PARIS : Sortis brûlants du four, les filets de merlu passent de 100 degrés à zéro avant de garnir une barquette en plastique livrée deux jours plus tard, à une personne âgée. Pour la restauration collective, le marché des seniors a été une planche de salut pendant le confinement.
Quelque 18.000 repas sont préparés chaque jour à Epône, dans les Yvelines, l'une des 52 cuisines centrales du géant de la restauration collective Elior, qui fournit des repas aux crèches, écoles, hôpitaux ou entreprises du pays, en liaison froide: ils ne sont que réchauffés sur place.
Environ 80% des plats confectionnés là seront consommés, deux ou trois jours plus tard, dans les cantines des écoles maternelles et primaires de dix villes - Levallois, Chatou, Mantes-la-Jolie, Chanteloup...- qui ont concédé leur service de restauration à Elior, et les 20% restants, commandés par des centres communaux d'action sociale (CCAS) seront livrés au domicile de seniors.
Flambant neuf -il a démarré son activité en février-, le site s'approvisionne en production locale pour 20 à 30% de ses achats, trie ses déchets et teste des innovations technologiques comme la préparation de commandes assistée: une fois scanné le bon de livraison individuel, le préparateur pioche les plats choisis par la personne âgée dans les casiers désignés par un signal lumineux.
Sur les 100 salariés qui y travaillent, seuls 14 sont des « cuisinants » précise à l’AFP le directeur du site Vincent Charoy; les autres sont magasiniers, préparateurs de commandes, chauffeurs livreurs... ou assurent les achats, les relations client ou encore le suivi diététique des repas.
« Nous avions besoin d'avoir plus de place pour développer le marché, et améliorer les méthodes culinaires avec de nouveaux matériels, plus de +fait maison+ (préparé sur place, NDLR), une légumerie, ce qui n'était pas possible dans les anciens locaux, trop contraints en termes de taille », indique M. Charoy.
« Nous avons aussi amélioré le packaging, avec des barquettes noires et non plus blanches, des verrines pour mettre une entrée, une soupe, une purée de fruits +maison+, qui augmentent l'appétence pour les personnes âgées, c'est très important pour lutter contre la dénutrition », dit-il.
« Tops » et « flops »
Elior a regroupé à Epône la préparation des repas acheminés à domicile aux seniors de toute l'Ile-de-France, qui a bondi de 50% pendant le confinement.
A contrario sur la période, la restauration scolaire s'est arrêtée net avec la fermeture des écoles, décidée pour endiguer la pandémie de Covid-19, tandis que la restauration d'entreprise s'effondrait du fait de la généralisation du télétravail. En septembre, ses volumes sont encore divisés par deux.
Très critiquée pour la faible qualité de ses repas, souvent insipides, ultra-transformés, agrémentés de fonds de sauces trop salés et sucrés, dénoncée notamment dans « Le livre noir des cantines scolaires » (Editions Leduc, 2018) de la journaliste Sandra Franrenet, la restauration collective déléguée aux entreprises privées s'emploie à améliorer son offre, en particulier scolaire.
Elior, qui fait partie des géants du secteur dans l'Hexagone avec un autre groupe français, Sodexo, et le britannique Compass, a ainsi mis en place un « observatoire du goût » qui permet de « savoir chaque jour, sur chaque école, ce qui a été bien, moyennement ou moins bien consommé », explique M. Charoy.
La commission restauration où siègent des parents d'élèves, « regarde les +tops+ et les +flops+ et choisit le niveau de risques, pour ne pas servir que des haricots verts, pâtes, petits pois, mais aussi des blettes, des choux de Bruxelles de temps en temps, avec de nouvelles recettes pour donner envie », affirme M. Charoy.
Et des « tests convives » -les prochains n'auront lieu qu'en 2021 en raison de la pandémie- réunissent, 25 à 30 fois par an, une cinquantaine d'enfants, qui goûtent les nouvelles recettes, explique Sylvain Chevalier, responsable de l'innovation culinaire chez Elior. « Si 70% des enfants ont aimé, la recette est validée, en dessous de 59%, elle est abandonnée. Entre les deux, on la retravaille », dit-il.