LONDRES : Tony Blair, le Premier ministre britannique qui a déployé des troupes en Afghanistan il y a 20 ans après les attentats du 11 septembre, déclare que la décision des États-Unis de se retirer du pays est « saluée par tous les groupes djihadistes du monde entier ».
Dans un long texte publié sur son site Web samedi soir, l'ancien chef du parti travailliste déclare que le retrait soudain et chaotique qui a permis aux talibans de reprendre le pouvoir risque de saper tous les progrès réalisés en Afghanistan au cours des deux dernières décennies, notamment en matière de niveau de vie et d'éducation des filles.
« L'abandon de l'Afghanistan et de son peuple est tragique, dangereux, inutile, ni dans leurs intérêts ni dans les nôtres », déclare Blair, qui a été Premier ministre de 1997 à 2007, une période qui l'a également vu soutenir la guerre menée par les États-Unis en Irak en 2003.
« Le monde ne sait plus quelle est la position de l'Occident parce qu'il est clair que la décision de se retirer de l'Afghanistan de cette manière ne relève pas d’une grande stratégie mais de politique », ajoute-t-il.
Blair accuse également le président américain Joe Biden de « se conformer à un slogan politique imbécile sur la fin des “guerres éternelles“, comme si notre engagement en 2021 était comparable à notre engagement d'il y a 20 ou même 10 ans ».
L'ancien Premier ministre, dont la réputation au Royaume-Uni a été érodée à cause de l'incapacité à trouver les prétendues armes de destruction massive invoquées pour justifier l'invasion de l'Irak par la coalition américaine, souligne que la Grande-Bretagne a une « obligation morale » de rester en Afghanistan jusqu'à ce que tous ceux qui doivent en être évacués le soient.
« Nous devons évacuer et accueillir ceux envers qui nous avons des responsabilités – ces Afghans qui nous ont aidés et soutenus et ont le droit d'exiger que nous soyons à leurs côtés », dit-il.
Comme d'autres pays, la Grande-Bretagne tente d'évacuer ses alliés afghans ainsi que ses propres citoyens d'Afghanistan, mais à l’approche de la date limite du 31 août imposée par les États-Unis c'est une course contre la montre.
En plus des quelque 4 000 citoyens britanniques, le pays compterait environ 5 000 alliés afghans, tels que des traducteurs et des chauffeurs qui sont éligibles à une place dans l’avion. Le ministère de la Défense indique dimanche que près de 4.000 personnes ont été évacuées jusqu'à présent.
Blair reconnait que des erreurs ont été commises au cours des deux dernières décennies, mais ajoute que les interventions militaires peuvent être nobles dans leur intention, en particulier lorsqu'il s’agit de contrer une menace islamiste extrême.
« Aujourd'hui, nous semblons considérer l'instauration de la démocratie comme une illusion et une intervention pratiquement perdue d’avance », dit-il.
Blair avertit également que la décision des États-Unis de garder la Grande-Bretagne à l’écart du retrait risque de reléguer le pays au rang de « deuxième division des puissances mondiales ».
Cependant, il souligne que le Royaume-Uni qui détient actuellement la présidence du Groupe des Sept nations, est en mesure d'aider à coordonner une réponse internationale pour « demander des comptes au nouveau régime ».
Le gouvernement conservateur britannique œuvre diplomatiquement pour s'assurer qu'il n'y ait pas de reconnaissance unilatérale d'un gouvernement taliban en Afghanistan.
« Nous devons dresser une liste d'incitations, de sanctions, d'actions que nous pouvons prendre, y compris pour protéger la population civile afin que les talibans comprennent que leurs actions auront des conséquences », conclut Blair.
Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com