KANO: Deux mois et demi après l'enlèvement d'une centaine d'enfants dans une école musulmane du centre du Nigeria, l'inquiétude des familles grandit sur leur sort, après la nouvelle de la mort de quatre élèves en captivité.
Le 30 mai, environ 200 hommes armés à moto avaient envahi la ville de Tegina, dans l'État du Niger où sévissent plusieurs bandes criminelles, et enlevé 136 élèves de l'école privée musulmane Salihu Tanko.
C'est un émissaire envoyé pour faire libérer les enfants en échange d'une rançon - lui-même retenu captif puis libéré - qui a appris la triste nouvelle aux parents. Mais il n'a pu leur dire quels enfants étaient décédés, faisant monter l'angoisse des familles.
"Nous avons appris la nouvelle choquante de la mort de quatre enfants", a déclaré Maryam Mohammed, dont sept des douze enfants figurent parmi les captifs. "Depuis, chaque parent vit encore plus dans l'incertitude car personne ne sait si son enfant fait partie des morts."
Une douzaine d'entre eux, dont une petite fille de 7 ans, avaient réussi mi-juin à échapper à la surveillance des ravisseurs durant leur sommeil.
Le 1er août, l'émissaire envoyé par les parents pour remettre une rançon de 30 millions de nairas (61 000 euros) en échange de la libération des enfants, était revenu bredouille.
Cet homme de 60 ans, qui s'était porté volontaire pour la mission, a lui-même été détenu pendant une semaine, car les ravisseurs exigeaient davantage d'argent, selon les responsables de l'école.
Il n'a pas pu identifier les quatre victimes. Les ravisseurs lui ont seulement montré quatre tombes qui, selon eux, appartenaient aux élèves décédés.
Deux des enfants de Maryam Mohammed souffrent de pneumonie, "ce qui me fait penser qu'ils pourraient faire partie des victimes", a-t-elle confié.
"J'ai toutes les raisons de craindre pour leur vie", après 78 jours de captivité dans la brousse, sans accès à leurs médicaments, a ajouté cette mère de famille.
Des bandes criminelles lourdement armées sèment la terreur depuis des années dans le Nord et le centre du Nigeria, où ils ont mené une série de kidnappings de masse. Environ 1 000 enfants ont ainsi été enlevés dans des écoles depuis le début de l'année, selon l'ONU.
La plupart ont été libérés grâce à des négociations ou au versement de rançons, mais des centaines d'élèves et d'étudiants sont toujours aux mains de leurs ravisseurs.
Parmi eux, 81 élèves d'un lycée baptiste de l'État de Kaduna, enlevés le 5 juillet, dont les proches restent sans nouvelles.
Et dimanche soir, trois personnes ont été tuées et 15 élèves enlevés dans un collège agricole de l'État de Zamfara (Nord-Ouest), lors d'une nouvelle attaque par des hommes armés.
«Abandonnés»
La fille de Fati Abdullahi, âgée de 18 ans, et son fils, 15 ans, font eux aussi partie des élèves enlevés à Tegina.
Et comme Maryam Mohammed, elle se dit très inquiète, notamment pour les "adolescentes" qui, craint-elle, pourraient être maltraitées par les ravisseurs.
"Mon esprit sera davantage en paix si j'apprends que ma fille est morte plutôt que de vivre un cauchemar, si son honneur a été violé", a déclaré Mme Abdullahi.
"Je ne peux pas imaginer ma fille et les autres filles de son âge vivre dans les mêmes vêtements pendant tous ces jours, sans accès aux besoins sanitaires", a-t-elle ajouté.
Les autorités de l'État du Niger ont répété qu'elles ne paieraient aucune rançon aux ravisseurs, mais qu'elles étaient prêtes à négocier.
Les parents des élèves kidnappés affirment avoir réuni la rançon confiée à l'émissaire pour faire libérer leurs enfants grâce à leurs économies et à des dons.
Le mari de Mme Mohammed a vendu ses deux parcelles de terrain et leur maison pour y contribuer.
"Nous avons vendu tout ce que nous avons. Nous avons vendu notre seule maison (...) pour voir nos enfants rentrer à la maison, mais notre espoir a été douché", a-t-elle expliqué. "Nous nous sentons abandonnés par le gouvernement et les Nigérians, tout le monde s'est tu et le gouvernement ne semble pas se soucier de nos enfants".
"La foi en Allah et les conseils de mes autres enfants", a déclaré Mme Mohammed, "ce sont mes seules forces contre la tempête".