WASHINGTON : La flambée de l'épidémie de Covid-19 provoquée par le variant Delta alimente à nouveau la controverse politique autour du masque aux Etats-Unis, certains gouverneurs s'opposant à toute mesure visant à le rendre obligatoire malgré les recommandations des autorités sanitaires.
L'affrontement a comme un air de déjà-vu. Au début de l'épidémie, le masque était rapidement devenu un symbole d'appartenance politique dans le pays, alors dirigé par un Donald Trump mettant un point d'honneur à s'afficher le moins possible le visage couvert.
Un an plus tard, le sujet est de nouveau particulièrement sensible à l'approche de la rentrée scolaire.
"Ce sont les parents qui doivent décider", a une fois de plus martelé mardi le gouverneur républicain de Floride, Ron DeSantis, qui a interdit aux écoles de son Etat d'imposer le port du masque aux élèves. "Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour faire valoir les droits" des parents, a-t-il ajouté.
Plusieurs districts scolaires ont annoncé vouloir défier l'ordre du gouverneur. En retour, Ron DeSantis a menacé de couper les fonds aux écoles rebelles, ou même de cesser de verser les salaires des responsables scolaires impliqués dans ces décisions.
"Qu'un gouverneur ait l'autorité de dire" aux directeurs d'écoles voulant imposer le masque "+vous ne pouvez pas faire cela+, je trouve cela complètement contre-intuitif, et même hypocrite", a cinglé mardi le président démocrate Joe Biden.
Haute circulation du virus
En mai, les Américains vaccinés avaient pu dire adieu au masque, les autorités sanitaires estimant alors qu'ils pouvaient le tomber sans risque. Début juillet, la principale agence de santé publique du pays (CDC) avait assuré que cette recommandation vaudrait également dans les classes à la rentrée pour les enfants vaccinés.
C'était compter sans le variant Delta, hautement contagieux. Et une couverture vaccinale insuffisante pour éviter une forte poussée de l'épidémie: seule la moitié de la population américaine est entièrement vaccinée. Et les enfants de moins de 12 ans ne sont pas éligibles.
Fin juillet, patatras: le masque est de nouveau recommandé en intérieur pour les personnes vaccinées, dans les régions où la circulation du virus est importante. Soit quasiment 90% du pays actuellement, selon la classification des CDC.
Les autorités sanitaires mettent en avant des données préliminaires montrant que les personnes vaccinées, en cas d'infection, pourraient davantage transmettre le virus avec Delta qu'avec les autres variants.
Dans la foulée, de nombreuses entreprises révisent leurs règles. Le numéro un de la distribution aux Etats-Unis, Walmart, réimpose le port du masque à tous ses salariés, deux mois et demi après l'avoir levé pour ses employés vaccinés.
Mettre la politique de côté
L'épidémie est actuellement particulièrement virulente dans le sud-est du pays. Justement là où se trouvent les Etats parmi les moins vaccinés.
Or "les gens non vaccinés sont aussi moins susceptibles de porter le masque", souligne auprès de l'AFP Eric Cioe-Pena, expert en santé publique à Northwell Health. "Nous n'avons pas l'adhésion de la part des gens dont nous avons justement besoin qu'ils adhèrent."
Dans l'Arkansas le gouverneur républicain Asa Hutchinson avait bien imposé le port du masque durant le pic épidémique cet hiver. Mais lorsque les cas ont diminué, il l'a finalement levé et, sous pression d'un gouvernement local très conservateur, a signé une loi interdisant d'imposer de nouveau une telle obligation à l'avenir.
"Avec le recul, j'aimerais que ça ne soit pas devenu la loi", a-t-il confié début août lors d'une conférence de presse. Lundi, il s'est alarmé sur Twitter du nombre record d'hospitalisations, soulignant que l'Etat ne comptait plus que huit lits disponibles en soins intensifs.
Au Texas, comme en Floride, le gouverneur républicain Greg Abbott a interdit aux écoles d'imposer le masque. Et là aussi, plusieurs districts scolaires ont annoncé qu'ils le feraient malgré tout. Même scénario en Arizona.
Au contraire, à New York ou encore dans l'Illinois, Etats démocrates, tous les écoliers devront obligatoirement porter un masque.
"Nous nous comportons comme s'il y avait deux pays", a regretté auprès de l'AFP Nahid Bhadelia, directrice du Centre de recherche sur les maladies infectieuses émergentes à l'Université de Boston. "Mais ce qui est triste, c'est que ce n'est pas le cas. Parce que ce qui se passe dans le sud du pays affectera le nord."
Avec des enfants non vaccinés se retrouvant dans la même salle de classe et "si vous retirez la politique du scénario (...), le moyen de rendre cela plus sûr est de vacciner tout le monde autour, et d'exiger le port du masque."