PARIS : Gestion du trafic aérien et des flux de personnes, ravitaillement : un pont aérien, même d'ampleur comme celui mis en place à Kaboul, est une opération à laquelle les militaires sont préparés et où l'enjeu majeur est la sécurisation de l'aéroport, selon des experts.
Des dizaines de milliers de diplomates, de ressortissants étrangers et d'Afghans à évacuer, des dizaines d'avions militaires d'une quinzaine de pays mobilisés : la chute précipitée de Kaboul aux mains des talibans dimanche a donné le coup d'envoi d'une opération militaire majeure sur l'aéroport Hamid Karzaï, seule porte de sortie du pays.
Des plans d'urgence existent dans la plupart des pays pour les zones à haut risque, selon Ben Carves, analyste à la Rand Europe. "En cas d'urgence, (chaque pays) prend ce plan sur étagère. Il doit être adapté à la situation parce qu'il ne contient pas toutes les réponses, mais c'est un très bon point de départ", explique à l'AFP cet ancien officier logisticien de la Royal Air Force britannique.
Et les armées américaine, britannique ou française ont l'expérience de ces opérations d'évacuation ou de pont aérien pour acheminer des secours lors de catastrophes naturelles, comme lors du séisme en Haïti en janvier 2010.
"Le défi consiste à coordonner cela à l'échelle internationale. Lorsque chaque nation essaie de faire la même chose, comment empêcher que cela ne devienne un chaos absolu ?", relève-t-il.
Avec l'effondrement soudain de l'Etat afghan, les Etats-Unis, qui prévoient d'évacuer plus de 30000 personnes avant le 31 août, ont pris en charge le contrôle aérien et la coordination des vols.
Selon le quotidien américain Air Force Times, le contrôle des mouvements aériens vers Kaboul incombe aux aviateurs américains basés sur la base aérienne Al Udeid, au Qatar. L'aviation civile afghane a indiqué lundi ne plus être en mesure de contrôler le trafic civil au-dessus de l'Afghanistan.
Une partie des 4000 militaires américains sur place - bientôt 6000 - est également chargée de gérer les mouvements d'avions au sol, explique John Wesley, spécialiste de transport aérien militaire chez MilAirX.
Si l'opération est massive, "ce n'est pas son ampleur qui m'inquiète, on a l'entraînement et les moyens (...) Ce qui me soucie, c'est la sécurité ", confie à l'AFP cet ancien logisticien de l'US Air Force.
L'envahissement des pistes de l'aéroport de Kaboul lundi par une foule d'Afghans paniqués, certains tentant de monter à tout prix à bord d'avions en partance, a semé le chaos sur l'aéroport et a conduit à l'arrêt temporaire de tout mouvement aérien.
L'énorme base aérienne de Bagram, au nord de Kaboul, aurait ainsi été, selon lui, plus facile à sécuriser si elle n'avait pas été abandonnée début juillet par les Etats-Unis.
"Cela semble désormais sous contrôle", selon Ben Carves. Et Washington table désormais sur un avion "qui arrive et repart de Kaboul par heure" et "le départ de 5000 à 9000 passagers par jour", selon le général américain Hank Taylor.
Outre les Américains, la Turquie a déployé 900 militaires pour participer à la sécurisation de l'aéroport. Le Royaume-Uni a de son côté envoyé 900 militaires, la France un nombre non précisé de forces spéciales.
Ils doivent s'assurer que seules les personnes autorisées montent dans l'avion, "car dans une crise comme celle-là, n'importe qui peut essayer de monter à bord, dans le pire des cas un terroriste", rappelle Ben Carves.
Un autre aspect à prendre en compte est la question du ravitaillement en carburant. Les armées impliquées utilisent des avions -C-17, A400M, C-130- ayant suffisamment d'allonge pour atterrir et repartir sans avoir à refaire le plein et d'aller se poser dans des pays proches.
"C'est plus efficace de faire des évacuations à courte portée" vers un endroit sûr et de pouvoir ainsi effectuer les rotations plus rapidement, explique une source militaire française.
Les Français déposent dans un premier temps les évacués à Abou Dhabi, les Américains au Koweït et au Qatar, les Britanniques à Dubaï. "Les bases militaires dans la région ne manquent pas", observe Ben Carves.
Et pour maximiser la capacité d'emport des avions, certains appareils peuvent toujours être ravitaillés en vol par les nombreux avions-ravitailleurs dont disposent les Etats-Unis dans la région.