AVGARIÁ: Villages assiégés, pinèdes carbonisées et maisons détruites: l'île grecque d'Eubée offrait un spectacle de désolation mardi alors que des centaines de pompiers et de volontaires luttaient pour arrêter la course folle du plus destructeur des incendies ayant frappé la Grèce.
En huit jours d'incendie sur cette vaste île montagneuse et boisée à 200 km d'Athènes, ce sont 49 700 hectares qui sont déjà partis en fumée, selon le Système européen d'information sur les feux de forêts (EFFIS).
Et depuis le 29 juillet, plus de 93 700 hectares ont été ravagés par les flammes dans ce pays méditerranéen frappé début août par la pire canicule en trois décennies. Moins de 2 300 hectares avaient brûlé en moyenne sur la même période entre 2008 et 2020.
Face à une "catastrophe naturelle aux proportions sans précédent", le Premier ministre Kyriakos Mitsotakis a annoncé le déblocage d'une enveloppe globale de 500 millions d'euros qui comprend à la fois des aides d'urgence aux habitants victimes des feux, mais aussi un plan de reconstruction des zones sinistrées.
En l'espace de quelques jours où le thermomètre a largement dépassé les 40° à de nombreux endroits, 586 incendies se sont déclarés dans le pays, a précisé le vice-ministre de la Protection civile, Nikos Hardalias.
Devant l'avancée du brasier, plus de 3 000 personnes ont été évacuées par la mer de l'immense île d'Eubée dont la partie nord s'est embrasée le 3 août, selon les garde-côtes grecs.
Si les autorités ont jugé que "la situation est bien meilleure" mardi, les pompiers, aidés de nombreux volontaires, bataillaient toujours pour empêcher le feu d'atteindre Istiaia, une ville de 7 000 habitants, qui n'a pas été évacuée.
Les forces déployées dans la partie nord d'Eubée ont été renforcées mardi et portées à 870 pompiers, dont beaucoup venus de Chypre, Slovaquie, Pologne, Serbie, Ukraine et Roumanie, selon les services d'incendies grecs.
Dix-sept hélicoptères bombardiers d'eau étaient mobilisés, ainsi que huit avions, dont trois Canadairs français.
Dans le Péloponnèse, région également frappée par les incendies, les feux ont repris de plus belle, poussant les autorités à ordonner l'évacuation de plus d'une dizaine de petits villages dans la région de Gortynia.
"En un clin d'œil, nous avons perdu tout contrôle", a déploré le maire, Efstathios Soulis, à la télévision publique ERT, ajoutant que des dizaines de villages, d'unités agricoles et d'entreprises étaient en danger.
À Eubée, "les citoyens et les pompiers sont engagés dans une bataille au corps-à-corps, se battant avec tout leur cœur et toute leur âme", a déclaré sur sa page Facebook le maire d'Istiaia, Yiannis Kontzias.
La Grèce et la Turquie sont touchées par une vague d'incendies violents, qui ont fait huit morts sur les côtes turques et trois morts en Grèce.
La Turquie semblait toutefois désormais sortie d'affaire.
Seize personnes ont été interpellées, soupçonnées d'incendie criminel ou d'incendie par négligence, a indiqué la police.
«On les supplie de venir»
Des villages entiers ont été évacués et des centaines de maisons détruites à Eubée mais aussi dans l'agglomération d'Athènes, sur la péninsule du Péloponnèse et dans d'autres régions du pays.
En T-shirts et souvent sans masque ni casque, les volontaires, aidés de pompiers, luttaient sur plusieurs fronts pour contenir les flammes qui dévorent Eubée.
Mardi, le maire d'Istiaia se montrait "optimiste" sur le front de Kamatriades, estimant que le feu y était "sous contrôle".
Mais sur l'autre front, une centaine de pompiers se battaient contre l'avancée impitoyable des flammes, ont constaté des journalistes de l'AFP.
Dans le village balnéaire d'Asminio, menacé par les flammes, l'ordre d'évacuer a été donné mardi midi. "Où veux-tu qu'on aille?", hurle une sexagénaire qui refuse de quitter les lieux sous un ballet d'hélicoptères.
Dans les rues, envahies par des dizaines d'habitants, le ton monte: "Regarde, ce sont eux qui font le boulot", s'emporte Dimitri en montrant un camion de pompiers slovaque. "Ils sont où, les nôtres? On les supplie de venir et personne n'arrive".
Le Premier ministre demande pardon
Le maire d'Istiaia a estimé que "les hélicoptères avaient beaucoup aidé" lundi. "Si nous avions fait ça dès le début, nous aurions évité cette destruction", a-t-il dit.
À l'instar de l'opposition, de nombreux responsables locaux et habitants ont dénoncé le manque de réactivité et de moyens aériens mis en œuvre.
Le Premier ministre a "demandé pardon pour de possibles erreurs". "Nous avons fait tout ce qui était humainement possible, mais dans plusieurs cas, ce n'était pas assez", a-t-il déclaré lundi soir dans une allocution télévisée.
Nikos Hardalias a lui souligné mardi qu'il était "très dangereux" pour les pilotes de voler avec "zéro visibilité".