BEYROUTH : On dirait que Guy Manoukian transforme en or tout ce qu’il touche. Célèbre pour être le prodige de la musique qui a commencé à jouer du piano à l’âge de 4 ans, le musicien, compositeur, pianiste et producteur libano-arménien jouit d’une popularité mondiale pour son style novateur qui fusionne le caractère séduisant et mystique de la musique arabe traditionnelle avec les instruments occidentaux contemporains.
Cet artiste de 45 ans, qui s’est produit dans les salles les plus prestigieuses à travers le monde, notamment à Londres, Los Angeles, Sydney, Dubaï, Le Caire et Singapour, ne manque pas d’attribuer son succès à ceux qui ont cultivé chez lui le goût de la musique dès sa plus tendre enfance.
«On peut me voir sur certaines photos assis devant un piano, alors que j’avais à peine 10 mois. Je ne pouvais même pas marcher», se souvient-il. «Le mérite en revient donc en grande partie à mes parents. Feu mon père a décelé ce talent chez moi. Il a donc investi en moi, et m’a encouragé à le développer en m’offrant la meilleure formation auprès des professeurs et des écoles de musique de renom.»

Manoukian a connu une ascension astronomique: à l’âge de 8 ans, il s’est produit au Palais présidentiel du Liban et a composé lui-même des morceaux de musique. C’est à 16 ans qu’il a donné son premier concert en solo, devant une foule de 1 000 admirateurs.
Aujourd’hui, ce virtuose ne se contente plus des accolades que lui ont valu ces trois décennies passées sous les projecteurs. Sa dernière collaboration en date est intitulée Worth It, un titre pop pur et dur qu’il a produit et publié le mois dernier en collaboration avec Warner Music Middle East. Ce morceau aux vibrations électro et disco-funk est interprété par SS.HH.A.N.A, une chanteuse et parolière libanaise avec qui il a été ravi de travailler.
«Lorsque je me produis à l’Opéra de Dubaï par exemple, mon public s’attend à une musique arabe classique, adaptée au crossover moderne qui me caractérise. Je trouve cela génial, c’est ce qui définit mon style», explique-t-il. «Mais la musique pop me passionne elle aussi. Depuis toujours. Lorsque je travaille avec des artistes comme SS.HH.A.N.A – un jeune talent extraordinaire –, je parviens à faire mon travail de producteur pour exprimer mes passions créatives et musicales de manière plus étendue.
«Vous retrouverez dans le titre Worth It des influences provenant d’artistes comme Jamiroquai, Daft Punk et Dua Lipa. Grâce à ces œuvres musicales pop et plus électroniques, je parviens à exprimer d’autres aspects de mon identité de musicien tout en continuant à me distinguer en tant que producteur», ajoute-t-il.
Pourtant, le périple de Manoukian qui l’a conduit à la place qu’il occupe aujourd’hui est loin d’être une évidence s’imposant fatalement. Son palmarès riche en couleurs inclut également un diplôme en droit, de même qu’une carrière de joueur de basket-ball professionnel et de président de club.
«J’avais 17 ans lorsque j’ai achevé ma formation musicale. Ma mère m’a donc conseillé d’envisager une autre alternative», confie le pianiste. «J’ai donc fait des études de droit. J’ai également joué en première division de la Ligue libanaise de basket-ball. Le basket était bon pour moi, car il me tenait à l’écart des ennuis et m’aidait à acquérir une bonne éducation physique.»
De joueur au Homenetmen de Beyrouth, Manoukian est devenu président de ce club de basket-ball qui occupe une place importante dans son cœur. «En tant que président, j’ai promis de remporter toutes les compétitions. En 2018, nous sommes parvenus à vaincre toutes les équipes établies du monde arabe. C’était David contre Goliath. Nous avons remporté le championnat local, la coupe du Liban et le championnat arabe des clubs de basket-ball.»
