités comptaient retirer les murs en T il y a quelque temps. Mais «des hommes forts et des chefs de faction, dont le chef du parlement», les en auraient empêchés.
Dans certains quartiers de Kaboul, des rues entières sont cachées par les structures, ce qui donne à la ville l’aspect d’une «étrange forteresse» et restreint considérablement la circulation.
«Ces murs créent un environnement pesant pour les habitants de Kaboul, car ils bloquent les rues», ajoute le maire.
Selon un responsable de la municipalité, qui s’exprimait sous le couvert de l'anonymat car il n’est pas autorisé à parler aux médias, plus de 3 700 murs en T ont été érigés rien que dans un seul des 22 districts de Kaboul.
Ceux-ci s'ajoutent à près de 8 400 autres installés dans les complexes des forces de l'OTAN, menées par les États-Unis, et qui doivent quitter l'Afghanistan d'ici la fin du mois.
«Des centaines d'autres protègent les ambassades, les institutions publiques et les dirigeants», confie le responsable.
La capitale a vu progressivement augmenter le nombre de barrières blindées dans les dernières années, à la suite de la recrudescence des attaques de commando des militants talibans et les voitures piégées posées par Daech, et qui ont causé des ravages.
Parmi ces attaques figure celle effectuée il y a quelques semaines contre l'ancien ministre de la Défense, le général Besmillah Khan Mohammadi, à l’aide d’un véhicule chargé d'explosifs dans un quartier huppé de Kaboul. Les talibans ont revendiqué l’attentat.
Les résidents de Kaboul applaudissent cette opération, car les murs de Bremer donnent l'impression que la ville est dans un «état de guerre perpétuel».
«(Ôter les murs de béton) est une excellente initiative», confie le chauffeur de taxi Fateh Shah à Arab News. «La ville avait l'air d'être constamment en guerre. Nous sommes heureux car ceci va entraîner une réduction des embouteillages et faciliter la circulation», se réjouit-il.
D'autres rappellent que si le but initial des murs en T est de protéger certains secteurs, ils «constituent en revanche un casse-tête» pour la sécurité des piétons et des automobilistes.
«Ils n’ont aucune utilité pour les autres (usagers du réseau routier). (Les autorités) ont bloqué les routes et créé des problèmes qui compliquent par exemple l'accès aux hôpitaux», explique à Arab News Kirban Ali, un fonctionnaire à la retraite. «Les gens se sont retrouvés à maintes reprises piégés après une explosion, et les évacuer devenait quasi impossible en raison de ces obstacles».
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com