Conflit en Ethiopie: prise en tenaille, la minorité Qemant fuit vers le Soudan

Des Éthiopiens de l'ethnie Qemant ont fui vers le Soudan voisin après que les violences dans la région du Tigré se soient propagées chez eux. AFP
Des Éthiopiens de l'ethnie Qemant ont fui vers le Soudan voisin après que les violences dans la région du Tigré se soient propagées chez eux. AFP
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Publié le Samedi 21 août 2021

Conflit en Ethiopie: prise en tenaille, la minorité Qemant fuit vers le Soudan

  • «Des maisons ont été brûlées, et des gens tués avec des machettes», affirme Emebet Demoz, qui a fui le mois dernier
  • Comme Emebet Demoz, quelque 3.000 Qemants sont arrivés au Soudan ces dernières semaines, selon des responsables soudanais

BASINGA, Soudan: Rattrapés par des combats s'étendant désormais à leurs villages dans le nord de l'Ethiopie, des membres de la minorité ethnique Qemant disent n'avoir pas eu d'autre choix que de fuir au Soudan voisin.

"Des maisons ont été brûlées, et des gens tués avec des machettes", affirme Emebet Demoz, qui a fui le mois dernier.

"Nous n'avons même pas pu emporter les corps et les enterrer", ajoute cette femme d'une vingtaine d'années qui a trouvé refuge dans un centre de transit dans le village soudanais de Basinga, à la frontière.

Comme Emebet Demoz, quelque 3.000 Qemants sont arrivés au Soudan ces dernières semaines, selon des responsables soudanais. 

Depuis fin juillet, les affrontements entre l'armée éthiopienne et les forces du Front de libération du Peuple du Tigré (TPLF) ont gagné plusieurs régions du nord du pays, dont l'Amhara et celle de l'Afar, poussant ses habitants, dont les Qemants, sur la route de l'exil.

Les Qemants ont réclamé ces dernières années une autonomie vis-à-vis des Amharas, une revendication donnant lieu à de fréquents affrontements. 

«Prendre parti»

Or le peuple Amhara a rallié l'offensive lancée par le Premier ministre Abiy Ahmed au Tigré, en vue notamment de récupérer des territoires perdus il y a des décennies.

"Les combattants Amharas soutenus par le gouvernement ont voulu nous expulser de nos terres", lance Emebet Demoz. "Ils nous tuent car nous sommes une minorité ethnique".

Un porte-parole du gouvernement régional de l'Amhara a catégoriquement nié que cette communauté était visée.

"Les Qemants et les Amharas sont un même peuple vivant ensemble depuis des milliers d'années", a déclaré Gizachew Muluneh.

Pour lui, ceux qui se disent réfugiés sont en fait des personnes soutenant le "groupe terroriste TPLF".

Selon les Nations unies, les combats ont déjà déplacé près de 200.000 personnes de la région de l'Amhara, où les violences accentuent le fossé entre les deux communautés. 

"Les Amharas voulaient qu'on prenne leur parti contre les Tigréens", raconte Balata Gochi, qui a fui le nord-est de l'Ethiopie fin juillet.

Mais "nous avons refusé de prendre parti alors ils nous ont combattus", a-t-il ajouté.

A Basinga, où sont hébergés un millier de réfugiés, Emebet Demoz couche sous une bâche en plastique qui ne la protège ni des fortes pluies saisonnières ni de la chaleur étouffante de l'été.

Mais "au moins" ici, "nous sommes en sécurité", assure-t-elle.

Interviewés par l'AFP à Basinga et aux alentours, les réfugiés Qemants affirment être victimes d'un "conflit ethnique".

Ralliés aux forces gouvernementales, des combattants Amharas souhaitent mettre fin à un litige foncier de longue date avec le TPLF, qu'ils accusent d'avoir confisqué des terres durant ses trois décennies au pouvoir, auxquelles l'arrivée de M. Abiy au pouvoir en 2018 a mis fin.

Bien que ce dernier a proclamé la victoire en novembre après la prise de Mekele, la capitale du Tigré, par ses troupes et leurs alliés Amharas, le TPLF a reconquis une grande partie de la région en juin.

«Prétexte»

Pour Kasaw Abayi, un autre réfugié Qemant, les Amharas ont utilisé le conflit au Tigré comme "prétexte" pour prendre le contrôle de nouvelles terres.