Le parcours de cette équipe vers les sommets fait l’objet d’un documentaire intitulé Dare to Dream, sur lequel le compositeur travaille actuellement. La sortie du documentaire est prévue pour 2022. «L’essor du club Homenetmen Beyrouth est l’une de mes plus grandes réussites. Elle est aussi importante que ma carrière musicale», insiste-t-il. «Le film ne porte pas seulement sur le basket. Il évoque la confiance en soi, et montre qu’il ne faut jamais abandonner ses rêves.»
Aujourd’hui, Guy Manoukian ne se contente pas de remplir son armoire de trophées, aux sens propre comme au figuré. Il veut aussi accumuler les succès en tant qu’entrepreneur du divertissement et de la vie nocturne.
Il est directeur artistique et responsable de la création artistique de The Theater, à Dubaï, qui vient d’être inauguré sur l’ancien emplacement du Cavalli Club, à l’hôtel Fairmont situé sur la Sheikh Zayed Road. Le communiqué de presse annonçant la coentreprise de Manoukian avec 7 Management et Bulldozer Group promet «un spectacle visuel immersif constituant un divertissement de classe mondiale sans précédent».
Le jeune entrepreneur est bien entendu chargé de l’organisation de toutes les activités musicales dans ce théâtre. «J’ai conçu un programme très diversifié. Chaque soir, on propose deux spectacles dynamiques, avec des artistes remarquables issus des quatre coins du monde, dont des chanteurs et des danseurs aériens de Las Vegas. Pendant les pauses, un DJ joue des titres envoûtants des années 1980 et 1990, entre autres. Il va sans dire que la gastronomie est exceptionnelle.»
Si Guy Manoukian a toujours voulu se surpasser, il est néanmoins abasourdi par le succès que The Theater a rencontré à ce jour. «Nous accueillons des demandes de réservation pour le mois de novembre!», indique-t-il non sans une certaine fierté. Mais le projet revêt une importance plus significative pour lui.
«La pandémie a été particulièrement éprouvante», admet-il. «L’année dernière, 90 de mes spectacles ont été annulés. Lors de mes concerts, l’audience me transmet une énergie intense; en être privé n’a pas été chose facile. The Theater est donc venu au bon moment – il a réveillé en moi l’envie de continuer à exprimer ma créativité et de rester motivé et passionné.
Pour les fans craignant que ses nombreux engagements le détournent de sa musique, Manoukian se montre plutôt rassurant: «Je pense que mon dernier album est la meilleure œuvre que j’aie jamais réalisée.»
Tamada est son nouvel album tant attendu, prévu pour octobre. Il a accordé à Arab News un aperçu exclusif de la chanson éponyme, une composition revigorante aux mélodies joyeuses et aux accords instrumentaux. «C’est une ode à mes origines arméniennes imprégnée d’influences qui évoquent l’Arménie soviétique d’avant 1990», explique-t-il. «Elle réunit des musiciens prodigieux et une importante section de cordes. La musique est cinématographique, comme celle de Hans Zimmer. Très moderne, plus imposante et plus cool. Je suis impatient de la faire découvrir aux gens.»
Car Guy Manoukian est tout autant attaché à ses origines arméniennes qu’à son héritage libanais. «La situation en Arménie (le conflit du Haut-Karabakh survenu cette année) et au Liban (les crises successives) m’ont profondément bouleversé, en tant qu’artiste et être humain», confie-t-il. «Je suis très fier de faire partie de Lebanon of Tomorrow», une ONG avec laquelle il mène des actions caritatives à la suite des explosions du port de Beyrouth l’année dernière.
«Les artistes refusent souvent de prendre position, et je suis fier de dire que je ne fais pas partie de cette catégorie. Je suis une personne pragmatique. Je crois aux petites victoires et je me fixe des objectifs réalisables. Le droit m’a appris à le faire», explique-t-il.
«Avec le basket-ball, j’ai acquis un esprit de compétition et la détermination à toujours viser la victoire. Certes, gagner ne suffit pas. On doit constamment aspirer à la victoire», poursuit-il. «Ne jamais baisser les bras et se battre jusqu’au dernier souffle. Ces principes me guident dans ma musique et dans tout ce que je fais.»
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com.