MOSCOU: L'agence de presse bélarusse BelaPan et plusieurs de ses employés ont été visés par des perquisitions et des arrestations mercredi, nouvelle illustration de la répression menée par le régime du président Alexandre Loukachenko contre les médias et l'opposition.
Les perquisitions ont été menées dans le cadre d'une enquête pour "organisation d'actes ayant violé l'ordre public", selon le Comité d'enquête, l'organe chargé des principales investigations criminelles dans le pays.
L'agence a également été soumise à un contrôle fiscal qui a relevé des "violations" dans le paiement des impôts, ce qui peut potentiellement mener à des accusations d'évasion fiscale, selon la même source.
"Nous allons continuer de travailler", a de son côté promis BelaPan dans un communiqué, précisant qu'une partie de la rédaction se trouvait à l'étranger et reprendra le flambeau.
L'agence a dénoncé une "continuation de la politique de suppression de la liberté d'expression au Bélarus" et exigé la libération immédiate des personnes arrêtées.
Le rédacteur en chef-adjoint de BelaPan, Alexandre Zaïtsev a vu son téléphone portable, un disque dur et une tablette saisis, selon l'Association bélarusse des journalistes.
Le domicile de la rédactrice en chef de l'agence, Irina Levchina, et celui d'une journaliste de BelaPan, Irina Tourtchina, ont également été perquisitionnés.
Mme Tourtchina et l'un de ses collègues, le journaliste Zakhar Chtcherbakov, ont été interrogés par les enquêteurs, avant d'être relâchés.
Mais la comptable de BelaPan, Ekaterina Boïeva, et l'ancien directeur de l'agence, Dmitri Novojilov, ont été arrêtés et placés en détention provisoire à Minsk, selon l'Association bélarusse des journalistes, qui appelle les autorités à les "libérer immédiatement".
"On peut fermer les médias indépendants, on peut arrêter leurs employés, on peut intimider les gens. Mais personne ne peut réprimer les pensées et les idées", a-t-elle souligné.
Les sites de l'agence belapan.by et belapan.com n'étaient plus accessibles depuis la mi-journée. Dans la matinée, ils avaient encore pu publier deux messages annonçant les perquisitions.
Depuis des mois, le régime de M. Loukachenko poursuit sans relâche une répression du mouvement de protestation massif apparu en août 2020 pour contester sa réélection.
Ce mouvement a rassemblé pendant des mois des dizaines de milliers de manifestants avant de s'essouffler à coup d'arrestations, de violences, d'exils forcés et de procès.
La répression s'est également abattue sur les médias avec l'emprisonnement de deux journalistes de la chaîne de télévision d'opposition Belsat et le blocage de l'un des principaux médias d'opposition en ligne, Nacha Niva, et de la principale plateforme internet du pays, TUT.BY.
Minsk a également arrêté fin mai un journaliste en exil, Roman Protassevitch, détenu après l'interception au-dessus du territoire bélarusse de l'avion de ligne dans lequel il se trouvait.
Au pouvoir depuis 1994, M. Loukachenko a nié lui, au cours d'une récente grande conférence de presse télévisée, toute répression dans son pays et accusé ses détracteurs d'avoir voulu fomenter un "coup d'État" avec l'aide de l'Occident, qui chercherait ainsi à s'en prendre à la Russie.
Le Bélarus déclare «extrémiste» un groupe de hackeurs qui dit avoir visé les autorités
Les autorités bélarusses ont classé mercredi comme "extrémiste" un groupe de hackeurs qui assure avoir mené une cyberattaque massive contre le ministère de l'Intérieur, en signe de protestation contre la répression de l'opposition menée par le régime.
Ce groupe, Kiber Partizany ("Cyber-Partisans" en russe), a commencé à publier le mois dernier ce qu'il présente comme les enregistrements audio de responsables du ministère de l'Intérieur bélarusse ordonnant le recours à la violence contre les manifestants d'opposition.
Cette cyberattaque a été revendiquée par les hackeurs comme "la plus grande dans l'histoire du Bélarus" et le groupe publie sur Telegram des enregistrements audio quasiment chaque jour. Il a aussi révélé des informations personnelles des responsables, selon les hackeurs, de la répression des manifestations.
"Le régime terroriste continue les répressions, des pogroms de la société civile et des médias indépendants ont lieu. Notre réponse est un coup au système punitif", avait indiqué le groupe sur Telegram.
Le ministère de l'Intérieur bélarusse a de son côté annoncé mercredi que deux chaînes Telegram liées au groupe de hackeurs avaient été classés "extrémistes" pour avoir "discrédité les forces de l'ordre et les représentants des organes gouvernementaux" et "incité à l'inimitié sociale".
La désignation d'"extrémiste" signifie que le partage de toute publication de ces chaînes peut aboutir à une amende ou à une arrestation. Elle aggrave aussi les peines encourues par les membres ou les soutiens financiers du groupe.
Les Cyber-Partisans avaient affirmé la semaine dernière que leur opération se poursuivait, revendiquant avoir piraté plus de 5 téraoctets de données du ministère de l'Intérieur "et pas seulement".
Contactés à plusieurs reprises, le ministère, le Parquet et le Comité d'enquête bélarusses, n'ont pas donné suite. L'année dernière, une première cyberattaque de ce groupe visant déjà des responsables du ministère de l'Intérieur avait été confirmée par les autorités.
Commentant leur désignation comme "extrémistes" mercredi sur Telegram, les hackeurs ont indiqué: "Sans aucun doute, il s'agit d'un signe de la qualité de notre travail".
Les autorités au Bélarus mènent depuis des mois une répression sévère du mouvement de contestation né après l'élection jugée frauduleuse du président Alexandre Loukachenko en août 2020. Les opposants ont été arrêtés ou contraints à l'exil, tandis que de nombreuses ONG et médias indépendants ont été liquidés par la justice.