"Ils considèrent toute la zone comme la leur. Ils ne veulent ni de nous (Qemants) ni des Tigréens", estime cet ouvrier du bâtiment quinquagénaire, originaire du village de Gobay.

Alors que la région du Tigré est au coeur d'une grave crise humanitaire, l'aide internationale peine à parvenir dans la région, selon les Nations unies. 

Or, le débordement "imprévisible" du conflit aux régions voisines de l'Amhara et de l'Afar fait craindre une augmentation du nombre de personnes dépendant de l'aide humanitaire, s'est alarmé récemment le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l'ONU (Ocha).

Au Soudan, les autorités redoutent elles l'arrivée de nouvelles vagues de réfugiés éthiopiens, qui mettraient encore plus à mal l'économie déjà en lambeaux du pays.

"Nous nous attendons à l'arrivée de davantage de Qemants et d'autres groupes ethniques", a affirmé Mohamed al-Khair, de la Commission soudanaise des réfugiés à Basinga.

Le pays accueille déjà 60.000 réfugiés venus d'Ethiopie, selon les derniers chiffres de l'ONU.

Quant aux Qemants sur place, ils ont peu d'espoir de retourner chez eux dans l'immédiat.

"Comment peut-on y retourner tant que ce gouvernement est toujours en place ?", s'interroge Emebet Demoz.


L'Allemagne aux urnes, sous pression de l'extrême droite et de Trump

Le chancelier allemand Olaf Scholz, candidat principal à la chancellerie du parti social-démocrate allemand SPD, vote pour les élections générales dans un bureau de vote à Potsdam, dans l'est de l'Allemagne, le 23 février 2025. (Photo par RALF HIRSCHBERGER / AFP)
Le chancelier allemand Olaf Scholz, candidat principal à la chancellerie du parti social-démocrate allemand SPD, vote pour les élections générales dans un bureau de vote à Potsdam, dans l'est de l'Allemagne, le 23 février 2025. (Photo par RALF HIRSCHBERGER / AFP)
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  • Surveillé dans le monde entier, ce scrutin va doter la première puissance européenne d'un nouveau parlement afin d'affronter les défis qui ébranlent son modèle de prospérité et inquiètent la population.
  • Selon les sondages, l'extrême droite de l'Alternative pour l'Allemagne (AfD) peut espérer obtenir au moins 20 % des voix, soit deux fois plus qu'en 2021 et un résultat record.

BERLIN : Alors qu'elle est déstabilisée par les crises, l'Allemagne vote dimanche pour des élections législatives où l'opposition conservatrice part largement favorite après une campagne bousculée par le retour au pouvoir de Donald Trump et l'essor de l'extrême droite.

Surveillé dans le monde entier, ce scrutin va doter la première puissance européenne d'un nouveau parlement afin d'affronter les défis qui ébranlent son modèle de prospérité et inquiètent la population.

« Nous traversons une période très incertaine », constatait Daniel Hofmann, rencontré à la sortie d'un bureau de vote à Berlin.

Selon cet urbaniste de 62 ans, qui se dit préoccupé par la « sécurité européenne » sur fond de guerre en Ukraine, le pays a besoin d'un « changement, une transformation ».

Récession économique, menace de guerre commerciale avec Washington, remise en cause du lien transatlantique et du « parapluie » américain sur lequel comptait Berlin pour assurer sa sécurité : c'est le « destin » de l'Allemagne qui est en jeu, a déclaré samedi le chef de file des conservateurs Friedrich Merz.

Ce dernier semble très bien placé pour devenir le prochain chancelier et donner un coup de barre à droite dans le pays, après l'ère du social-démocrate Olaf Scholz. D'après les derniers sondages, il recueillerait environ 30 % des intentions de vote.

Visiblement détendu, souriant et serrant de nombreuses mains, le conservateur de 69 ans a voté à Arnsberg, dans sa commune du Haut-Sauerland, à l'ouest.

Son rival social-démocrate, visage plus fermé, a lui aussi glissé son bulletin dans l'urne, à Potsdam, à l'est de Berlin.

Les électeurs ont jusqu'à 18 heures (17 heures GMT) pour voter. Les premiers sondages sortie des urnes seront publiés dans la foulée.

Selon les sondages, l'extrême droite de l'Alternative pour l'Allemagne (AfD) peut espérer obtenir au moins 20 % des voix, soit deux fois plus qu'en 2021 et un résultat record.

