KIGALI: L'avocat belge de Paul Rusesabagina, ancien hôtelier dont l'histoire a inspiré le film "Hotel Rwanda" et qui est accusé de "terrorisme", a été expulsé samedi soir du Rwanda pour "avoir enfreint la loi sur l'immigration", a-t-on appris auprès du directeur général de l'Immigration.
Les autorités rwandaises reprochent à Vincent Lurquin, arrivé lundi dans le pays avec un visa touristique, de s'être présenté à vendredi une audience dans un tribunal de Kigali "pour représenter Paul Rusesabagina en portant un uniforme d'avocat", alors que "son visa lui permettait de visiter le pays (...) mais pas de travailler", a déclaré Regis Gatarayiha, chef de la Direction générale de l'Immigration et de l'Émigration du Rwanda.
Vincent Lurquin n'est pas l'avocat officiel de Paul Rusesabagina, qui possède la nationalité belge, lors de son procès qui s'est tenu de février à juillet pour son soutien présumé au Front de libération nationale (FLN), groupe rebelle accusé d'attaques meurtrières au Rwanda.
Il est défendu à son procès par une avocate rwandaise.
M. Lurquin avait déploré vendredi de s'être vu refuser l'accès à la prison où M. Rusesabgina est détenu dans l'attente du verdict. "Depuis un an, il n'a pas pu faire le choix de son avocat, c'est un droit élémentaire", avait déclaré l'avocat bruxellois devant la presse.
La prison à vie a été requise contre l'ancien directeur de l'hôtel des Mille Collines à Kigali, rendu célèbre en 2004 par le film "Hotel Rwanda" qui raconte comment il a sauvé plus de 1 000 personnes au cours du génocide de 1994.
Ce virulent opposant au président Paul Kagame est visé par neuf chefs d'accusation, dont celui de "terrorisme".
La date de l'annonce du verdict, initialement prévue vendredi, a été fixée au 20 septembre, a annoncé le tribunal lors de l'audience à laquelle s'est rendu M. Lurquin.
Le Barreau du Rwanda avait condamné sur Twitter le fait qu'il se soit rendu à l'audience "en tant qu'avocat, en robe d'avocat, alors qu'il n'est pas membre du Barreau du Rwanda et qu'il n'est pas autorisé à exercer au Rwanda" et l'avait sommé "d'expliquer son comportement".
La porte-parole du gouvernement, Yolanda Makolo, avait également dénoncé un "comportement tordu", "une violation flagrante des règles de la pratique juridique au Rwanda", tandis qu'un conseiller du président Paul Kagame, Mauro de Lorenzo, a fustigé une "tactique de communication minable pour détourner l'attention sur lui parce qu'il sait que son 'client' est coupable".
Paul Rusesabagina a participé à la fondation en 2017 du Mouvement rwandais pour le changement démocratique (MRCD), dont le FLN est considéré comme le bras armé. Mais il nie toute implication dans des attaques menées par ce groupe en 2018 et 2019, qui ont fait neuf morts.
M. Rusesabagina et sa défense ont boycotté les audiences depuis mars, protestant contre un procès "politique" rendu possible par son "enlèvement" et contre la violation de ses droits à la défense.
Ses avocats et ses proches ont régulièrement dénoncé l'impossibilité de le rencontrer depuis son arrestation dans des conditions troubles à Kigali en août 2020. Vivant en exil depuis 1996 aux États-Unis et en Belgique, il a été arrêté à la descente d'un avion qu'il pensait être à destination du Burundi.