BERLIN : L'Allemagne et les Pays-Bas ont annoncé mercredi la suspension des expulsions de migrants afghans vers leur pays d'origine en raison des combats sur place entre talibans et forces pro-gouvernementales, qui ont fait de nombreuses victimes civiles.
Il s'agit d'une volte-face pour ces deux pays.
Aux côtés des gouvernements belge, danois, grec et autrichien, l'Allemagne et les Pays-Bas avaient la semaine dernière demandé à la Commission européenne de maintenir la possibilité d'expulser des migrants afghans, malgré un appel de Kaboul à interrompre ces expulsions.
A Berlin, le ministère de l'Intérieur a finalement opté pour la suspension "en raison de l'évolution de la situation sécuritaire" dans le pays, a justifié un de ses porte-parole, Steve Alter, sur Twitter.
Le gouvernement à Kaboul "nous a demandé déjà depuis un certain temps de suspendre (les expulsions) jusqu'à la fin octobre", requête "que nous satisfaisons et que je trouve également juste", a précisé le chef de la diplomatie allemande Heiko Maas lors d'une conférence de presse à Berlin avec son homologue du Bahrein Rashid Al Zayani.
L'Autriche a en revanche maintenu sa ligne dure. "A l'heure actuelle une suspension de facto des expulsions n'est pas en discussion", a indiqué à Vienne un porte-parole du ministère de l'Intérieur à l'AFP.
Depuis 2016, environ un millier d'Afghans, déboutés de leur demande d'asile, ont été expulsés par avion vers leur pays par les autorités allemandes, surtout durant les années 2018 et 2019.
"La situation en Afghanistan est susceptible de changer et les événements pour la période à venir sont si incertains que j'ai décidé d'introduire un moratoire sur les décisions (d'expulsion) et les départs", a déclaré pour sa part la secrétaire d'état néerlandaise à la Justice et la Sécurité, Ankie Broekers-Knol.
"Le moratoire sur les décisions et les départs s'applique pour une durée de six mois et s'applique aux ressortissants étrangers de nationalité afghane", a ajouté la ministre du parti libéral VVD dans une lettre adressée au Parlement néerlandais.
Aucun retour forcé d'Afghan n'a eu lieu au cours des six derniers mois et aucune expulsion n'était prévue prochainement, a-t-elle précisé.
Les expulsions d'Afghans étaient dénoncées tant en Allemagne qu'aux Pays-Bas par les partis de gauche et associations de défense des demandeurs d'asile.
Mais la situation en Afghanistan a largement changé ces dernières semaines.
Galvanisés par le retrait des forces étrangères, qui auront définitivement quitté l'Afghanistan d'ici à la fin du mois après vingt ans de présence, les talibans ont multiplié les gains territoriaux.
Ils se sont emparés dimanche de Kunduz, la grande ville du nord-est, et, ces derniers jours, de huit autres capitales provinciales, au cours d'une offensive éclair déclenchée en mai et qui s'est récemment accélérée.
Le gouvernement de Kaboul avait en juillet appelé les pays européens à cesser, pendant les trois prochains mois, d'expulser des migrants afghans. La Suède et la Finlande avaient suspendu les renvois en Afghanistan à la suite de cet appel.
Les Afghans constituaient en 2020 10,6% des demandeurs d'asile dans l'UE (un peu plus de 44.000 sur quelque 416.600 demandes), le deuxième contingent derrière les Syriens (15,2%), selon l'agence statistique de l'UE Eurostat.
Selon un responsable européen, depuis le début de l'année 2021, 1.200 personnes ont été renvoyées de l'UE en Afghanistan, dont mille qualifiées de "volontaires" au départ, les 200 autres ayant été "forcées" à partir.