Le parti anti-migrant et pro-russe a imposé ses thèmes de campagne, suite à plusieurs attaques et attentats meurtriers perpétrés par des étrangers sur le territoire allemand.

L'AfD a également bénéficié du soutien appuyé de l'entourage de Donald Trump pendant des semaines.

Son conseiller Elon Musk, l'homme le plus riche du monde, n'a cessé de promouvoir la tête de liste du parti allemand, Alice Weidel, sur sa plateforme X.

« AfD ! » a encore posté M. Musk dans la nuit de samedi à dimanche, accompagnant son message de drapeaux allemands.
Les élections législatives anticipées ont lieu la veille du troisième anniversaire de l'invasion russe en Ukraine, un événement particulièrement marquant en Allemagne.

Le conflit a mis fin à l'approvisionnement en gaz russe du pays, qui a accueilli plus d'un million d'Ukrainiens. La perspective d'une paix négociée « dans le dos » de Kiev et des Européens inquiète tout autant.

Interrogé sur ces élections allemandes, le président américain a répondu avec désinvolture qu'il souhaitait « bonne chance » à l'allié historique des États-Unis, qui ont leurs « propres problèmes ».

Le discours de son vice-président JD Vance à Munich, dans lequel il exhortait les partis traditionnels allemands à mettre fin à leur refus de gouverner avec l'extrême droite, a creusé un peu plus le fossé entre Washington et Berlin.

Friedrich Merz souhaite que l'Allemagne puisse « assumer un rôle de leader » en Europe.

Dans le système parlementaire allemand, il pourrait s'écouler des semaines, voire des mois, avant qu'un nouveau gouvernement ne soit constitué.

Pour former une coalition, le bloc mené par les conservateurs CDU/CSU devrait se tourner vers le parti social-démocrate (SPD), excluant ainsi toute alliance avec l'AfD, avec laquelle il a entretenu des relations tendues durant la campagne, notamment sur les questions d'immigration.

Les sondages lui attribuent 15 % des voix. Ce score serait son pire résultat depuis l'après-guerre et signerait probablement la fin de la carrière politique d'Olaf Scholz. Mais auparavant, le chancelier devra assurer la transition.

« J'espère que la formation du gouvernement sera achevée d'ici Pâques », soit le 20 avril, veut croire Friedrich Merz.

Un objectif difficile à atteindre si les deux partis qui ont dominé la politique allemande depuis 1945 sont contraints, faute de majorité de députés à eux deux, de devoir trouver un troisième partenaire.

La fragmentation au Parlement dépendra notamment des résultats de petits partis et de leur capacité ou non à franchir le seuil minimum de 5 % des suffrages pour entrer au Bundestag.


Sécurité européenne, Ukraine : réunion des ministres européens de la Défense lundi

Drapeaux de l'Union européenne et l'Ukraine (Photo i Stock)
Drapeaux de l'Union européenne et l'Ukraine (Photo i Stock)
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  • Une douzaine de ministres européens de la Défense tiendront lundi une réunion par visioconférence afin de définir une réponse coordonnée à l'offensive diplomatique américano-russe concernant le dossier ukrainien
  • Cette réunion des ministres de la Défense s'inscrit dans le ballet diplomatique provoqué par l'annonce de pourparlers bilatéraux américano-russes visant à mettre fin au conflit.

PARIS : Une douzaine de ministres européens de la Défense tiendront lundi une réunion par visioconférence afin de définir une réponse coordonnée à l'offensive diplomatique américano-russe concernant le dossier ukrainien et de renforcer la sécurité du Vieux continent, a-t-on appris dimanche auprès du ministère français des Armées.

Cette réunion, qui se tiendra dans l'après-midi à l'initiative de l'Estonie et de la France, rassemblera également les ministres de la Défense de Lituanie, de Lettonie, de Norvège, de Finlande, de Suède, du Danemark, des Pays-Bas, d'Allemagne, d'Italie, de Pologne et du Royaume-Uni, selon cette source.

À cette occasion, le ministre français des Armées, Sébastien Lecornu, se rendra à Tallinn aux côtés de son homologue estonien Hanno Pevkur, après avoir participé aux célébrations de la fête nationale estonienne.

La France déploie environ 350 militaires en Estonie dans le cadre d'un bataillon multinational de l'OTAN.

Cette réunion des ministres de la Défense, trois ans jour pour jour après l'invasion à grande échelle de l'Ukraine par la Russie, s'inscrit dans le ballet diplomatique provoqué par l'annonce de pourparlers bilatéraux américano-russes visant à mettre fin au conflit.

La semaine passée, plusieurs chefs de gouvernement européens avaient été conviés à Paris par le président Emmanuel Macron. D'après un résumé obtenu de sources parlementaires, ils se seraient accordés sur la nécessité d'un « accord de paix durable s'appuyant sur des garanties de sécurité » pour Kiev, et auraient exprimé leur « disponibilité » à « augmenter leurs investissements » dans la défense.

Plusieurs pays membres avaient en revanche exprimé des réticences quant à l'envoi de troupes européennes en Ukraine, dans l'hypothèse d'un accord mettant fin aux hostilités.


Le ministre russe des Affaires étrangères effectue une visite en Turquie lundi

Cette photo prise et diffusée par le ministère russe des Affaires étrangères montre le ministre russe des Affaires étrangères, Sergey Lavrov, donnant une conférence de presse après la réunion avec le secrétaire d'État américain, le conseiller à la sécurité nationale et l'envoyé pour le Moyen-Orient au palais de Diriyah à Riyad, le 18 février 2025. M. (Photo by Handout / RUSSIAN FOREIGN MINISTRY / AFP)
Cette photo prise et diffusée par le ministère russe des Affaires étrangères montre le ministre russe des Affaires étrangères, Sergey Lavrov, donnant une conférence de presse après la réunion avec le secrétaire d'État américain, le conseiller à la sécurité nationale et l'envoyé pour le Moyen-Orient au palais de Diriyah à Riyad, le 18 février 2025. M. (Photo by Handout / RUSSIAN FOREIGN MINISTRY / AFP)
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  • La Turquie, membre de l'OTAN, souhaite jouer un rôle de premier plan dans la fin des hostilités, comme elle avait tenté de le faire en mars 2022 en accueillant par deux fois des négociations directes entre Moscou et Kiev.
  • Le président turc Recep Tayyip Erdogan a de nouveau affirmé que son pays serait un « hôte idéal » pour des pourparlers sur l'Ukraine associant Moscou, Kiev et Washington.

ISTAMBUL : Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, est attendu en Turquie lundi, jour du troisième anniversaire du déclenchement de l'invasion russe de l'Ukraine, ont annoncé dimanche des sources diplomatiques turques.

M. Lavrov doit s'entretenir à Ankara avec son homologue turc Hakan Fidan, ont indiqué ces mêmes sources, précisant que les deux hommes discuteraient notamment d'une solution au conflit ukrainien.

Dimanche, la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova, a confirmé à l'agence Tass qu'une délégation menée par Sergueï Lavrov devait se rendre prochainement en Turquie pour y discuter d'« un large éventail de sujets ».

La Turquie, membre de l'OTAN, souhaite jouer un rôle de premier plan dans la fin des hostilités, comme elle avait tenté de le faire en mars 2022 en accueillant par deux fois des négociations directes entre Moscou et Kiev.

Mardi, en recevant son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky, le président turc Recep Tayyip Erdogan a de nouveau affirmé que son pays serait un « hôte idéal » pour des pourparlers sur l'Ukraine associant Moscou, Kiev et Washington.

Toutefois, ces dernières semaines, Moscou et Washington ont entamé un dialogue direct, alors que les relations se réchauffent entre Donald Trump et Vladimir Poutine.

Mardi, Russes et Américains se sont rencontrés en Arabie saoudite pour entamer le rétablissement de leurs relations, une réunion dénoncée par Volodymyr Zelensky qui redoute un accord sur l'Ukraine à leur insu.

M. Lavrov, dont la dernière visite en Turquie remonte à octobre, doit se rendre dans la foulée en Iran, un allié de la Russie.

La Turquie, qui est parvenue à maintenir ses liens avec Moscou et Kiev, fournit des drones de combat aux Ukrainiens mais n'a pas participé aux sanctions occidentales contre la Russie.

Ankara défend parallèlement l'intégrité territoriale de l'Ukraine et réclame la restitution de la Crimée du Sud, occupée par la Russie depuis 2014, au nom de la protection de la minorité tatare turcophone de cette péninsule.